Alain Corbin est un historien français spécialiste du 19ème siècle. Il a travaillé sur l'histoire sociale et l'histoire des représentations. « Historien du sensible » comme ce livre l'illustre parfaitement ; il a présenté l'évolution historique des sensibilités, il a écrit entre autres Les filles de noce, Le Miasme et la Jonquille, Le Territoire du vide.
Le village des cannibales
16 août 1870. Dans le petit village de Hautefaye en Dordogne se déroule un des drames les plus choquants de la fin du 19ème siècle : le meurtre, ou plutôt le supplice pendant deux longues heures d'un jeune aristocrate, Alain de Monéys, pourtant connu pour sa générosité. Supplicié sans raison car noble, accusé à tort d'être un républicain et un prussien, il est brûlé, peut-être vif, après avoir été roué de coups par une foule déchaînée. Des centaines de personnes sont témoins du massacre ; seuls les amis de la victimes tenteront de s'interposer.
Il convient dès lors d'essayer de comprendre comment une telle chose a pu arriver, de retracer l'état d'esprit des paysans qui les a conduits à cette fureur, toute entière déversée sur Alain de Monéys, dont le seul tort fut de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Grâce à cet ouvrage, Alain Corbin nous permet de retracer cette sensibilité paysanne à travers un fait qui s'insère tout à fait dans le climat de violence des campagnes françaises du 19ème siècle.
[...] peut-on entendre, le bourrer c'est-à-dire le frapper avec les poings, les pieds et des bâtons. Lorsque le corps est brûlé, il n'est pas évident qu'Alain de Monéys, après tout ce qu'on lui a fait, soit encore en vie : il a subi des blessures très graves en tentant de se défendre. On ne peut même pas parler de vrai bûcher, les fagots sont entassés sur le corps avant qu'un véritable feu de joie ne s'élève. La douleur qu'a pu ressentir Alain de Monéys est complètement étrangère à la foule. [...]
[...] Dans le midi et le centre, des bandes fortes de plusieurs milliers d'hommes parfois se sont organisées, pour la plupart des paysans. L'exemple de la Dordogne, s'il constitue un exemple intéressant en montrant le soutien des paysans parcellaires selon Marx, au régime, n'est pas généralisable. Il n'en reste pas moins représentatif d'une partie de la population. Alain Corbin nous permet de mieux comprendre les représentations et les perceptions par les paysans du monde qui les entoure grâce aux liens qui les unissent et au réseau d'information auquel ils ont accès, présentant ainsi une vision intéressante de la paysannerie à la fin du second Empire. [...]
[...] La croyance tiède des paysans et les frictions fréquentes avec l'Eglise n'arrangent pas les choses. Un prêtre qui refuse de bénir une personne qui s'était suicidée entraîne par exemple un fort mécontentement en 1865. L'anticléricalisme se focalise surtout sur ce qui peut corroborer la thèse du fameux complot : les bancs dans les Eglise, les sonneries de cloches que le peuple voudrait gratuites et l'accès au sanctuaire qu'on voudrait libre pour tous. Les avantages du clergé sont contestés, ils sont accusés de menacer l'Empereur ; on fait alors disparaître des églises toutes les fleurs, qui rappellent les fleurs de Lys. [...]
[...] Alain Corbin veut une approche plus compréhensive. Jean-Luc Mayaud milite quant à lui pour une communalisation de l'histoire rurale pour appliquer à l'histoire politique les techniques de recherche de la micro-histoire sociale afin de déterminer les réseaux de relations qui lient les acteurs sociaux. La vie politique commence au niveau municipal. La micro-histoire propose d'examiner non plus les masses mais les individus en se concentrant sur l'étude d'un village par exemple comme le fait Alain Corbin pour éclairer les caractéristiques du monde qui les entoure. [...]
[...] La haine des républicains devient aussi forte que la haine des riches. Il s'agit ici, et par-dessus tout d'une question de fiscalité. D'une part les souvenirs des troubles ne plaident pas en faveur de la Seconde République, mais les rumeurs perpétuelles les plus farfelues, ajoutées à l'impôt des quarante-cinq centimes et à l'indemnité parlementaire, fixée à 25 francs, entraînent une forte hostilité paysanne. Des percepteurs sont agressés, on refuse de payer l'impôt pour les voleurs de caisses publiques qui vont le dilapider. [...]
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