Au cours du procès de Maurice Papon, terminé en avril 1998, les historiens ont comparu à la barre comme témoins. Ils ne sont pas considérés par le tribunal comme experts et n'ont donc pas accès au dossier. Etaient entre autres conviés René Rémond, Robert Paxton, Jean-Pierre Azéma, Henry Amouroux. D'autres historiens refusent de témoigner comme Henry Rousso : “Ce qu'on attend des historiens – suppléer au fait que les jurés n'ont pas connu cette époque en restituant un contexte – est selon moi une responsabilité écrasante.” Il écrit un livre pour se justifier, La Hantise du passé.
Dans Douze leçons sur l'histoire, Antoine Prost conclut en écrivant que la mission historienne consiste à relever le défi de la sentimentale fièvre commémorative pour la transformer en enquête rationnelle d'explication pour préparer demain. Marc Bloch dans Apologie pour l'histoire associe constamment la justification par la reconnaissance du groupe des pairs et la justification du travail par le public à travers l'enseignement. Une demande sociale se fait croissante envers l'historien en rapport avec la quête de l'identité. Happée par ce besoin, l'histoire est contaminée par le champ politique. La création des “Rendez-vous de l'histoire à Blois” en 1998 a dû répondre à ce défi : dénoncer les dangers de l'histoire officielle tout en célébrant l'histoire comme préparation aux affrontements régulés de la parole démocratique.
[...] Là encore, les mêmes procédés sont employés, par exemple à propos d'une réédition de Joseph de Maistre commentée dans La Revue d'histoire de l'Eglise de France : lorsqu'il s'agit d'une doctrine aussi saine que celle de Joseph de Maistre [ . ] l'initiative paraît doublement heureuse. Mais leur opposition au régime de Vichy naît là aussi peu à peu : en 1943, un portrait de Jean sans Peur est une allusion voilée à Pétain : Ce qui frappe le plus [ . c'est la minime activité politique d'un prince dont, quelques années plus tard, l'ambition dévorante allait jeter la France dans la guerre civile. Il est des hommes qui ne se révèlent que sur le tard. [...]
[...] Un présent objet d'étude, mais non de lutte pour l'historien, et Lucien Febvre déplore autant la rivalité d'antan entre Albert Mathiez le robespierriste et Alphonse Aulard le dantoniste, que l'implication de Charles Seignobos, son adversaire privilégié, dans l'affaire Dreyfus. Marc Bloch reprend cette idée dans L'Apologie : Non l'historien n'est pas un juge. Pas même un juge d'instruction. L'histoire ce n'est pas juger, c'est comprendre et faire comprendre. Ne nous lassons pas de le répéter. Les progrès de notre science sont à ce prix. Mais, avec l'entrée dans la Seconde Guerre mondiale, cette attitude de recul vis-à-vis de l'urgence de la politique semble de plus en plus insoutenable à Marc Bloch. [...]
[...] Jean Maitron est un ancien militant déçu par le pacte germano-sociétique, qui se fait historien pour reporter sur l'histoire ouvrière ses espérances politiques déçues. Le Centre d'histoire du socialisme est fondé en 1975 par Philippe Machefer. Un colloque est organisé par le Centre en 1976, intitulé autour de 1936 et auquel participent tous les historiens socialistes : Pascal Ory, Jean- Pierre Rioux, etc. Mais tous ces organes glissent progressivement de la cause militante au statut savant pour acquérir de la légitimité, voire de la visibilité. Conclusion. Retour vers le futur, l'historien chercheur, médiateur, passeur ou expert ? [...]
[...] D'autres historiens, au contraire, veulent tirer un trait sur cette histoire patriote, comme Henri Hauser qui songe à la honte que ressentiront les historiens quand ils reliront leurs écrits de guerre, ou encore Lucien Febvre qui inaugure sa chaire d'histoire moderne à l'université de Strasbourg avec cette phrase désormais célèbre : Une histoire qui sert est une histoire serve. (Reprise dans son article L'histoire dans le monde en ruine de La Revue de synthèse historique de janvier 1920). De plus, pour succéder à la chaire d'histoire de la Révolution française d'Alphonse Aulard à la Sorbonne, plusieurs candidats sont présentés en 1922. Albert Mathiez semble le plus désigné pour cette chaire, mais son engagement politique envers les bolcheviks joue en sa défaveur : il n'est pas choisi. [...]
[...] Ainsi, selon lui, c'est parce que l'historien a un usage social que sa production peut être quantifiée. Pour Marc Bloch également, l'utilité de l'historien est au coeur de sa réflexion. Les premiers mots de son Apologie pour l'histoire sont Papa, explique-moi donc à quoi sert l'histoire. Ainsi, un jeune garçon, qui me touche de près, interrogeait, il y a peu d'années, un père historien. Pour lui, il n'y a pas de compréhension possible du présent sans recours au passé, car la compréhension du monde se trouve dans le comparatisme, la comparaison de situations similaires. [...]
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