Politique européenne - entre-deux-guerres - démocraties - totalitarismes
Sylvain Schirmann, professeur d'histoire contemporaine à l'Institut d'Etudes Politiques de Strasbourg, est connu pour ses travaux portant sur les secteurs économiques, financiers et syndicaux à l'échelle européenne. L'auteur s'essaie ici à une synthèse plus générale à propos du hiatus entre idée et réalité européennes dans le champ diplomatique et économique de la période 1919-1945. Dans l'avant-propos, S. Schirmann rappelle la difficulté de délimiter l'Europe, les nombreux projets pour lui donner forme et leurs échecs successifs. Dans cette vaste galerie historique, l'entre-deux-guerres se présente cependant comme un moment à part, où l'« interaction contexte-idée » (p.9) est très forte, qui justifie le plan à suivre. Le but est de voir si cette période peut être vue, dans le sens de l'européisme, comme un « brouillon » ou une « matrice ».
[...] A la fin de la guerre, les alliés refusent officiellement l'idée de partage (déclaration sur l'Europe libérée), mais, dans les faits, celui-ci est une réalité (accord des pourcentages en Europe balkanique). D'autres projets se font encore entendre, comme celui d'Hubert Ripka (confédération danubienne), de Sikorski (Retinger), de Spaak ou de Monnet, mais les jeux semblent être faits, l'Europe paraissant être otage entre le retour des appétits nationaux et la nouvelle configuration mondiale, où elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Le courant européen d'avant-guerre, malgré quelques tentatives institutionnelles, reste essentiellement un sentiment très lié aux cercles intellectuels. [...]
[...] Cela dit, le pari de la paix idéologique n'est pas condamné d'avance. Des visions d'Europe sont ainsi exposées dans les années 20, jouant du thème du déclin ou de l'espoir du renouveau : Richard Coudenhove- Kalergi organise les bases d'un mouvement militant avec Paneurope, et met en avant la nécessité du couple franco-allemand ; Heerfordt et son Initiative scandinave émet l'hypothèse que l'Europe n'est pas que géographique ; des tentatives plus pratiques suivent avec Mayrisch, plus idéologiques avec Trotski. Dans l'ensemble cependant, les projets sont de nature économique, contre le dirigisme dans la veine de Keynes, pour la reprise des échanges (Rathenau), parfois dans un espace régional restreint (Elemér Hantos). [...]
[...] Les fédéralistes de l'après- guerre soulignent les raisons d'un tel écart entre l'européisme de l'entre- deux-guerres et celui de la Libération : alors que le premier succédait à un conflit certes horrible, mais où les principaux Etats européens n'avaient pas cédé et pouvaient encore cultiver l'illusion de leur puissance, le second ne pouvait plus être une simple vue de l'esprit, mais devenait un réflexe de survie dans un monde dont le centre n'était plus l'Europe. Nouvelle illustration que l'entre-deux-guerres, réservoir d'expériences et d'erreurs à ne plus faire, est indispensable à l'étude du cheminement de l'idée européenne, le livre de S. Schirmann atteint son but, et devrait devenir un manuel précieux pour tous les étudiants intéressés par la question communautaire. [...]
[...] En règle générale, la détente concerne surtout l'Europe occidentale. En ce qui concerne l'économie, l'Europe centrale reste dominée par le Reich, les ententes sont parfois biaisées (voir le départ des Allemands de l'Entente internationale de l'Acier en mai 1929), la reprise économique européenne repose dangereusement sur les crédits américains, les monnaies restent surévaluées (livre sterling). Quant aux masses, elles sont surtout sensibles aux revendications catégorielles, au rituel de la commémoration, au nationalisme, très peu à l'européisme, rationnel et produit élitiste (ainsi que libéral). [...]
[...] Sylvain Schirmann, Quel ordre européen ? De Versailles à la chute du IIIe Reich, Paris, Armand Colin p., ISBN 2-200-26817- Sylvain Schirmann, professeur d'histoire contemporaine à l'Institut d'Etudes Politiques de Strasbourg, est connu pour ses travaux portant sur les secteurs économiques, financiers et syndicaux à l'échelle européenne. L'auteur s'essaie ici à une synthèse plus générale à propos du hiatus entre idée et réalité européennes dans le champ diplomatique et économique de la période 1919-1945. Dans l'avant-propos, S. Schirmann rappelle la difficulté de délimiter l'Europe, les nombreux projets pour lui donner forme et leurs échecs successifs. [...]
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