La République des Instituteurs, de Jacques et Mona OZOUF, écrit avec la collaboration de Vénonique AUBERT et Claire STEINDECKER est une synthèse historique. En 1973, parait Nous les maîtres d'école, une autobiographie des instituteurs de la Belle époque, fondée sur une enquête menée entre 1961 et 1964 - par J. OZOUF - auprès de 20 000 instituteurs de la période antérieure à 1914. De ce questionnaire, 4 000 réponses reviennent, avec des contenus d'une nature riche et variée. Ce livre est une présentation d'extraits regroupés thématiquement et encadrés de commentaires, aussi est-il nécessaire de faire une analyse plus pertinente et profonde de l'immensité des données recueillies, et c'est dans cette optique-là que paraît en 1992 la République des Instituteurs.
Ce livre était donc très attendu, car le premier volet nécessitait une analyse du corpus et une synthèse afin d'enrichir et renouveler les connaissances sur l'école républicaine et son rôle au sein d'une histoire culturelle, existentielle. Attendu aussi, car son contenu relève de la mémoire, celle des maîtres de la Belle époque, qui font revivre leur passé à travers ce livre.
[...] L'Ecole normale fait d'eux un personnage qui insensiblement s'éloigne des valeurs religieuses ou traditionnelles pour se créer de nouvelles valeurs, issues de la connaissance. Tous ne passent pas par l'Ecole normale, aussi est il nécessaire de nuancer, et d'émettre l'hypothèse de J. OZOUF, selon laquelle cet éloignement du monde religieux à plus à voir avec l'âge, qu'avec le milieu. " Sans liberté, il n'y a ni dignité ni bonheur", une maxime qui représente bien la perception propre qu'ont les instituteurs de leur rôle. [...]
[...] C'est alors que J. OZOUF termine son ouvrage sur le seul véritable ciment de groupe, le syndicalisme. La Grande majorité des maîtres école sont socialistes avant 1914, et leur perception de la transformation des amicales en syndicats est pour plus de la moitié d'entre eux favorable. Un chapitre que je trouve intéressant d'étudier est celui de la Foi laïque. Il traite de la distance prise par les instituteurs face à la tradition catholique et la lutte anticléricale qui semble "imposée". [...]
[...] OZOUF se demande si cette lutte n'épuise pas leur sentiment envers la religion. Les maîtres d'école se retrouvent sur le terrain confrontés à un christianisme non pas évangélique mais autoritaire. Ce christianisme semble être indissociable des populations locales, ayant laissé une sorte d'empreinte sur les Français, sans qu'ils puissent s'en détacher. La solution serait peut-être simplement de laisser cours à sa libre pensée, une pensée qui pourrait être développée par et grâce aux instituteurs. Ceux- ci dans leurs lettres, affirment que le christianisme n'est pas irrésistible, en témoigne leur propre situation de détachement. [...]
[...] OZOUF qualifie la foi des instituteurs "sans autel ni symboles". Et se questionne sur l'expression d'un sentiment religieux chez des personnes détachées de la pratique et de l'espérance de salut. La réponse de ces maîtres d'école est qu'ils y puisent une certaine force de "continuer". Ainsi retrouvent-ils dans ce sentiment religieux une certaine conception fonctionnaliste en lui attribuant la capacité d'être un recours et un secours, ou même y trouvent-ils quelques arguments poétiques, ou pensent-ils simplement que la religion est un frein bénéfique contre le mal et la déchéance. [...]
[...] Il écrit Nous, les maîtres d'école, en 1973 et, plus tard, cosigne avec son épouse Mona La République des instituteurs en 1992. Il livre en parallèle le fruit d'une enquête sur l'alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry. C'était un historien important de l'école républicaine, membre de l'école des Annales dans les années 60 et 70. Avec Furet et Le Roy Ladurie, il prône une histoire par enquêtes archivistiques sérieuses, et la compréhension des grandes évolutions historiques de la culture et de la politique françaises. [...]
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