L'œuvre de Soboul occupe une place prépondérante dans l'historiographie de la Révolution française. Née en Algérie en 1914, il rejoint le sud de la France très jeune suite au décès prématuré de ses parents. Il effectuera ses classes préparatoires d'abord à Clermont-Ferrand, puis au Lycée Louis le Grand à Paris. Agrégé d'histoire en 1938, il commence par enseigner dans un lycée, mais son appartenance au Parti communiste et sa participation à une manifestation contre le régime de Vichy, le 14 juillet 1942, lui coûtent son poste. Après sa réintégration en octobre 1945, il entre au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et soutient sa thèse de doctorat -dont la seconde partie traite des sans-culottes- à la Sorbonne en novembre 1958. Il se positionne alors comme le fervent disciple de l'historien Georges Lefebvre (1874-1959) qui fonde en 1935 la Société des études robespierristes, puis l'Institut d'Histoire de la Révolution française en 1937. Dès 1967 Soboul enseigne à la Sorbonne où il dirigera l'Institut d'Histoire de la Révolution française jusqu'à sa mort en 1982 reprenant ainsi l'héritage intellectuel de Lefebvre.
[...] La sans- culotterie parisienne profita des institutions légales crées par l'Assemblée constituante pour s'organiser. Grâce aux décrets du 21 mai et du 27 juin 1790, qui remplacent les 60 districts établis par Louis XVI en vue des élections aux Etats Généraux par 48 sections ne se réunissant qu'en cas d'échéances électorales, les sans-culottes vont bénéficier d'un cadre institutionnel pour leur réunion. Profitant d'une loi souple, les sections vont devenir le lieu d'assemblées générales en dehors des opérations électorales, très vite ce sera le lieu de la politisation du peuple dans lequel on s'occupe de politique générale autant que d'affaires locales. [...]
[...] Cette dynamique fut parfaitement comprise par le Gouvernement révolutionnaire. Ce-dernier une fois installé au pouvoir voit d'un mauvais œil l'autonomie sectionnaire qui lui fait concurrence et va à l'encontre de sa politique de stabilité sociale. Dès septembre 1793, alors que le pouvoir central semble s'aligner sur les revendications des sans-culottes, le Gouvernement révolutionnaire interdit la permanence des assemblées de section. Les assemblées générales se vident peu à peu, les sociétés populaires sont-elles aussi délaissées et le Gouvernement scelle leur mort en ordonnant leur dissolution au printemps 1794. [...]
[...] C'est l'union du Tiers, et plus particulièrement de la bourgeoisie montagnarde et de la sans-culotterie parisienne, qui permit la réalisation du Gouvernement révolutionnaire pour défendre la Révolution contre l'aristocratie au-dedans et au-dehors. Le Gouvernement révolutionnaire fut essentiellement un arbitre cherchant à équilibrer les sacrifices en limitant les résistances bourgeoises et les emballements du mouvement populaire. Mais cette politique d'arbitrage mise en place par les montagnards et les robespierristes n'avait qu'un but : la défense et la stabilisation nationale face aux circonstances contre-révolutionnaires. [...]
[...] C'est ainsi que la dénonciation va être conçue comme un devoir civique pour les militants (l'augmentation des dénonciations étant à prendre comme à la fois une conséquence de la Terreur et un facteur aggravant de celle-ci). Le contrôle des actes et des intentions fait donc partie des prérogatives sectionnaires, ce sont ces pratiques qui fondent ce qu'on nomme la Terreur populaire. Cette crainte du faux frère de l'ennemi de la République, révèle une conception quasi- mystique de l'unité chez les sans-culottes. L'unité devient une arme politique et un gage de victoire sur l'aristocratie. Pour réaliser cette unité le sans-culotte pratique la fraternisation en allant à la rencontre des camarades des autres sections. [...]
[...] Michelet, par exemple, a en quelques sortes fait cette erreur, il a eu le mérite de faire entrer le peuple dans l'histoire mais lorsqu'il identifie les sans-culottes ce n'est que lorsqu'ils sont sur le devant de la scène le 10 août 1792 ou le 2 juin 1793 par exemple. Les espoirs et les aspirations sans-culottes n'étant alors pas totalement étudiés, Michelet ne saisit pas la mesure des enjeux. Ainsi il voit dans la sans-culotterie le terreau du socialisme (ce qui est faux) sans s'apercevoir que sur bien des points les intérêts des masses populaires divergent de ceux des conventionnels bourgeois. [...]
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