Sous le titre Essais politiques, sont en fait regroupés les différents textes, qui prennent souvent un caractère pamphlétaire, que Václav Havel a pu écrire au cours de sa longue carrière d'opposant au régime communiste.
Ceux-ci sont classés par ordre chronologique. On trouve d'abord la Lettre ouverte à Gustav Husak, secrétaire général du parti et donc chef de l'Etat tchécoslovaque, qui date de 1975. Puis Le sens de la charte 77, qui revient sur la création et les accomplissements du célèbre mouvement d'opposition, dont Havel était le porte-parole. Vient ensuite Le pouvoir des sans pouvoir, qui donne un aperçu de la situation sous un régime totalitaire. Enfin, sont ajoutés différents écrits de Havel sur des thèmes particuliers, mais qui ont en commun de s'élever contre les dirigeants communistes : Histoires et totalitarisme, Anatomie d'une réticence, La politique et la conscience, et, pour finir, Face aux juges.
La ligne directrice de l'ouvrage consiste en une description du régime tchécoslovaque de l'après 1870, c'est-à-dire dans la période qui succède à la reprise du pouvoir par les autorités communistes à la suite du « Printemps de Prague », qui avait installé les réformistes, sous la direction d'Alexander Dubcek, à la tête de l'Etat. Le régime qu'il décrit, Havel le considère non comme totalitaire, mais plutôt comme « post-totalitaire », car il représente le stade ultime, le plus abouti, de ce type d'organisation. Selon lui, l'Etat post-totalitaire parvient à la fois à contrôler les individus plus parfaitement, à tuer dans l'œuf toute velléité contestatrice, et à présenter à l'extérieur un visage acceptable. La volonté de Havel, s'il base sa réflexion sur son pays d'origine, est avant tout de délivrer un message à valeur internationale, et d'expliquer que la situation dépeinte dans ses écrits doit représenter un modèle à ne pas reproduire pour les Etats occidentaux. Mais ses textes constituent également un moyen de faire comprendre à l'opinion internationale ce à quoi sont confrontés dans leur vie quotidienne ses compatriotes, quels moyens le pouvoir utilise pour les contraindre au silence, et aussi et surtout selon quelles voies peut se construire la réaction, se constituer un nouveau système, qui pourrait venir bousculer l'ancien.
L'ouvrage d'Havel constitue en tout cas une base de réflexion extrêmement utile pour étudier de quelle façon s'installe et se perpétue un pouvoir totalitaire, et plus largement pourquoi le totalitarisme représente un danger dont tout responsable politique doit avoir conscience de la perversité, dont il faut se méfier à chaque instant.
[...] Havel va en fait se servir d'une comparaison avec un phénomène plus concret pour construire son raisonnement. Il évoque l'exemple d'une cheminée d'usine, qui rejette de la fumée dans l'atmosphère, pour poser des questions essentielles : jusqu'à quel point peut-on aller dans le développement de la science ? Où débute le risque de créer un déséquilibre irréparable ? Le rapport avec le politique est évident : le totalitarisme prend en effet directement sa source dans la volonté de l'Homme de dépasser l'incertitude liée à sa condition naturelle, de prendre le contrôle de son existence au travers du corps social, de nier la contingence pour parvenir à la fin de l'histoire. [...]
[...] La plaidoirie, si elle est assez courte, n'en est pas moins forte, et elle représente une parfaite conclusion à l'ouvrage, résumant bien la carrière de Václav Havel, qui est resté en toute circonstance fidèle à ses principes et à ses idées, et a largement contribué au retour de la démocratie dans son pays. [...]
[...] L'individu doit s'effacer devant un pouvoir impersonnel, qui le dépasse, puisque s'éloigner de la marche normale le mènerait à être mis à l'écart par le reste de la population. La société est entraînée par une inertie puissante et un Homme seul ne peut en aucune façon s'opposer à sa marche en avant. Devant l'incapacité à changer les choses, l'indifférence, puis l'apathie, prennent rapidement le dessus, et tout le monde se résout à une perpétuation du statu-quo. L'immobilisme est de plus renforcé par la disparition de toutes les formes de protestation possibles, et en tout cas par l'anéantissement de la création culturelle contestatrice. [...]
[...] Ce processus est favorisé par le développement d'une société de consommation, qui permet de canaliser les pulsions de révolte des opposants potentiels et de les orienter vers des modes d'expression plus inoffensifs. Mais après avoir posé les données du problème, Havel cherche à y apporter des solutions. Pour lui, comme le vampire craint la lumière, le régime post-totalitaire craint la vérité. La solution pour le renverser apparaît alors évidente : si tout le monde refuse le mensonge, et accepte de dire les choses au grand jour, le système ne semble pas devoir résister. [...]
[...] La seule Histoire que le pouvoir reconnaît, c'est celle qu'il écrit, de façon monopolistique, une Histoire immobile où la mémoire est confisquée L'idéologie est d'ailleurs sans doute l'adversaire le plus redoutable auquel l'Histoire doit faire face, dans le sens qu'elle a proclamé sa fin, et ne peut cohabiter avec elle. En fait, rien d'étonnant à ce que le pays renvoie une image de paix et de calme : l'oppression que subissent les citoyens est silencieuse, mais écrasante. La résultante logique du mouvement de disparition de l'histoire est l'obsolescence de la notion de choix individuel, et par voie de conséquence, la standardisation des destins individuels. [...]
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