Steven Shapin est un historien et un sociologue des sciences. Il est actuellement professeur d'histoire des sciences à l'université d'Harvard. Il a reçu en 2005 avec Simon Shaffer le prix Erasmus pour Leviathan and the Air-Pump: Hobbes, Boyle, and the Experimental Life. En 1996, il publie The Scientific Revolution, qui a été traduit dans 14 langues.
S. Shapin commence son ouvrage en écrivant que « la Révolution scientifique n'a jamais existé et pourtant ce livre lui est consacré ». Selon lui cette notion n'est donc qu'un mythe épistémologique. Il s'attaque ainsi à toute une tradition qui a supposé l'existence d'un événement exceptionnel qui aurait profondément modifié la connaissance du monde et en même temps les méthodes utilisées dans les sciences. Ainsi S. Shapin s'intéresse à la formation de la science au début de la période moderne, car selon lui il y a de nombreux arguments qui permettent de contester la notion même de Révolution scientifique. Par exemple il appuie sur la nécessité de relier les usages scientifiques aux ruptures religieuses et culturelles de l'époque, pour rompre avec l'idée qu'il existerait un monde des idées éthéré, analysable historiquement indépendamment du contexte.
[...] En cela il faisait montre d'une volonté d'étudier la nature en elle-même, sans s'appuyer sur les grands anciens, mais au contraire en exerçant sa propre raison. Voici l'argument principal des modernes contre les anciens, à savoir que ces derniers étudient les livres de la tradition alors qu'il faut lire le Livre de la Nature. C'est ce débat que Shapin décrit au début de sa deuxième partie qui traite des modes d'acquisitions de ce nouveau corpus de connaissance dans le contexte de la science à l'époque. [...]
[...] Il s'agit ainsi de placer l'expérience et l'accumulation des connaissances dans le temps au dessus du principe d'autorité (surtout celle d'Aristote et des Écoles après lui) jugé de plus en plus absurde. Mais ici encore Shapin insiste sur le fait que cette expérimentation, loin d'être en rupture radicale avec la tradition, reprend pour un grand nombre de savants en grande partie l'idée aristotélicienne d'expérience : faits du quotidien non artificiels mais de sens commun. Ainsi une fois encore la révolution scientifique n'est pas la mise à bas de tous les schémas de pensée, mais bien plus une continuité. [...]
[...] En cela les débats sur les liens entre science et religion ont servi des luttes politiques. Par exemple en Angleterre des mouvements radicaux défendaient l'animisme contre la hiérarchie de l'Église. A quoi servent les prêtres dans un monde où le divin réside en toutes choses ? On en vient à cette curieuse ironie, remarque Shapin, où la conception mécaniste de la nature, qui consistait à présenter des explications uniquement matérielles et mécaniques des phénomènes, incitait en même temps à admettre l'action de pouvoirs surnaturels dans et sur la nature, renouant ainsi avec une conception téléologique et finaliste. [...]
[...] Ainsi les cours princières furent souvent les nouveaux soutiens des scientifiques, par l'intermédiaire des sociétés scientifiques notamment. Donc ces évolutions s'inscrivent dans le cadre de la remise en cause du monopole religieux sur la connaissance dès le début de l'époque moderne, et dans la fragmentation de l'autorité liée à la Reforme qui incitent les hommes à chercher un nouvel ordre juste au sein du Livre de la Nature lui- même, afin de retrouver des vérités universelles diluées depuis la remise en cause des formes politiques dès la fin du Moyen-Age. [...]
[...] Comme le dit S. Shapin il s'agit bien d'un profond désenchantement du monde, pour reprendre l'expression de Weber. Ainsi pour les mécanistes il fallait que tous les faits soient explicables de manière compréhensible sans devoir faire appel à des conceptions magiques ou supernaturelles, très répandues depuis la Renaissance. Avec Boyle les théories modernes ne s'appuient plus que sur deux principes simples et compréhensibles : la matière et le mouvement. C'est sur cette base que peut s'effectuer la mathématisation des qualités. [...]
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