On ne connaît quasiment rien de l'auteur, sibérien, si ce n'est que le manuscrit de ce livre a été trouvé bien après son écriture. Il a été mis à la disposition du public seulement à la fin de l'empire soviétique russe, c'est à dire en 1989. L'auteur est tout à fait réaliste, c'est le moins que l'on puisse dire. La propagande du parti le surnomme d'ailleurs « L'homme le plus humain de tous les hommes ». Il me semble que cette appellation est totalement en contradiction avec l'image que le livre en donne.
La première édition officielle de ce livre a été faite en 1990. Il fait partie de ces livres que Brodski qui a reçu le prix Nobel en 1987 a appelé « les livres que le peuple redécouvre, qui lui avait été volé pendant des décennies ». Il a été retrouvé par Kolesnikova dans les départements des manuscrits de la Bibliothèque Lénine à Moscou. Il est daté du 2 » Avril 1923, chose important puisque aucune date n'est jamais mentionnée dans cette œuvre. Elle ne peut susciter qu'une seule réaction : l'horreur. Il ne parle que d'une chose : Elle, c'est-à-dire cette révolution russe en marche au début du XXème siècle et pour laquelle des millions d'individus ont donné et perdu leur vie. C'est l'image de Celle au nom de laquelle le sang est versé, elle s'incarne dans un personnage à part entière. Mais Elle, c'est aussi plus que la révolution, c'est une idéologie, la violence aussi qu'elle exprime.
[...] Son organisation était décentralisée, et devait seconder les soviets locaux. Ainsi, l'histoire racontée par Zazoubrine est celle de la Révolution, vu sous l'angle d'un Tchékiste. L'histoire de la Tcheka est l'histoire du pouvoir soviétique, depuis les premières années de terreur de classe parmi les plus cruelles qui fussent. La Tcheka s'est ensuite transformée petit à petit en KGB moderne, dont le pouvoir d'action embrasse et contrôle toute chose, en passant par la méthode stalinienne qui coûta la vie à des millions de victimes. [...]
[...] En revanche, le blanc c'est avant tout la neige qui recouvre toute la Russie, mais c'est aussi la couleur des cadavres, la couleur de la pureté de la Révolution. Le Blanc, c'est la couleur inaccessible mais en même temps sans vie. Comme je l'ai dit précédemment, les couleurs se déclinent. Elles mettent en valeur les mines grisées des officiers, agissant comme des robots devant la tache qui leur incombe. Le gris est enfin suggéré par la poussière et la saleté. Les yeux rougis sont ceux de la torture, ou encore du manque de sommeil (envahi par les cauchemars). [...]
[...] Il y a à la fois un mélange de détails pointus et une banalisation normale de la violence : Alekséï Bojé, le blanc des yeux enflammé par l'excitation sanguinaire, la figure éclaboussée de sang, les dents jaunes sous les babines rouges et retroussées, la moustache comme du noir de fumée Finalement, ce qui m'a réellement ému dans ce livre c'est la réalité choquante de ce qu'un régime totalitaire pouvait être. A la fois violent et simple, on aurait presque pu dans un moment de faiblesse, comprendre la détresse dans laquelle se trouvait notre personnage : enfermé par une idée et un système auquel il croit et qui finalement le trahit. [...]
[...] Ainsi, comme le dit Jan Papel, ce tchékiste originaire des Pays Baltes : Sroubov est trop intellectuel pour remplir l'office d'un bourreau. Il va donc se laisse étouffer par le système et cette idéologie salie pour laquelle il se battait. ( Le rouge, le gris et le blanc Cette métaphore des couleurs est utilisée tout au long du livre. Elle exprime des sujets différents mais finalement nous laisse parfaitement imaginer la Russie Soviétique telle qu'on l'imagine. Des livres, des films ou des documentaires regardés, ce sont les trois couleurs de la Révolution. [...]
[...] C'est aussi à travers ces trois couleurs que Subrov voit sa vie. Il est même surprenant de voir que les termes rouge ou gris sont déclinés en grisés ou rougis Ils encadrent complètement le livre. Le rouge c'est tout d'abord la couleur des uniformes. Mais le rouge c'est également la couleur du sang, sang que l'on voit dès le début lors du premier chapitre, chapitre consacré à l'exécution des opposants politiques. Page 52, la phrase jeter des bûches blanches dans le feu rouge est finalement l'expression des cadavres que l'on empile et le rouge est le sang qui coule de ces corps sans vie. [...]
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