La guerre de 14-18 inaugure une nouvelle forme de conflit : la guerre totale. Les avancées techniques donnent lieu à des batailles d'une violence extrême, inimaginable jusque là. Les moyens de tuer sont sans commune mesure avec ceux de se protéger, nulle trêve des brancardiers et ramassage des survivants… En dépit de l'insoutenable dureté des combats, rares sont les mouvements de refus de la guerre tels que les mutineries de 1917 ; encore sont-ils minoritaires puisqu'elles concernaient 40 000 soldats sur 2000000. De plus, au moment du déclenchement de la guerre un nombre important d'hommes se porte volontaires pour défendre leur patrie. Comment expliquer un tel volontariat et cette apparent consentement des soldats durant toute la durée des combats ? Quelle représentation de la patrie est assez puissante pour justifier une telle combativité de leur part ? Il s'agira d'étudier ici quel sens ont pu donner les combattants à leur lutte et quelles sont les contraintes qui ont pesé sur eux pour la poursuite du conflit. De prime abord la guerre peut s'interpréter comme la défense de la civilisation et de la race (I). A cela s'ajoute des sentiments d'ordre religieux (II). Cependant, au regard des pressions multiples qui s'exerçaient sur les combattants, le patriotisme prend un sens bien différent voire passe au second plan (III)
[...] Au nom de quel principe acceptait-il de risquer sa vie ? Frédéric Rousseau souligne l'importance de la petite communauté de copains et de l'esprit de corps Ce n'est pas tant la patrie que soldats défendent avec acharnement mais leurs camarades et amis. Les écrits de guerre regorgent de belles histoires d'amitié. Cette fraternité justifie bien souvent l'héroïsme. Dans ses souvenirs de guerre le philosophe Alain relève l'importance de la camaraderie. Ce qui requiert le courage et d'ailleurs l'obtient, ce n'est pas un vague devoir envers la patrie qui sert à toutes fins, mais un devoir envers des camarades en péril qu'il s'agit d'aider tout de suite et efficacement Au fur et à mesure de l'avancement de la guerre se forme un véritable esprit de corps au sein des unités. [...]
[...] Comme le souligne Frédéric Rousseau le courrier est vital au front. Les hommes l'attendaient avec impatience. Tout retard, tout silence pouvaient les plonger dans la dépression. Pour conserver son moral et un équilibre psychologique relatif, il est indispensable que le soldat échange avec l'arrière. Dans leurs lettres, nombreux sont ceux qui dissimulent ou atténuent leurs souffrances par pudeur. S'affirmer patriote permet de rassurer ses proches sur sa santé morale. C'est aussi conserver le même langage, les mêmes schémas de pensée que les personnes restées à l'arrière. [...]
[...] Kantorowitcz montre que mort pour la patrie et pour la religion sont intimement liées. Frédéric Rousseau critique cette école du consentement théorisée dans 14-18. Retrouver la guerre. A ses yeux, peu nombreux étaient les hommes qui se sacrifiaient par patriotisme. Le patriotisme est surtout un sentiment de l'élite et de l'arrière. Au front, les hommes sont mis à nus, la plupart ne se bat plus que pour ses camarades, par esprit de corps ou par résignation. Cette opposition entre l'école dite du consentement et celle de la contrainte renvoie aux difficultés de l'historiographie. [...]
[...] Plus qu'une guerre des cultures et des civilisations, la première guerre mondiale semble également être lue par beaucoup comme une guerre des races. Les atrocités l'ont bien confirmé, l'ennemi est intrinsèquement mauvais, il appartient à une race qu'il faut à tout prix éliminer. La encore, les intellectuels joue un rôle important dans l'édification de cette culture de guerre On fait appel à leur expertise pour témoigner de l'infériorité de l'ennemi et de la nécessité de la guerre. Or, les documents dont on dispose aujourd'hui prouvent qu'en dépit de leur savoir nombreux sont les intellectuels qui sont tombés dans le piège du nationalisme. [...]
[...] La guerre 14-18 voit donc renaître ce syncrétisme entre la patrie et Dieu. Par exemple du côté français on vénère particulièrement Jeanne d'Arc. Le patriotisme se teinte de mysticisme, même pour les plus rétifs à toute forme de religion. L'œcuménisme, difficilement pensable avant la guerre surgit. Juifs et chrétiens sont prêts à former une véritable union spirituelle pour la défense de la nation. Stéphane Audoin- Rouzeau et Annette Becker notent même que certains soldats allemands juifs demandent à être enterrés sous une croix pour symboliser le martyr de l'Allemagne. [...]
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