Comment s'est opérée la transition entre la notion vécue d' « ennemi héréditaire » et les délices du couple franco-allemand tant évoqué depuis la fin de la seconde guerre mondiale ? Il y a, pendant la période qui s'étend de la guerre franco-prussienne de 1871 à l'entrée de l'Allemagne dans la SDN en 1926, équivalence, voire identité de nature, entre le problème de l'établissement de la paix et celui de la réconciliation franco-allemande.
Le terme « pacifisme » est à l'origine un néologisme inventé par le président de la Ligue Internationale de la Paix et de la Liberté en 1901, Emile Arnaud, afin de donner un nom à l'idéologie des « amis de la paix ». Définition officielle du 16° Congrès universel de la paix à Munich en septembre 1907 : « Le pacifisme est le groupement des hommes et des femmes de toute nationalité qui recherchent les moyens de supprimer la guerre, d'établir l'ère sans violence et de résoudre par le droit les différends internationaux ».
Contrairement à la représentation courante du pacifisme comme négation de l'identité nationale – représentation qui résulte tout à la fois de la contamination du pacifisme des origines par le pacifisme radical, des attaques et des reproches de ses détracteurs – ces pacifistes de la première génération sont loin d'être des vaterlandslose Gesellen (âmes sans patrie).
[...] Chapitre III : Les mouvements pacifistes et les sociétés françaises et allemande Une sociologie comparée des sociétés de la paix montre qu'en dépit de l'écart numérique persistant entre le nombre d'adhérents des deux pays, le même engagement pacifiste au sein de la petite bourgeoisie n'est pas complété en Allemagne par une pénétration de la haute fonction publique et de l'administration de l'Etat comme c'est le cas en France. En ce qui concerne l'influence des mouvements pacifistes, on remarque qu'à l'omniprésence allemande de la guerre dans la paix fait pendant en France l'omniprésence de l'objectif de paix, y compris dans la guerre. [...]
[...] Mais en assistant impuissants à la défaite de ses conceptions du traité de paix et en préconisant le même but que les nationalistes (mais par d'autres moyens), il perd les possibilités d'ancrage au sein de sa société ou au mieux doit faire face à un danger d'instrumentalisation par la politique officielle. Il semble à l'inverse que la guerre ait renforcé le sentiment pacifiste de la population française qui s'était fait jour avant la guerre. La reprise des relations franco-allemandes reste difficile et acquière une dimension européenne. De plus, la sécurité devient pour la politique française une priorité vitale. [...]
[...] Le compromis de Lucerne délivre néanmoins les pacifistes d'une action purement défensive. Mais à l'activisme français fait pendant une prise de conscience de la part des allemands de leur faible influence. La conscience de la montée du danger, le début de dialogue qui s'instaure entre pacifistes français et allemands, et la volonté de politiser leur action, motivent les pacifistes à institutionnaliser leurs actions. Les premiers comités de rapprochement franco-allemand, à l'initiative de René, des Allemands Arnold, Harder, de Neufville, Quidde et Richter, des Français Arnaud, Moch, Puech, Richet et Ruyssen en 1907 ou encore de la Ligue franco- allemande se donnent pour objectif d' approfondir les relations amicales entre les deux peuples et [d'] intervenir comme médiateur pour résoudre les difficultés qui surgiront Les deux années précédant la guerre voient la multiplication des comités tels que Pour mieux se connaître, le comité de rapprochement intellectuel franco-allemand ou l'Institut franco-allemand de réconciliation. [...]
[...] Une seule chose désormais sépare encore les pacifistes des nationalistes : la volonté sincère de ne pas céder à la haine et de préparer la coopération à venir. Au blocage du pacifisme allemand sur la question d'Alsace-Lorraine à la fin du XIX°siècle, répond durant la guerre la méfiance irréductible des Français qui se refusent à prendre part à toute réunion organisée en terrain neutre, soupçonnant une utilisation de ces discussions par le gouvernement allemand. La première réunion du Bureau international de la paix (BIP) en janvier 1915 fut un échec et eut pour résultat de le contraindre à la neutralité durant la guerre. [...]
[...] La démission volontaire de Von Gerlach en 1922 du DDP sanctionne le refus de souscrire à la politique d'un parti qui utilise le pacifisme comme un alibi, uniquement dans l'optique de réviser le traité de Versailles dans un sens favorable aux intérêts allemands. Pour le DDP, comme pour les pacifistes, pacification et révision sont deux aspects complémentaires de leur politique. A la phase première d'instrumentalisation du pacifisme modéré par le DDP a donc succédé une phase de convergence où le DDP a fait sienne la volonté morale de ne plus recourir à la force armée. [...]
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