Les ouvriers dans la société française, XIXe-XXe siècles, Gérard Noiriel, groupe social, mouvement ouvrier, catégories sociales
Les ouvriers se définissent comme un groupe social auquel on a toujours donné un nom (contrairement à la bourgeoisie qui ne veut pas être nommée, selon R. Barthes).
Mais on a d'un côté une histoire du mouvement ouvrier, de l'univers des luttes syndicales et politiques, mais l'histoire sociale du groupe est longtemps négligée.
Un aperçu des procédures de construction des catégories sociales.
[...] - un marché du travail à (re)construire - p.120: entre 1913 et 1920, l'indice de production industrielle progresse de avec un rôle fondamental de la guerre mondiale, par exemple pour la métallurgie et les armements, puis le reconstruction à partir de 1918 (Nord et Est, centres vitaux de l'industrie) de la houille de la fonte de l'acier du sucre mais seulement 25% de la mécanique; dynamisme vigoureux des branches d'équipement - de 1906 à 1931, le nombre d'ouvriers dans la population active passe de 7 à 8,4 millions, sa part dans la population active passe de 34 à la sidérurgie multiplie ses effectifs par 3 ( 150.000 en 1931), l'automobile par 5 ( 100.000 en 1931), la construction électrique par 7,5 ( 150.000 en 1931); dans l'entre-deux-guerres, les cheminots sont 500.000 ; développement de la grande entreprise qui fait la majorité de ces embauches ouvriers chez Renault en en 1930); en 1931 aussi, les populations urbaines dépassent celles des campagnes - réaménagement de l'espace avec installation des usines à la périphérie des villes, dans les banlieues; conjugaison de grande usine et banlieue, univers ouvrier différent de la période précédente; dans la région parisienne, l'emploi ouvrier progresse de 500% dans la construction électrique dans la mécanique dans les colorants, provoquant la multiplication des grands établissements à Ivry, Gennevilliers, Boulogne; en province, Vénissieux et Décines; à Vénissieux en 1931, les ouvriers sont 80% de la population active - déficit de main-d'œuvre, quand le secteur des employés au sens large croît aussi de 40% million, dont 500.000 fonctionnaires), déficit d'ouvriers de 2 millions; déficit des naissances, pour les couples formés entre 1920 et enfants en moyenne (et 1,85 pour les ouvriers), y compris dans les pays de mine; la guerre a privé les entreprises de 3,3 millions de personnes (morts, mutilés), soit 10% (pas plus?) de la main- d'œuvre; le marché du travail est donc très favorable - conséquence: très fort turn-over; instabilité encore accrue par le déracinement de la guerre, mobilisation, exode, travail dans les usines de guerre; le Creusot a accueilli des travailleurs de Paris et du Nord, contribuant à changer les mentalités ouvrières ( 20.000 salariés en de plus qu'en 1914) - confrontations qui se font au profit des industries modernes avec qualifications et hauts salaires (comme la construction mécanique de l'industrie parisienne); des équipes de racolages des grandes entreprises comme Renault qui chassent dans le Nord, au Creusot, en Lorraine, à Saint- Nazaire (émissaires ou annonces dans la presse): entre 1920 et ouvriers creusotins quittent la région, soit 30% de l'effectif total deux solutions privilégiées pour faire face à la pénurie: la rationalisation et l'immigration mécanisation et OST: - p.128: entre 1906 et 1930, un effort de mécanisation supérieur à celui des États-Unis et de la Grande-Bretagne; la puissance totale des moteurs primaires progresse de 14% par an; la productivité progresse de Citroën a 3.450 machines-outils en 1919 et 12.260 en 1929; la mécanisation se combine avec l'OST; Taylor, chronométrage du travail des ouvriers pour éliminer les temps morts; dans le Nord, à la Cie d'Anzin, réduction du temps de déplacement des mineurs jusqu'au chantier: les "longues coupes" remplacent la polyvalence et le travail d'équipe par la spécialisation et l'individualisation des tâches; sur les chantiers navals de Saint-Nazaire, les ingénieurs ont du mal à contrôler les 55 corps de métiers; on remplace "les vieilles machines que seuls les ouvriers font marcher de manière satisfaisante" par des appareils modernes et des outils normalisés; un bureau de dessin reconstitue l'ensemble des pièces détachées pour la fabrication d'un navire, en les refaisant décomposées en éléments les plus simples possible; création aussi d'une section des temps qui a pour mission de décomposer le travail des ouvriers en unités élémentaires; une feuille d'instruction fixe pour chaque tâche la vitesse d'exécution, la forme de la pièce, la façon de procéder; ensuite le bureau central calcule le bonus qui s'ajoute au salaire fixe de l'ouvrier; remise en cause de l'autonomie des ouvriers comme des contremaîtres - évolution qui fait augmenter le nombre des "ouvriers similaires", OS; chez Renault ils sont 33% des effectifs en en 1925; multiplication aussi d'emplois qualifiés nouveaux, pour l'entretien des machines, jusqu'au tiers des effectifs; augmentation des mensuels l'immigration massive - p.131: premier réservoir: le monde paysan, encore 8,8 millions d'actifs en 1906; au moins un million de migrants ruraux dans les années vingt; les Bretons vont dans la banlieue parisienne, mais aussi chez Michelin à Clermont; aussi tous les emplois administratifs réservés aux victimes directes ou indirectes du conflit (voir P.Bastié, La croissance de la région parisienne, PUF, 1964) - entre 1921 et 1931, un million d'ouvriers étrangers supplémentaires (x2 avec les familles), soit les 3/4 des pertes directes de la guerre; en 1930, les immigrés sont 15% de la population ouvrière en France; mais les services du recensement des étrangers sont embryonnaires, donc sûrement plus; Georges Maucon pense à 1/3 l'immigration clandestine; dans les mines ils passent de des effectifs en 1906 à 42% en 1931; métallurgie lourde, terrassement: domestic system textile et féminin: toujours en 1931; plus le travail est pénible, plus les étrangers sont nombreux; à Vénissieux, en de main-d'œuvre étrangère, en 1931, plus de 50% - néanmoins, ils ne peuvent participer aux élections professionnelles; en contradiction avec les valeurs universalistes de la Révolution française - recrutement par agents recruteurs de l'État et du patronat dans les pays d'origine, vers les grands bassins d'industrie lourde la nouvelle segmentation du marché du travail la politique du personnel dans l'industrie lourde - p.136: problèmes démographiques les plus criants dans les secteurs lourds (mines, sidérurgie, électrochimie et électrométallurgie), contraintes de s'implanter près des matières premières et des sources d'énergie (Péchiney en Maurienne) - la segmentation de la main-d'œuvre est mise en pratique grâce aux travailleurs étrangers; ils sont manœuvres et isolés dans des baraquements quand les ouvriers qualifiés sont l'objet du soin des entreprises (Longwy, Michelin); une complémentarité ouvriers/immigrés, qui permet des installations excentrées, comme Peugeot à Sochaux: 30% d'immigrés et les ouvriers spécialistes viennent de l'horlogerie; dans les mines les locaux travaillent au jour et les immigrés au fond; le paternalisme reprend de la vigueur avec les parties du salaire versées en "sécurité sociale", comme les allocations, le logement, les caisses de retraite et de secours, les primes d'ancienneté; ou symboliques comme les médailles du travail les autres formes de gestion de la main-d'œuvre - p.140: les industries mécaniques s'installent à proximité des grandes villes pour bénéficier des réservoirs de travailleurs, avec des possibilités de transmission des savoir-faire depuis l'artisanat et de formation professionnelle; aussi les nébuleuses d'entreprises sous- traitantes; en 1925, la mécanique-métallurgie compte 11.000 entreprises de moins de 20 salariés dans la région parisienne; mais aussi un réservoir de main-d'œuvre non qualifiée dans le marché urbain; la grande ville permet aussi la flexibilité saisonnière - dernier type de main-d'œuvre: les ouvriers "à statut": le secteur public (arsenaux, manufactures d'État, postes et télécommunications), mais aussi électricité et gaz, cheminots la vie ouvrière une profonde déstabilisation - p.145: le déracinement, gonflement des banlieues après la guerre; entre 1921 et 1926, Bobigny progresse de 14% par an; dans la région lyonnaise, la population triple, comme à Longwy ou dans les communes industrialisées des Alpes; à Vénissieux, seulement 25% des habitants sont nés à Lyon sont des immigrés en 1931; conditions d'habitat infectes; des campements, des garnis; on lotit à la hâte, sans législation des milliers d'hectares; dans certaines communes il faut attendre jusqu'à 20 ans pour l'installation du gaz, de l'électricité, de l'eau courante, des égoûts - parallèle aux conditions de travail insalubres - un univers cloisonné: stagnation de son niveau de vie par rapport aux autres pays industriels; en 1930 la structure du budget a peu évolué: 60% dans l'alimentation contre 65% en 1895 et 12,6% à l'habillement - des moyennes qui cachent des disparités, disparités qui sont l'illustration des cloisonnements du marché du travail; d'un côté les jeunes ouvriers de l'Aube, aide-bonnetier, au travail à douze ans, qui sont "rebrousseur", puis "cafard", puis commis, ie "aide-bonnetier", qui font leur apprentissage sur le tas, qui ne seront bonnetiers qu'au retour du service militaire; de l'autre côté les ouvriers de la grande industrie; les travailleurs de l'automobile de la région parisienne, jusqu'en 1914, touchent deux fois plus que les autres métallos vont au cinéma, au théâtre, lisent les journaux et l'Auto - opposition entre les banlieues ouvrières, Bobigny d'un côté et Billancourt de l'autre, décrit comme une "ville ouvrière de luxe", avec des petits commerçants de toutes nationalités installés aux portes de Renault, on vend des journaux arméniens, roumains, tchèques, hongrois, allemands, autrichiens, italiens, espagnols; Billancourt compte dans les années trente 70.000 habitants - français et étrangers vivent dans des univers séparés, le travail remplit la totalité de l'existence, les équipes des membres de la famille se chevauchent; pour les hommes, cabaret le dimanche, pêche à la belle saison, fréquentation des associations dans lesquelles on se retrouve "entre soi"; dans le Nord, les associations de colombolophilie regroupent 45.000 personnes et 900.000 pigeons - les familles étrangères sont maintenues dans un ghetto, isolement des mineurs Polonais dans l'Est et dans le Nord chapitre "appelez-moi Blum, comme autrefois" - Front Populaire considéré jusqu'à aujourd'hui comme "acte fondateur", plus bon à être commémoré qu'étudié; une "liturgie de la répétition" (J.Ozouf) destinée a toujours mettre en valeur le rôle exemplaire des militants communistes; idem d'ailleurs pour les socialistes la rupture d'une tradition - le propre du mythe est d'effacer les discontinuités pour arriver à un discours homogène et sans faille, dans une chronologie où chaque étape est considérée comme aboutissement logique de la précédente et annonce de la suivante; or, le Front Populaire ne peut se comprendre qui si l'on part de l'idée d'une rupture profonde dans les traditions ouvrières depuis le début du siècle - un mouvement ouvrier très affaibli par la guerre - p.154: mobilisation ouvrière très vigoureuse jusqu'à la fin de la première guerre, impressionnante combativité du personnel travaillant dans les usines d'armement, pourtant très hétérogène; à la poudrerie de Bergerac ouvriers, dont 4.800 "mobilisés" civils femmes coloniaux prisonniers: en 1917, la CGT y compte 4.700 adhérents; la CGT favorable à l'union sacrée est partout débordée; en 1917, propagande pacifiste dans la région parisienne grévistes, dont 90% de femmes; dans le Gard des grèves en juin 1918, en pleine offensive allemande; parallèlement, la hausse des prix quand les conditions de travail sont déplorables et augmentation autoritaire de la durée du travail; l'esprit nationaliste cède devant les traditions de lutte - 1er mai 1919: 500.000 manifestants dans Paris (un mort); 1er juin 1919: 150.000 personnes en grève dans la métallurgie et la chimie parisiennes; en 1920, grève des cheminots; ces deux années annoncent le cycle de "la Belle Époque de la grève"; après les répressions dont celle de la grève des cheminots ( 20.000 révocations, CGT menacée d'interdiction), le mouvement ouvrier amorce un déclin dont il ne se relève qu'en 1936; en millions de grévistes, en 1927, à peine avec un taux d'échec en augmentation: 40% entre 1925 et 1935; les effectifs syndicaux passent pour la CGT: 1920, entre 1,6 et 2 m., en 1929 vers plus 300.00 pour la CGTU les raisons d'un déclin - p.157: les conséquences de la scission syndicale; mais il faut aussi rapporter l'ensemble aux transformations régionales; les plus touchées (Tilly-Shorter) sont les usines de plus de 500 salariés, et les régions les plus urbanisées (Pas-de-Calais et régions houillères); luttes insignifiantes aussi en Lorraine ou dans les entreprises automobiles de Paris: le mythe du militant métallo n'est pas encore né; mais renforcement ouvrier dans les branches professionnelles traditionnelles, la vieille France industrielle; entre 1915 et 1935, un tiers des grèves se déroulent dans 15 communes, dont Lille, Roubaix, Tourcoing, Halluin, des villes textiles; pas d'immigration pas de bouleversement technologique fondamental, population encore enracinée dans le monde rural; de la période précédente on a gardé une forte combativité, mais aussi une "allure" de la grève: soupes populaires, municipalités solidaires, participation massive des femmes - syndicat aussi très présent dans les petites entreprises urbaines ou rurales, refuge des ouvriers de métier, avec parfois encore confusion des espaces de métiers et des espaces de vie, comme dans le meuble du faubourg Saint-Antoine, très différentes des usines "de série" du quartier de Charonne; voir aussi la fédération du livre sous la houlette de Keufer; mais la pratique du closed shop s'observe aussi ailleurs, chez les mégissiers d'Annonay ou les tullistes de Caudry - on trouve aussi l'absence d'immigration, l'hérédité ouvrière, l'homogénéité professionnelle à prouver) dans les secteurs des services et des ouvriers à statut, services publics, transports, branches très organisées dans les années vingt: chemins de fer, PTT, services publics, de 10 à 20% de syndiqués, avec maintien des relations contractuelles d'avant guerre: conventions collectives, commissions paritaires; - les anciens groupes ont été désorganisés par la "perte de mémoire"; due aux déséquilibres démographiques, l'ampleur des pertes humaines; (voir aussi la maîtrise de la langue militante par les immigrés ) naissance d'un nouveau type de militant ouvrier: le communiste - p.164: triomphe d'une structure militante centralisée, s'appuyant sur de grands syndicats d'industrie, fonctionnant à la délégation de pouvoir et donc à la bureaucratie; pour les anciens fers de lance du syndicalisme d'action directe, c'est l'effondrement d'une manière de faire, d'une conception de l'action, mais aussi les cadres matériels conservatoires de la culture du groupe; l'intégration à l'organisation d'État est facilitée par l'appartenance de beaucoup de salariés au secteur public ou para- public; la dérive de la SFIO vers les groupes sociaux les plus intégrés libère un espace politique dans la représentation parlementaire et au niveau local des quartiers et des ateliers sans passé de luttes; les lieux communistes de prédilection sont ceux qui n'ont pas encore d'histoire: la banlieue et la grande usine : Billancourt, Citroën; le succès en banlieue vient de la séparation des lieux de domicile et de travail et la nouveauté de l'urbanisme (les mal-lotis, le désenchantement du rêve de la petite propriété): le petit bien est défendu avec motivation, beaucoup de monde dans les assemblées de copropriétaires, constitution d'une pépinière de militants pour le FP - les cadres du nouveau parti sont jeunes, l'opposition PC-SFIO est souvent une querelle de générations: à Saint-Denis, quand la SFIO est battue, les militants les plus connus sont trop jeunes pour être éligibles; les métallurgistes sont les plus militants des adhérentes, mais 40% dans les congrès (1929 à Saint-Denis) - parallèlement, disparition aussi des enquêtes sociologiques; on trouve dans les ateliers seulement Simone Weil et Jacques Valdour, un royaliste 1931-1936: le retournement de conjoncture la première phase de la crise provoque la stabilisation de la classe ouvrière industrielle - retournement de la conjoncture dû à l'étroitesse du marché intérieur; par démobilisation populaire, le bond en avant de la productivité n'est pas suivi d'une progression du pouvoir d'achat, ni de la consommation ouvrière; le retard pris par l'urbanisation a incité le patronat à renforcer le paternalisme, avec bas salaires et prestations compensatoires, comme sur l'autoconsommation de type paysan; certains représentants du patronat, comme Citroën ou Renault, se prononcent pour une élévation du niveau de vie pour améliorer les débouchés potentiels de leurs usines - le marasme s'installe moins dans l'industrie lourde que dans l'industrie légère; la chapellerie de l'Aude, qui exporte 9 millions de cloches de chapeaux en 1928 n'en exporte que 900.000 en 1932; mais dans l'industrie lourde, recul de la production d'acier de 40% en quatre ans - deux phases dans la crise des années vingt; la première en 1929-32, qui passe relativement inaperçue, car elle touche les composantes les plus fragiles du monde du travail; ampleur prise par le renvoi des travailleurs immigrés, jusqu'au tiers du total (la réduction de la natalité française permet donc une résistance à la crise par la pénurie de main-d'œuvre nationale); en 1936, les étrangers ne sont plus que 1/5 de la main-d'œuvre dans la construction, 1/4 dans la métallurgie lourde, 1/3 dans les mines - dans le textile et la métallurgie, on licencie aussi des femmes, environ 300.000 ; il y a aussi repli sur le monde rural de ceux qui y ont conservé des liens - de 1931 à 1936, la population active de la France est réduite de 1,8 million de personnes, dont 1,4 million d'ouvriers, avec atteinte des franges les plus récentes et les plus marginales, le recul de l'emploi étant le plus sensible dans les entreprises de plus de 500 salariés la pyramide des âges montre un resserrement des actifs autour de 30-40 ans - dans les faits, c'est donc l'homogénéisation et la stabilisation de la classe ouvrière: des ouvriers plus français, plus qualifiés, plus urbains, plus stables; le turn-over chute de façon spectaculaire: dans les mines de fer de Lorraine, le cœfficient d'instabilité qui dépassait 90% à la fin des années vingt atteint à peine 26% en 1932 - pour les allocations de chômage, des contraintes résidentielles: à Boulogne an; à Amiens 6 mois, mais 6 ans chez le même employeur - en général les subsides partent du quatrième jour de travail et ne peuvent excéder un mois la généralisation de la crise - jusqu'en 1933, des secteurs entiers ont été épargnés; quand les mineurs du Nord ont vu leurs ressources baisser de 40% (à cause des jours de chôme), les employés ont leur niveau de vie qui augmente; les fonctionnaires ont leurs traitements revalorisés entre 1928 et 1930; indice 100 du salaire ouvrier en 1929 passe à 114 en 1931, quand les prix sont à la baisse - quand la crise repart en 1933, il n'y a plus de soupapes de sécurité: la visibilité du chômage devient importante; en février 1935, en France, un million de chômeurs, soit 12,6% de la population active; 50% des travailleurs ont des horaires réduits - appel aux ressources traditionnelles dans les communes: soupes populaires, bons de pain; puis l'État subventionne les caisses de chômage municipales: à Saint-Nazaire, l'État en prend en puis 80% en 1935 après la faillite de la Cie générale Transatlantique - loi sur les assurances sociales en 1928, loi sur les allocations familiales en 1932: c'est le transfert sur l'État des charges sociales - faute souvent de pouvoir investir, les entrepreneurs accroissent l'ost, sans craindre le turn-over des plus qualifiés: chez Renault d'OP en 1925, contre 32% en 1939; dans les mines de fer de l'est, les Français deviennent quantitativement les plus nombreux - les fonctionnaires ne sont pas licenciés, mais touchés par des baisses de salaire entre 1933 et 1935); réduction des retraites, des pensions d'anciens combattants - la réaction syndicale vient d'ailleurs des fonctionnaires, bond en avant de la CGT; manifestation du 12 février 1934, succès pour la CGT; reproduit fidèlement les anciens clivages du monde du travail: Paris, Bordeaux, Nantes, Toulouse, Limoges - affaiblissement des communistes, souvent expulsés, comme les Polonais dans le Nord, les Italiens en Lorraine; abandon de la ligne classe contre classe au profit de la stratégie unitaire - dans le Nord, la génération réformiste n'a pas été renouvelée depuis la guerre; les CGTU sont jeunes et actifs, dévoués, énergiques; 7300 adhérents, contre 29.000 à la CGT; mais expriment le mécontentement; la stabilisation de la classe ouvrière économise d'avoir sans cesse à refaire le travail, enracine les adhérents aussi; chez Renault, Costes sera élu député adhérents à la CGT réunifiée aux lendemains de 36 - le PCF contrôle aussi des municipalités; succès du PC aux élections municipales de 1935: Vénissieux, Saint-Etienne, plusieurs grandes villes du Nord Juin 36: le prolétariat industriel entre dans l'histoire (de France) - p.184: le recensement de 1936 donne l'impression d'un retour à l'avant- guerre: dans la population active la classe ouvrière est en recul, de 38,8% à avec augmentation des employés, petits patrons et "isolés" (quid des employés stricto sensu?) la logique d'une mobilisation collective - stabilité de l'opinion publique, mise à part l'augmentation communiste m. [...]
[...] à Saint-Etienne; la découverte du bassin ferrifère de Briey signe le déclin de centaines de petits sites éparpillés, complément de ressources des ouvriers-paysans; les petites forges traditionnelles sont atteintes par le triomphe des grandes usines métallurgiques du nord et de l'est (Dordogne); la spécialisation régionale est parallèle à l'affaiblissement du travail industriel rural; désindustralisation du sud de la France, Ardèche, Languedoc et du sud-ouest - la Grande dépression atteint aussi les ouvriers urbains; dans Paris, les artisans souffrent de la concurrence de la grande entreprise; celles-ci sont aussi atteintes par la baisse des investissements; gestion souple de la force de travail, licenciements des femmes, enfants et migrants; la grande industrie qui manquait de main-d'œuvre se trouve en situation excédentaire; entre 1883 et 1887 le quart des mineurs de la Loire est renvoyé et le cinquième des ouvriers de la métallurgie - p.87: "en se séparant de la main-d'œuvre la plus mobile et en s'attachant la fraction la plus stable, la grande entreprise prend une part déterminante dans le processus qu suffrage universel conçu aussianque de "flexibilité" du marché du travail, dont leurs successeurs d'aujourd'hui se plaignent tant; en effet, la population ouvrière, privée de ses ressources complémentaires, est amenée à faire des choix qui sont irréversibles, notamment l'exil vers les villes"; entre 1866 et 1906, les urbains passent de 30 à à Lyon, en Normandie, à Nantes, les déplacements de main- d'œuvre sont moins lointains qu'auparavant, mais davantage ruraux; les campagnes alimentent les villes en travailleurs modernes; ils partent non plus en migrations spécialisées, mais comme travailleurs non qualifiés des grandes usines; ils s'installent dans les banlieues, notamment dans la région parisienne (St-Denis, Aubervilliers) qui voient se multiplier les grands établissements chimiques et métallurgiques; nouvelle réalité sociologique, nouvelle réalité populaire; voir aussi Lyon et Villeurbanne, Vénissieux, Saint-Fons les adaptations de la grande industrie - p.89: "le patronat met au point un stratégie cohérente de gestion de la main-d'œuvre": rationalisation et paternalisme; les ouvriers sont moins réticents qu'auparavant au contrôle, à cause de l'état du marché du travail; c'est l'ouvriérisation des mines de Carmaux, achevée en 1890; la reprise du recrutement dans les années postérieures n'arrivera pas à désarticuler le groupe social qui se forme alors; c'est à ce moment là que le thème mineur/fils de mineur devient une réalité sociologique (fort taux de natalité); de même au Creusot, les Schneider contrôlent du berceau à la tombe, de la crèche à l'école professionnelle jusqu'à l'usine; la crise de l'agriculture est mise à profit pour tenter de couper les paysans de leur environnement rural; à Carmaux, les mineurs viennent habiter près du puits; même chose dans le Nord et les corons, on abandonne les longs trajets à pied vers le lieu de travail; parallèlement, des jardins attenant à maison comme racine et complément de revenu; vers 1900 à Denain, la moitié des familles engraissent deux cochons par an: ces ressources représentent 40% des revenus des mineurs; coopératives et économats avec système de crédit à la quinzaine; dépendance associative aussi avec les sociétés récréatives et musicales: 800 à Denain en 1900; elles reçoivent souvent l'aide et l'approbation des entreprises, même si elles reflètent des sociabilités populaires anciennes - à la même époque se fixent les règles d'intégration dans certaines industries, comme les chemins de fer, avec statut et garanties pour la main- d'œuvre; fort cloisonnement des métiers et des univers de travail, fort découpage bureaucratique: trois grands services avec des filières verticales, des grades, des échelles qu'une vie de travail ne suffit pas à gravir; en contrepartie, des avantages sociaux, des salaires bas, mais sécurité de l'emploi, services médicaux, caisse de retraite, hérédité professionnelle encouragée comme gage d'attachement à l'entreprise - les mutations de l'économie: deuxième industrialisation avec chimie, électricité, moteur à explosion et naissance de nouvelles branches d'activité; les ingénieurs favorisent la réorganisation des processus de travail; règlements d'atelier, changement dans les formes de rémunération (Mottez) la crise des valeurs ouvrières: - p.95: profonde crise d'identité; substitution de la machine et du savoir scientifique aux formes de qualification traditionnelles: les puddleurs n'ont plus de raison d'être avec les convertisseurs Bessemer; les souffleurs de verre (Carmaux, J. [...]
[...] le groupe ouvrier dominant et les transformations de la société française des bouleversements sans précédent - p.210: la fin des années cinquante marque la naissance de l'explosion de la production de biens de consommation, où l'élévation des salaires doit aller de pair avec la productivité; l'État joue le rôle principal dans la protection sociale et l'impulsion de relations contractuelles entre partenaires sociaux - mutations de la société française: accélération de l'exode rural; en vingt ans la terre perd 40% de ses exploitants et 70% de ses salariés; en définitive 10% de population rurale en 1975, soit "la fin des paysans" - accroissement massif des classes moyennes avec extension de l'administration publique et privée (extension des services collectifs: école, culture, santé): les professions libérales et cadres supérieurs voient leurs effectifs multipliés par trois, les cadres moyens par les employés par recul de la classe ouvrière au sein du monde salarié: 61% en en 1975, avec une progression en nombre absolu: de 6,5 à 8,5 millions - nouvelles répartitions à l'intérieur du monde du travail: en 1954 : 46% sont des OP et des contremaîtres des manœuvres et des OS "le reste étant constitué par les marins, les mineurs, etc " en 1974, les OS sont surtout dans les grandes entreprises fabricant des biens de consommation modernes, travail standardisé dans de grandes unités; nouveaux emplois dans les régions rurales avec les délocalisations: remodelage de la carte industrielle française - trois grands types de régions économiques: travail "intellectuel", dans la région parisienne, où sont les nouvelles qualifications ouvrières et où en 1975 il y a autant de techniciens et d'ingénieurs que d'OS; deuxième type: les régions à emplois qualifiés (grande industrie de province); troisième type, les régions de fabrication standardisée, comme l'ouest de la France, industries légères qui dépendent de la main-d'œuvre moins de matières premières: 37% des emplois industriels sont créés en zone rurale entre 1962 et 1966: en Basse-Normandie entre 1950 et des actifs agricoles quittent la terre, et dans le même temps les effectifs salariés sont multipliés par deux, ceux du tertiaire progressent d'un tiers; 70% des emplois créés sont des postes d'OS: Saviem ; Citroën: 3.000 Moulinex (en France, l'automobile crée 40.000 emplois nouveaux) - à la division géographique du travail correspond donc aussi une division des sociologique: emplois peu qualifiés réservés aux ruraux, avec des cars de ramassage des entrepreneurs sur des dizaines de kilomètres (comme toujours sauf que là l'industrie vient à eux) - parmi eux les femmes: entre 1962 et 1975, le taux d'activité féminine passe de 33 à absorbé pour partie par le tertiaire; mais entre 1968 et 1975, le taux de féminisation de la classe ouvrière passe quand même de 20 à dans la même période, la moitié des emplois créés le sont pour des femmes; 80% des ouvrières en général sont des OS; - les immigrés: de 1,7 m. [...]
[...] 83: grande crise de 1880-90 qui se caractérise par le recul du monde du travail fondé sur la polyvalence; émergence du mouvement ouvrier moderne; les décennies 1890-1910 sont les plus intenses de la mobilisation ouvrière la crise économique: - dans un cycle Kondratieff de baisse des prix, de 1873 à 1896; ampleur de la dépression agricole et réduction du pouvoir d'achat paysan; parallèle à l'établissement d'un véritable marché national et au libre-échange; homogénéisation du territoire national; crise du phylloxéra, maladies de la châtaigne, du mûrier; l'ensemble fait une chute irrésistible du tissage rural; à Reims, entre 1876 et la fin du siècle, fermeture de 41 entreprises de tissage, reconversion de 300 tisseurs de quartier; dans l'armurerie stéphanoise, baisse du système de travail à domicile, concurrence de la Belgique avec des fusils à 85 fr. [...]
[...] le "gigantesque paradoxe" - jusqu'en 1880, les secteurs anciens assurent l'expansion; petit propriétaires empêchent l'éclosion du marché urbain qui stimulerait la demande de produits manufacturés; "gigantesque paradoxe": expression de Hobsbawm pour décrire le contraste franco-anglais les raisons de l'attachement des ouvriers aux formes traditionnelles d'activité économique une pluriactivité nécessaire - p.44: chômage saisonnier comme constante en dehors des grandes crises; à Paris, au milieu du XIXe, la période d'inactivité pour les tailleurs s'étend du 15 juin au 15 septembre, puis du 15 février au 1er avril; à Nîmes, les taffetassiers à domicile travaillent entre 70 et 100 jours par an; forges, mines et établissements textiles utilisent la force motrice de l'eau et sont soumis aux caprices du temps (gel, assèchement des rivières); double activité comme garantie efficace en temps de crise; sur place ou avec les migrations saisonnières, comme les maçons de la Creuse (M.Nadaud): des milliers à Paris comme à Lyon, pour plusieurs mois par an; remboursement des dettes, apport de monétaire - énergie populaire pour garder ses modes de vie traditionnels, mobilisation de ressources complexes pour rester des ruraux - mais les grands chantiers, du chemin de fer aux mines s'appuient sur la main-d'œuvre rurale; en ville, le groupe est soudé par ses pratiques de solidarité, avant que l'urbanisation haussmannienne ne vienne tout bouleverser - sociabilité manifestée par les sociétés d'agrément, très diverses; à Lille en 1862, Pierre Pierrard recense 173 associations: 63 de chant et à boire; 37 de joueurs de cartes; 18 d'arbalétriers; 23 de boules; lien direct entre ces associations et les nombreuses fêtes de l'année, cinq grandes fêtes en plus du carnaval dans le Nord (la foire, la braderie, la fête de Sainte-Anne, la fête communale et le broquelet: la fête des dentellières qui dure trois jours au mois de mai); sont une illustration des réseaux de sociabilité et d'entraide, le test de la disponibilité des individus face au groupe; l'art de la dépense populaire s'inscrit donc dans la stratégie du groupe, savoir donner comme règle implicite, savoir dépenser sans être ni rapiat, ni mange-tout l'autonomie des savoir-faire: - deux groupes distincts: les "gens de métiers" qui poursuivent la tradition de l'artisanat urbain et les spécialistes de la grande industrie: mineurs, ardoisiers, verriers, forgerons le plus souvent proches du monde rural; repose sur des tours de main, avec suite d'opérations mémorisées; au début du XIXe, la compétence du forgeron est une conduite corporelle, avec gestes coordonnés et proportions non chiffrées, connaissance intime de la matière acquise par l'expérience; l'autonomie des ouvriers de métier s'illustre aussi par l'organisation du travail; chaque métier se caractérise par une forte hiérarchie interne; chez les ardoisiers, une vingtaine de membres, le chef représente le groupe auprès du patron et distribue le gain tous les six mois au prorata des journées effectuées; selon le coup d'œil et l'habileté, varie du simple au double; une longue période d'apprentissage avant de devenir "ouvrier spécialiste"; technique du repartonage, de la taille, de l'arrondissage; encombré par des rituels qui fonctionnent comme des moyens mnémotechniques (incantations, geste, Agricol Perdiguier) et comme des rites de passage qui montrent au novice l'importance de son accès dans la communauté - l'autonomie professionnelle s'illustre dans la transmission des savoirs productifs, exemple, imitation, répétition, une culture essentiellement orale opposée à notre civilisation graphique; le maître sait faire et l'apprenti apprend à faire, mimésis de longues années; dans la fonderie, on est d'abord auxiliaire au fourneau (chargeur) ou à la forge (petit valet), avec quatre ans d'apprentissage "au feu" avant de devenir "sous-fondeur" ou "valet", puis attendre plusieurs années avant d'être fondeur; chez les dentellières du Puy, la petite fille ne reçoit pas de poupée, mais "un petit carreau” au milieu duquel pend un clou d'où pendent trois fils qu'elle commence à tresser en jouant; puis quand elle grandit on lui donne des carreaux plus compliqués - la familiarisation avec le travail s'effectue très efficacement dans le cadre des rapports domestiques, pour la discipline comme pour la technique; d'où une forte homogamie professionnelle - une mobilité ouvrière organiquement liée à la polyactivité reflétée par les migrations saisonnières parallèles à la mobilité des ouvriers comme moyen d'organiser la rareté; des verriers se déplacent dans toute la France pour réparer les fours, font circuler l'information sur l'embauche, le travail, les évolutions techniques renforçant les liens de la communauté non pas sur une base territoriale, mais technique; tout au long du XIXe les patrons se plaignent de ces oiseaux de passage dont la conduite tranche avec la discipline des populations rurales des manufactures, mais dont la qualification est nécessaire au démarrage des entreprises; dans les Vosges, ces ouvriers nomades sont surnommés les "28 jours" à cause de la durée du préavis qu'ils doivent donner des pratiques populaires renforcées par la Révolution française: - p.60: exode rural évité par les ventes de petites parcelles de biens nationaux; attachement à la culture rurale renforcé par la pluriactivité; en 1859, le procureur général de Caen note que l'amélioration dans le textile local a permis à la plupart des ouvriers de devenir propriétaires; à Reims ils achètent des parcelles qu'ils construisent et louent aux immigrants - chez Peugeot, à Valentigney, vers 1850,sur 567 ouvriers, la moitié sont propriétaires de biens fonciers - dans ce contexte, les patrons français préfèrent développer leurs affaires en s'appuyant sur le rapport de forces existant, plutôt que d'imposer brutalement des transformations inspirées du modèle britannique; dans le cadre du domestic system, l'ouvrier fournit le cadre et les outils; les patrons utilisent cette volonté d'échapper à l'exode rural avec des salaires bas et de longues journées - parallèlement, des conduites paternalistes, comme les Japy qui ont leur moulin, distribuent grain et pain en cas de disette; toutes les fêtes aussi avec des distributions charitables; une logique des "fils invisibles" l'impossibilité de créer une véritable "classe ouvrière" dans l'industrie - p.67: l'insuffisance de l'exode rural provoque une pénurie constante d'ouvriers dans les branches où le travail est le plus éprouvant; dans le charbon, comme à Carmaux, il suffit d'une bonne récolte pour paralyser le recrutement encore dans les années 1870; le double travail conduit à des journées allant jusqu'à 19 heures par jour; les mineurs travaillent peu; à Caen en 1890, rares sont les ouvriers qui restent plus de cinq ans dans les entreprises, un tiers demeure moins d'un an, sans tenir compte des ouvriers temporaires; cela empêche la formation d'une main-d'œuvre qualifiée, les salaires sont trop bas; une mécanisation insuffisante qui rend les produits français peu compétitifs et accentué par les traités de libre échange avec l'Angleterre en 1860; fin du cloisonnement des marchés locaux avec le chemin de fer - résistance à l'innovation; à Allevard, forestiers, municipalité, paysans refusent l'extension du déboisement pour les forges, la construction de nouveaux barrages qui font déborder les rivières; des "jacqueries" opposent la communauté villageoise au patron et aux forces de l'ordre - du côté urbain, beaucoup de résistances aussi: la révolte des canuts lyonnais en 1834 est une riposte aux tentatives des marchands-fabricants de détruire la communauté de travail traditionnelle par la mécanisation et la dispersion du travail dans les campagnes et dans les nouveaux quartiers de la ville, concurrence mortelle pour les "canuts véritables" - les révoltes de l'industrie urbaine présentent beaucoup de dangers pour le pouvoir jacobin; fragilité de l'État tout au long du XIXe avec la place essentielle tenue par les ouvriers dans les combats; en 1848 (C. [...]
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