L'ouvrage de Thibaut Tellier le temps des HLM, 1945-1975, est l'un des derniers travaux en date sur le phénomène sociétal qu'ont été les grands ensembles. Conscient de l'image négative qu'ils portent actuellement dans la société, du « malaise » urbain ou de la « crise » des banlieues, Thibaut Tellier tente a contrario de retracer la création et l'affirmation de ces espaces urbains spécifiques. L'auteur est frappé à l'idée qu'une société puisse aujourd'hui les détruire sans en avoir réellement retracer l'histoire, seul moyen d'offrir au politique le recul nécessaire à la prise de décision. Ainsi, de 1945, date des premières mesures pour pallier la crise patente du logement, à 1975, deux ans après le décret marquant la fin de ces constructions, les grands ensembles semblent constituer un point central dans le nouveau projet social de la France. Dans une période d'amélioration nette des conditions de vie et d'expansion économique, Thibaut Tellier interroge le logement collectif comme possible creuset d'une société plus égalitaire, autorisant le mélange des couches ou des classes sociales, des origines sociales et ethniques. En s'appuyant sur les travaux des historiens de l'urbain et des sociologues depuis Chombart de Lauwe, il retrace l'historique de la constitution de ces vastes zones d'habitat social. Si l'approche n'est pas nouvelle, cet ouvrage a le mérite de synthétiser dans ses premiers chapitres la politique de l'habitat collectif, de la reconstruction à la construction, à travers le prisme des gouvernements, des dirigeants et des directives ministérielles.
[...] Cependant ils décrivent également une désillusion rapide. Faire l'histoire de ces HLM revient donc à faire l'histoire d'une transition, d'un passage extrêmement rapide d'une idée de modernité à celle d'un problème et d'une relégation. En moins de dix ans, les ferments de la remise en cause des HLM apparaissent : l'impossibilité à répondre à la demande, le départ progressif des classes les plus aisées de ces espaces, le passage de l'idée de pionniers à des arrivées contraintes et à une migration subie, et enfin le ressentiment des locataires, exclus des décisions et marginalisés par les infrastructures quantitativement insuffisantes. [...]
[...] Tout porte à croire que ces journaux de locataires ne sont qu'une forme de résistance face à la déconstruction des solidarités et des échanges dans les HLM, pointant en permanence le repli des individus sur une cellule familiale de base, et que seul réunit l'imaginaire négatif de leur logement. Les coupables désignés varient : l'Etat est visé, incapable d'assurer les infrastructures et moyens humains nécessaires. Mais au-delà de cette vision réductrice, la relation au logement ne peut-elle pas aussi être le témoin de la transformation de la société, qui passe progressivement du collectif à l'individuel ? [...]
[...] Thibaut Tellier, le temps des HLM, 1945-1975, la saga urbaine des Trente Glorieuses L'ouvrage de Thibaut Tellier le temps des HLM, 1945-1975, est l'un des derniers travaux en date sur le phénomène sociétal qu'ont été les grands ensembles. Conscient de l'image négative qu'ils portent actuellement dans la société, du malaise urbain ou de la crise des banlieues, Thibaut Tellier tente a contrario de retracer la création et l'affirmation de ces espaces urbains spécifiques. L'auteur est frappé à l'idée qu'une société puisse aujourd'hui les détruire sans en avoir réellement retracé l'histoire, seul moyen d'offrir au politique le recul nécessaire à la prise de décision. [...]
[...] Ainsi, en 1973, s'achève politiquement le temps des HLM dans les grands ensembles. Cependant, il reste encore à cette époque la foi, certes dispersée mais réelle, dans la possibilité de faire autre chose de ces espaces que des zones de relégation sociale. Là encore s'exprime tout le paradoxe d'une politique inadaptée aux réalités locales, d'une politique qui a voulu et souhaité un système relationnel classique, adepte du temps long, dans une zone créée ex nihilo et typiquement transitoire, puis qui décrète sa fin alors que de petits fragments de sociabilité existent. [...]
[...] Aux yeux des hommes qui mènent la politique urbaine de la France, les grands ensembles sont le fer de lance de la France nouvelle d'après-guerre. Ainsi l'ouvrage s'attarde sur la figure d'Eugène Claudius-Petit qui œuvre pour l'émergence d'une nouvelle politique en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire : dans ce système inspiré par son ami Le Corbusier, l'habitat est vu comme un vecteur de la modernité et la matrice d'une société nouvelle. A travers le recueil de textes administratifs, de coupures de presse et de journaux de quartier, le mythe du pionnier est réactivé : dans la tête des hommes politiques, ces nouveaux habitants conquièrent, après la vie dans des bidonvilles, un espace de confort moderne. [...]
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