Vladimir O. Pechatnov centre son travail autour de l'étude de trois rapports inédits issus des archives du commissariat aux Affaires Etrangères. Ces rapports, écrits entre janvier 1944 et l'été 1945 par « les trois grands » de la diplomatie soviétique, Ivan M. Maisky, Maxim M. Litvinov et Andrei A. Gromyko, concernent directement le programme soviétique au sujet des futures relations entre les Trois Grands. Quelques passages de ces rapports avaient déjà été utilisés dans les travaux d'historiens tels que Amos Perlmutter ou Alexei Filitov, mais jamais leur contenu dans son entier n'avait fait l'objet d'une étude centrée sur le thème des objectifs soviétiques d'après-guerre. Cet article a donc fait date et on en veut pour preuve son utilisation, aujourd'hui encore, par des historiens comme Georges-Henri Soutou dans sa Guerre de Cinquante Ans, Les Relations Est-Ouest, 1943-1990. En outre, pour comparer les contenus de tels rapports avec les pensées des dirigeants soviétiques, d'abord, puis des officiels américains et britanniques, Pechatnov a également recours aux archives des Affaires étrangères américaines, aux comptes-rendus d'un certains nombres de personnages ayant discuté avec Staline (Djilas notamment), à des correspondances diverses, à des notes écrites et à des documents du Foreign Office britannique.
[...] Chez les Soviétiques, on ferait intervenir le potentiel des partis communistes européens. De leur côté, les Américains manqueraient de fermeté dans leurs réponses face aux initiatives soviétiques. Finalement, la question allemande aurait provoqué la guerre froide, principalement par la faute des Américains. L'expansionnisme des États-Unis y aurait été motivé par la peur de l'ennemi (J.L. Gaddis et D. Holloway). Un autre point saillant de ce débat historiographique porte sur la motivation de la politique extérieure soviétique. On y retrouve deux grandes écoles. [...]
[...] Les deux États auraient été motivés par des objectifs de sécurité nationale. Ils auraient provoqué des conflits stratégiques pour des motifs géopolitiques afin de maintenir la Balance of Power. Le conflit serait aussi hautement idéologique, entre autres, par les prismes marxiste-léniniste et tsariste de Staline. Les pressions domestiques amplifieraient les dangers externes et ces impératifs internes justifieraient l'utilisation de l'arme économique. On soulève également de très graves problèmes de perception réciproque (M. Leffler). D'autres insistent sur le rôle prépondérant des principaux acteurs du conflit, individuels ou collectifs. [...]
[...] Un paradigme unificateur a été formulé par Pleshakov et Zubok : le révolutionnarisme-impérial. Selon ces historiens, l'idéologie communiste internationale est enracinée dans l'histoire de la Russie. Les archives nous apprennent que la politique n'est pas confuse et défensive mais expansionniste et prudente. L'idéologique légitime mais ne détermine pas la politique extérieure du Kremlin. La fusion du marxisme-léninisme et de la sécurité devient une politique réaliste où l'on unifie la perspective socialiste, l'internationalisme prolétarien et la géopolitique. Objectif, sources et nouveauté : Vladimir O. [...]
[...] C'est dans cette conjoncture que Pechatnov fait ressortir l'importance d'en venir à un arrangement à propos des sphères d'influence. C'est une version de l'ordre international en termes géopolitiques maximisant les intérêts des grandes puissances et les sphères de sécurité (William C. Wohlforth). D'autres, comme Pleshakov et Zubok, soutiennent que Staline veut que la révolution socialiste s'effectue même en Europe de l'Ouest. Ce qui est indéniable, c'est que le prisme idéologique refait fortement surface. L'ouvrage de John Lewis Gaddis, We Know Now reprend la vieille rhétorique orthodoxe de l'idéologie staliniste expansionniste en ressortant les arguments justifiant l'application de l'endiguement. [...]
[...] Cependant, la mentalité politique soviétique de l'époque ressort clairement autour de thèmes communs au trois rapports : - la primauté accordée aux intérêts de sécurité soviétiques ; - l'acceptation unanime de la coopération entre les Trois Grands ; - un concert des grandes puissances autour d'une sorte de division du monde en sphères d'influences ; - la croyance ferme en une inévitable contradiction anglo-américaine ; - la volonté de prévenir de futures agressions en éliminant les dangers allemand et japonais. Dans quelle mesure de tels objectifs étaient-ils réalisables ? [...]
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