Bazin, éducation, modèle contemporain, Vipère au poing
En 1948, parut le roman Vipère au poing rédigé par l'écrivain Hervé Bazin. Né à Angers en 1911, Jean-Pierre Hervé-Bazin de son vrai nom, naît dans une famille bourgeoise, dévote et terrienne. Il connut une enfance troublée, se heurtant régulièrement à sa mère, sèche et autoritaire. Dans son adolescence, ses nombreuses fugues marquèrent son refus de suivre un enseignement dicté par la religion catholique. Rompant avec son milieu familial à l'âge de 20 ans, Hervé Bazin se consacre d'abord à la poésie, vivant de divers métiers comme le journalisme ou bien en officiant comme employé des postes ou encore comme valet de chambre. Durant cette période sombre d'une quinzaine d'années, il rédigea de nombreux poèmes et romans qui ne furent cependant jamais publiés. En 1946, il fonde une éphémère revue, la Coquille, et obtient le prix Apollinaire, l'année suivante pour son recueil Jour. Sur les conseils de son ami Paul Valéry, Bazin se tourne alors vers la prose et publie l'ouvrage dont il est question aujourd'hui. Il fait ainsi le portrait noir d'une mère abusive, largement inspiré des rapports détestables et violents qu'il entretint avec sa propre mère. Un véritable cri de haine à l'égard de sa famille est ainsi lancé et ce, notamment pour l'éducation qu'il a reçu ou plus exactement pour les méthodes qui furent utilisées dans son enfance pour lui apprendre les bonnes manières mais aussi ses leçons. Un huis clos se met en place entre la mère, les trois enfants, le père démissionnaire et un précepteur changeant. Le roman débute en 1922. Il représente ainsi un témoignage intéressant pour les historiens qui se voient ainsi renseignés sur l'éducation de certains milieux bourgeois que l'on pouvait encore trouvée au début du XX° siècle. Les grandes lois de la III° République sur le système scolaire qui ont rendu l'école laïque, obligatoire et gratuite ont déjà une trentaine d'années. L'utilisation d'un précepteur comme c'est le cas dans la famille Rezeau peut paraître alors comme une position réactionnaire face à son époque. L'histoire de Brasse-Bouillon et de ses frères livrant une guerre impitoyable à celle qu'ils ont surnommé « Folcoche », allant jusqu'à la tentative d'assassinat connaît un succès immédiat. Les éléments véridiques qui caractérisent ce roman en sont à l'origine et confortent ainsi le travail du chercheur dans la véracité des faits étudiés.
[...] « Elle nous parquait ainsi dans un espace de trois cents mètres carrés »p36. Il est impensable de ne pas obéir aux ordres sous peine de lourdes sanctions comme les châtiments corporels. -Ceux-ci sont prescrits non seulement concernant les devoirs qui se font en salle d'étude mais aussi au sein de la maison quand la tenue et les respects des règles édictées par la mère ne sont pas jugés corrects. Longtemps perçu comme normal et nécessaire, le châtiment corporel a pour but de punir l'enfant alors qu'il est perçu comme une agression lorsqu'il est infligé à un adulte. [...]
[...] ( ) Le reste, c'est du bolchévisme » p75. Comme on peut le constater tous les précepteurs que reçoivent les enfants proviennent du clergé d'abord séculier puis régulier. D'abord le révérend père Trubel, missionnaire. Puis un séminariste, un prêtre canadien recruté par les soins de Folcoche. Enfin un ancien aumônier dans une maison d'éducation surveillée. -Les prêtres ont pour mission de prier (dire la messe), d'enseigner et de donner l'exemple. Ils ne peuvent avoir aucune autorité sur les maîtres de maison. [...]
[...] Ici Brasse-Bouillon interfère dans les liens qui unissent la mère de famille et le précepteur au point de les monter l'un contre l'autre pour exiger le renvoi du deuxième. « Neutraliser peu à peu l'abbé Traquet en lui suscitant des difficultés avec Folcoche » p111. Un certain ennui peut même caractériser les journées où l'enfant effectue la majeure partie de ses activités en compagnie de son précepteur. -Le précepteur pétrie ainsi l'enfant comme il le souhaite, c'est-à-dire de lui donner les clés d'une pensée qu'il souhaite contrôler. [...]
[...] -Cependant certains prêtres s'ouvrent aux nouvelles pédagogies de l'époque notamment les jeux qui sont reconnus comme développant la curiosité et la réflexion de l'enfant. « Vos fils ont besoin de muscles, monsieur. Ils ont depuis longtemps franchi l'âge du boulier » p70. Ils peuvent même encourager les pères de famille à témoigner de leur propre instruction pour étendre le champ du savoir. C'est de cette manière que Jacques Rezeau propose à ses fils des leçons au cours de promenade. « Faire un pont avec ses enfants et leur faire un cours avaient dans l'esprit de notre père sensiblement le même sens » p72. [...]
[...] Il est en effet quasi-autobiographique puisque seuls les noms de famille ont été changés lorsque l'on fait le parallèle avec sa propre famille. Son témoignage demeure très intéressant. Il confirme l'existence de familles bourgeoises, plus ou moins déchues, qui nostalgiques du prestige des siècles précédents souhaitent donner à leurs enfants la même éducation que celle qu'elles ont reçue. Un enseignement centré sur le préceptorat et sur l'éducation très autoritaire de la mère à la maison. Victimes du progrès de son époque mais aussi de l'évolution des enfants, les parents devront céder pour le collège. [...]
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