Né au Luxembourg en 1926, Arno Mayer a dû quitter ce pays pour se rendre aux Etats-Unis au moment de l'arrivée des nazis. En 1949, il commence sa carrière universitaire. Il s'inscrit pour un doctorat à l'université de Yale. Dans sa thèse (“Wilson versus Lenin: political origins of the new diplomacy”, publiée en 1959), il met en parallèle la diplomatie wilsonienne et la diplomatie soviétique, et ce en pleine guerre froide, pendant le maccarthisme. Toute son existence d'historien sera marquée par l'audace et l'esprit d'indépendance face aux pouvoirs établis et aux idées dominantes. Ainsi, il dit “my being a dissident yet unrepentant contemporary historian who is a critic rather than a servant of power.” Un autre événement accentue l'engagement politique de Mayer, à savoir la création d'Israël en 1948. Son père est le fondateur du sionisme au Luxembourg. Bien que non-croyant, A. Mayer s'y rendit en 1950 pour faire l'expérience du collectivisme intégral dans un kibboutz marxiste. Mayer, professeur à l'université de Princeton depuis 1961, fait une journée de prison, en 1970, lors d'une action de désobéissance civile contre la participation d'un département de cette université à la guerre du Vietnam. Son lien avec le marxisme, outre son atténuation au fil du temps, n'est pas classique. En effet, Mayer l'aborde par la dissidence, avec Marcuse, Bloch et Gramsci plutôt qu'avec Lénine… Dans les rapports de classe il privilégie ainsi l'étude des phénomènes culturels d'hégémonie. A. Mayer est finalement devenu aux Etats-Unis l'un des historiens les plus réputés, il est également chargé de cours au Collège de France. Le trait subversif de l'auteur réapparaît en 1981, lorsqu'est publié The Persistence of the Old Regime: Europe to the Great War, traduit deux en plus tard par La persistance de l'Ancien Régime l'Europe de 1848 à la Grande Guerre. En effet, comment peut-on affirmer que, dans une large mesure, les forces d'Ancien Régime règne en Europe jusqu'au cœur du XXe siècle ?
[...] Mayer concerne la rencontre entre ordre ancien et dynamiques nouvelles. Certes ces dernières modifient cet ordre, mais celui-ci ne se dénature pas, du fait de sa grande capacité d'adaptation, qui consiste à intégrer quelques bourgeois ambitieux à la noblesse par assimilation. De leur côté, les bourgeois n'ont pas cette capacité à s'adapter sans s'affaiblir. Autrement dit, en mal d'aristocratie [ils] ont entravé la formation de leur propre classe, acceptant et prolongeant ainsi leur infériorité dans la “symbiose des deux couches sociales” De plus, la bourgeoisie a été victime volontaire d'un système éducatif et culturel renforçant et reproduisant l'Ancien Régime. [...]
[...] Avis personnel sur cette lecture . J'ai trouvé cette lecture intéressante pour trois raisons principales. D'une part, j'ai apprécié qu'il s'agisse d'un ouvrage historique à thèse, qui diffère des lectures obligatoires des manuels factuels, plats si j'ose dire. D'autre part, le fait que la thèse d'Arno Mayer s'oppose aux idées répandues, au sens commun m'a plut. Qu'on soit d'accord ou non avec son analyse, elle est stimulante et invite à s'interroger sur la complexité des réalités et des dynamiques historiques ; elle contredit un déterminisme historique qui fait suivre les périodes comme si tout s'enchaînait mécaniquement et nécessairement, mettant en évidence que, dans l'Histoire, rien n'est jamais joué de façon définitive, que l'archaïque peut refaire surface dans la modernité. [...]
[...] Méthode et structure de l'analyse d'Arno Mayer La méthode utilisée pour construire cette étude n'apparaît pas explicitement. Cependant, la préface est éclairante à ce sujet. Il s'agit d' une analyse marxiste qui procède du haut de la société civile et politique vers le bas, et non du bas vers le haut, et qui porte sur les élites et non sur les masses En outre, étant un bâtisseur plutôt qu'un casseur l'auteur procède par généralisation à partir de faits ponctuels, de cas particuliers. [...]
[...] Le but de Mayer est de sélectionner les morceaux de réalités qui étayent sa thèse, et de mentionner le moins possible les autres. Il concède d'ailleurs dans l'introduction que ce livre ne présente pas une interprétation équilibrée de l'Europe entre 1848 et 1914 et que pour contrebalancer la représentation exagérée que l'on donne généralement de la montée et du triomphe de la modernité [ ] il se concentre sur la persistance de l'Ancien Régime De plus, la méthode comparative qu'il utilise conduit à gommer les différences en mettant en lumière ce qu'il y a de commun. [...]
[...] Les exemples de la persistance de l'Ancien Régime dans six pays européens. A. Malgré des différences dans l'intensité des manifestations de la persistance de l'Ancien Régime Des liens différents entre la noblesse et la bourgeoisie industrielle et financière. En Angleterre et, dans une moindre mesure, en France, le lien entre l'aristocratie et le monde des affaires est plus étroit qu'ailleurs. En effet, un tiers des pairs britanniques sont administrateurs de sociétés. Une grande interpénétration entre l'aristocratie terrienne et la classe des banquiers et commerçants est perceptible. [...]
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