Le patronat de la grande industrie fait partie des catégories sociales dont on ne discute pas l'importance, mais qu'on étudie peu. Il s'agit d'un groupe numériquement faible, sur lequel la documentation n'est pas aisément accessible, et dont l'origine est récente, surtout dans les pays européens qui ont subi l'effet des guerres et la dépression des années 30. Il n'existe pas d'élite patronale homogène et il faut distinguer le patronat-propriétaire du patronat-salarié tout en prenant en compte les secteurs d'activité, les époques mais aussi les progrès techniques, la qualification de la main d'œuvre, le niveau d'industrialisation des différents pays et même les traditions culturelles. Il est bon de montrer l'ampleur du renouvellement, ou du non renouvellement, du patronat et surtout les processus par lesquels des progrès ont été accomplis et le cas échéants, les raisons du blocage social. Le patronat ne s'est pas fermé sur soi-même comme tendraient à le faire les élites traditionnelles. Car au-delà des facteurs qui conditionnent l'entrée dans la vie active –le milieu d'origine, les études, la nouveauté du secteur–, c'est en définitive la pratique du métier qui classe les individus et contribue à ouvrir l'éventail des chances. Comme le montrent les études consacrées ici à la professionnalisation, les familles, les écoles ont subi au cours des siècles un net recul de leur influence, tandis que les grandes entreprises, du fait même des contraintes imposées par le marché, ont fini par adopter les règles de conduite communes, quels que soient le secteur, la répartition du capital etc. Ceci apparaît dans l'élévation progressive du niveau des qualifications exigées ; dans la généralisation, surtout en France, des « formations multiples » ; dans le développement des filières hiérarchiques et de système de promotions internes, empruntés à l'administration publique, en Allemagne, au chemin de fer et aux banques, en Angleterre ; et surtout dans l'importance que la plupart des firmes, notamment dans le secteur des constructions électriques, ont accordé à des réussites objectivement constatées, lorsqu'il s'est agi de désigner leurs dirigeants. Quoique partielle, la démocratisation du patronat de la grande industrie est devenue ainsi une réalité, avec toutefois une limitation majeure : les périodes d'expansion ont coïncidé avec une plus grande ouverture sociale, mais également avec plus d'injustice ; alors qu'une inégalité accrue des niveaux économiques, mais aussi une moindre mobilité sociale, ont caractérisé les phases de ralentissement de la croissance.
Le patronat de la seconde industrialisation est un groupement d'études rassemblées par Maurice Levy-Boyer , professeur émérite à l'Université Paris X et publiées avec le concours de la Fondation Maison des Sciences de l'Homme aux éditions ouvrières dans la collection cahiers du « mouvement social.» Cet ouvrage trouve sa source dans la table ronde consacrée aux cadres dirigeants de l'industrie, qui s'est tenue en avril 1977 avec le concours financier de la fondation Maison des Sciences de l'Homme (en coopération avec la fondation Thyssen) et du Centre d'Etudes des Croissances de l'Université Paris X-Nanterre. Nous étudions ici la deuxième partie de l'ouvrage qui traite de la professionnalisation à travers quatre axes d'études : Les dirigeants salariés de l'industrie de chemin de fer britannique entre 1850 et 1922, Les entrepreneurs salariés dans l'industrie Allemande de la fin du XIXe au début du XXe, les dirigeants des grandes entreprises électriques en France entre 1911 et 1973 et enfin le patronat français entre 1912 et 1973. A travers ces quatre exemples, on en vient à se demander dans quelle mesure le patronat s'est professionnalisé au cours des XIXe et XXe siècles.
[...] Toutefois, des influences moins directes auront pu intervenir dans une proportion beaucoup plus importante. Un fossé dissocie le pouvoir familial immédiat de l'entreprise économique, et brise le jeu de la reproduction des grandes familles dans l'univers industriel. En 1911- 1913, l'industrie nouvelle de l'électricité a permis à 26,32% de ses dirigeants de provenir de milieux autres que ceux des groupes dominants. Et si, dans l'entre-deux guerres et dans les années 50, la classe dirigeante a repris une place confortable, à nouveau en 1971-1973, les couches moyennes et populaires reviennent avec 32,56%. [...]
[...] Nous étudions ici la deuxième partie de l'ouvrage qui traite de la professionnalisation à travers quatre axes d'études : Les dirigeants salariés de l'industrie de chemin de fer britannique entre 1850 et 1922, Les entrepreneurs salariés dans l'industrie Allemande de la fin du XIXe au début du XXe, les dirigeants des grandes entreprises électriques en France entre 1911 et 1973 et enfin le patronat français entre 1912 et 1973. A travers ces quatre exemples, on en vient à se demander dans quelle mesure le patronat s'est professionnalisé au cours des XIXe et XXe siècles. [...]
[...] La faible importance numérique des classes populaires ne doit toutefois pas masquer l'importance qualitative de certains de ces membres comme Auguste Detoeuf, l'un des fondateurs de l'Alsthom qui avait pour père un porion[1] dans une compagnie minière du Nord ou Florent Guillain, ancien ministre, président du Comité des Forges et de la Thomson- Houston dont le père était menuisier. Le mariage, l'entreprise familiale et la succession du père dans la même entreprise n'ont pas joué un rôle déterminant pour la très grande majorité du patronat de la grande industrie électrique française. [...]
[...] Le patronat de la seconde industrialisation, sous la direction de Maurice Levy-Leboyer, Les éditions ouvrières Plan Problématique : Dans quelle mesure le patronat s'est-il professionnalisé au cours des XIXe et XXe siècles ? Les origines sociales des patrons Malgré une mobilité sociale existante, l'importance du milieu demeure dans les chemins de fer britanniques Une démocratisation de l'accès au poste d'entrepreneurs salarié en Allemagne ? Les difficultés d'une permanence sociale du patronat électrique français II] Les types de formations Les qualifications universitaires sont plus importantes que le reste chez les entrepreneurs salariés allemands Diplôme et institution d'enseignement : l'exemple des patrons de l'industrie électrique française Les types de formation du patronat français III] La professionnalisation des carrières Dans les chemins de fer britanniques Bilan des carrières des cadres salariés allemands Chez le patronat français Introduction Le patronat de la grande industrie fait partie des catégories sociales dont on ne discute pas l'importance, mais qu'on étudie peu. [...]
[...] Cette constante se retrouve pour les dirigeants salariés des chemins de fer anglais, les entrepreneurs salariés allemands, les patrons de l'industrie électrique française et les patrons français en général. Il apparaît en étudiant les cursus suivi par le patronat que les carrières révèlent beaucoup de variété et de souplesse. Néanmoins en étudiant en détail les formations, on se rend compte que les entrepreneurs salariés allemands avaient un enseignement universitaire solide et que les patrons de l'industrie électrique français suivent tous la voie des grandes écoles qui deviennent des institutions plus importantes encore que la naissance pour exercer des fonctions dirigeantes. [...]
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