Fiche de lecture de la thèse de Jean Yves LE NAOUR.
De 1914 à 1915, la première guerre mondiale a été saluée comme l'épreuve régénératrice venue revitaliser la nation et la race françaises, en proie à une dégénérescence que l'on craignait fatale. En effet, depuis 1870, l'extrême droite nationaliste ne cessait de crier à la décadence de la nation, à la perte de vitalité du sang français dont l'atonie démographique serait le révélateur, au même titre que l'expansion de la criminalité ou le relâchement des mœurs. Avec la théorie de la dégénérescence formulée en 1857 par le docteur Morel comme « déviation maladive du type normal de l'humanité », la science vient appuyer de son autorité les craintes des contemporains.
[...] Ainsi de Pourésy : la guerre a bon dos ! ; elle aurait dû produire les effets escomptés, elle n'a d'ailleurs fait que révéler les mauvais comportements au grand jour, séparer les brebis galeuses du bon troupeau. En définitive, rien n'a donc changé. Les tenants de la restauration morale, un temps propulsé sur le devant de la guerre par le discours millénariste de l'union sacrée, en reviennent à leur marginalisation d'avant 1914, et durcissent leur discours réactionnaire, celui d'une droite pour qui l'évolution des mœurs signifient désordre social. [...]
[...] Face à ces nouveaux brouillages, les contemporains ne cessent de s'interroger sur l'anomie du temps de guerre, en étant incapables de s'affranchir des modèles traditionnels de la mère de famille et de la putain, incapables d'élargir le champ de la mauvaise conduite. Après le constat vient la réflexion, et les femmes, avec une facilité aussi lâche que déculpabilisante, sont suspectées de porter une responsabilité essentielle. Pour les contemporains, la faiblesse naturelle des femmes est la principale explication de la démoralisation de guerre. Beaucoup considèrent que la déstructuration morale résulte d'un décalage entre le modèle du foyer, de l'épouse dévouée, et la nouvelle condition matérielle et sociale des femmes. On plaide donc pour l'introduction d'une nouvelle morale de la femme au travail. [...]
[...] Les termes de désertion et d'abandon de poste utilisés pour les adultères montrent aussi qu'il s'agit d'une transgression du modèle sexué de la bonne épouse et de la bonne Française, dont les conséquences sont des plus néfastes pour la défense nationale. Interdit racial, interdit moral La guerre est menée au nom d'objectifs universalistes mais elle est aussi appréhendée étroitement sous la définition d'un nationalisme déterministe et exclusif qui redoute par conséquent les contactes transnationaux noués par la famille française. La présence d'éléments étrangers peut être considérée comme une contamination raciale : le métissage menace les caractères originaux du sang français. [...]
[...] Reconstructing Gender in postxar France (1917- 1927) Margaret Higonnet, Behind the lines, Gender and the two world wars Susan Grayzel, Women's Identities at War: the cultural politic of gender in Britain and France, 1914- Joanna Bourke, Dismembering mal: Men's Bodies, Britain and the Great War Pierre Drieu La Rochelle, La Comédie de Charleroi. Colette, Mitsou, ou comment l'esprit vient aux filles. Misères et tourments de la chair durant la Grande Guerre. [...]
[...] Le Service de Santé mène alors une offensive tous azimuts en direction des militaires comme des civils, urbains ou ruraux. Mais les mesures adoptées révèlent l'ambiguïté des autorités publiques, qui hésitent entre la solution autoritaire (la coercition et la répression passeraient ainsi avant la médicalisation) et la responsabilité du malade (fondée sur la persuasion et sur la déculpabilisation des traitements). Mêmes ambiguïtés sur les lieux du traitement, qui seront finalement le dispensaire antivénérien, c'est-à-dire le service annexe des hôpitaux. Si les deux options sont tour à tour utilisées, c'est en 1918 la prophylaxie individuelle qui l'emporte. [...]
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