Mona Ozouf, historienne et philosophe, directrice de recherche au CNRS, a consacré l'essentiel de ses recherches aux problèmes de l'école publique en France, et à la Révolution française. Dans l'ouvrage intitulé L'Ecole, l'Eglise et la République, 1871-1914 (datant de 1963), elle analyse les débats alimentés par la question scolaire, qui opposent Eglise et République entre 1871 et 1914. Mona Ozouf ne se contente pas de retracer les principales étapes du débat : en effet, à travers le regard de la presse, elle nous présente les arguments des deux camps et les divisions en leur sein ; mais ce sont surtout les images de l'école forgée par les journaux qui sont analysées.
[...] Les catholiques, dont les plus lucides ont perdu, avec l'échec du boulangisme, tout espoir de restauration monarchique, commencent un processus de ralliement à partir de 1890 ; quant aux républicains modérés, ils sont disposés à s'associer aux catholiques ralliés, afin d'éviter l'avènement d'un nouveau personnage tel que Boulanger, et de contrer la montée de l'extrême gauche ; ils sont donc prêts à abandonner tout laïcisme militant pour permettre le ralliement. C'est l'esprit nouveau : on assiste à une application tolérante des lois laïques au niveau scolaire ; certaines congrégations non autorisées (depuis 1880) rouvrent des écoles. Ceci s'accompagne d'un renouveau du sentiment religieux (liés au goût pour la psychologie et à une recherche d'un certain mysticisme). Pour certains, Dieu doit à nouveau rentrer dans les écoles pour enrayer la montée du socialisme. [...]
[...] Il s'agit, à vrai dire, de substituer dans l'école la patrie à Dieu. Ceci débouche, par exemple, sur la formation de bataillons scolaires, à la plus grande satisfaction des républicains patriotes. Ce rôle de l'école comme reflet d'une idéologie se révèle encore plus quand on assiste à une montée de l'extrême gauche dans les années 1890 ; le développement du pacifisme et du syndicalisme chez les instituteurs inquiète les républicains modérés : l'école prépare-t-elle à la révolution ? C'est l'enseignement de la morale qui pose le plus de difficultés, mais aussi qui met le mieux en évidence l'importance de la question scolaire. [...]
[...] Deuxièmement, les journaux conservateurs s'opposent au moment du Ralliement : La Gazette de France et le Moniteur Universel refusent tout compromis avec la République, tandis que des quotidiens tels que L'Univers ou Le Monde marquent le tournant du Ralliement. Enfin, le même clivage apparaît au moment de la loi de séparation en 1905 : sur un fond commun de désapprobation, certains se dirigent vers une soumission conditionnelle à la loi ; d'autres appellent à la résistance. Ce regard de la presse que nous fournit Mona Ozouf nous éclaire donc sur les subtilités du débat, et met en évidence sa complexité en confrontant plusieurs points de vue. [...]
[...] L'originalité de l'ouvrage de Mona Ozouf L'Ecole, l'Eglise et la République, 1871-1914 est donc principalement de nous donner une vue d'ensemble du débat scolaire du début de la IIIème République à la Première Guerre Mondiale. Ce livre nous révèle tous les paramètres du débat, et illustre sa complexité par le regard de la presse, à une époque où les tirages de journaux sont très importants. En ne s'en tenant pas aux mythes construits notamment par la presse, l'auteur nous informe des enjeux fondamentaux de la question scolaire. [...]
[...] Enfin, une autre originalité de ce livre est de nous exposer le rôle de la presse dans la question scolaire opposant Eglise et République. En effet, c'est principalement à travers la presse que se reflète le débat. Que nous apporte la vision des journaux pour mieux comprendre les enjeux de la discussion ? Mona Ozouf met l'accent sur le regard de la presse, qui illustre la division de l'opinion en deux camps : catholiques et partisans de l'école laïque. Les journaux suivent l'évolution de la question scolaire, et nous mettent en présence des arguments des deux camps. [...]
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