La guerre de 14-18 inaugure une nouvelle forme de conflit : la guerre totale. Les avancées techniques donnent lieu à des batailles d'une violence extrême, inimaginable jusque-là. Les moyens de tuer sont sans commune mesure avec ceux de se protéger, nulle trêve des brancardiers et ramassage des survivants… En dépit de l'insoutenable dureté des combats, rares sont les mouvements de refus de la guerre tels que les mutineries de 1917. De plus, au moment du déclenchement de la guerre un nombre important d'hommes se portent volontaires pour défendre leur patrie. Comment expliquer un tel volontariat et cet apparent consentement des soldats durant toute la durée des combats ? Quelle représentation de la patrie est assez puissante pour justifier une telle combativité de leur part ? Il s'agira d'étudier ici quel sens ont pu donner les combattants à leur lutte et quelles sont les contraintes qui ont pesé sur eux pour la poursuite du conflit. De prime abord la guerre peut s'interpréter comme la défense de la civilisation et de la race (I). A cela s'ajoutent des sentiments d'ordre religieux (II). Cependant, au regard des pressions multiples qui s'exerçaient sur les combattants, le patriotisme prend un sens bien différent voire passe au second plan (III).
[...] Rien n'accrédite l'idée pourtant que les hommes en premières lignes consentaient à mourir pour la patrie. Robert Graves en tous cas semble être convaincu du contraire : Le patriotisme n'existe pas dans les tranchés, c'est un sentiment de civil Frédéric Rousseau note également que le patriotisme et la culture de guerre dont font état les auteurs de : 14-18. Retrouver la guerre est pour l'essentiel un produit des élites. Dans ce cas, le patriotisme décrit plus haut pouvait ne concerner qu'une infime tranche de la population. [...]
[...] Notons au passage, que le concept du barbare est spontanément créé en zone occupée au contact des allemands, il n'est pas à l'origine le fruit de la propagande mais il est systématiquement repris à partir de la fin de l'année 1914. La barbarie de l'ennemi est donc véritablement intériorisée. Le patriotisme de la première guerre mondiale peut-être vu comme un patriotisme défensif même chez les soldats allemands, on défend son territoire et les siens qui sont directement menacés, l'opposant est haï. Du combat contre la barbarie au combat pour la civilisation, le pas est rapidement franchi. [...]
[...] En Grande-Bretagne ou il n'existe pas de circonscription jusqu'en britanniques se sont volontairement engagés pour défendre leur patrie. A cela il faut ajouter que c'est après les premières pertes et l'enlisement du conflit que les candidatures sont les plus nombreuses. Il ne s'agissait donc pas d'un engagement à la légère dans une guerre imaginée mais d'une décision prise en connaissance de cause. Les engagés consentaient à cette guerre. Selon Annette Becker et Audoin-Rouzeau la Grande Guerre est bien restée, jusqu'à la fin, la guerre de ce consentement Les hommes auraient donc souscrit au patriotisme prôné par les politiques et les chefs de guerres. [...]
[...] Juifs et chrétiens sont prêts à former une véritable union spirituelle pour la défense de la nation. Stéphane Audoin- Rouzeau et Annette Becker notent même que certains soldats allemands juifs demandent à être enterrés sous une croix pour symboliser le martyr de l'Allemagne. Cette dimension mystique de la guerre peut expliquer l'apparent consentement des soldats. Mourir pour la patrie c'est accomplir l'acte d'amour suprême envers les siens, c'est gagner son paradis en versant son sang pour la patrie de Dieu (quelle que soit cette patrie), et pour ses frères comme le Christ l'a fait pour les hommes. [...]
[...] Au XIIIéme siècle l'idée de corps mystique renvoyant originellement à l'Eucharistie puis à l'Eglise se sécularise pour se confondre peu à peu avec l'idée d'Etat. Le corps mystique (notion emprunte de religiosité) est alors synonyme de corps politique qui lui-même équivaut à la patrie. La maxime pro patria mori retrouve tout le caractère sacré qu'elle avait dans l'Antiquité ou l'homme mort pour la res publica était quasiment vénéré comme un Dieu. La guerre 14-18 voit donc renaître ce syncrétisme entre la patrie et Dieu. [...]
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