La relation entre mémoire et histoire est une problématique très actuelle. La mémoire est un composant essentiel de notre identité tant individuelle que collective. Selon Ernest Renan, la nation se définit comme un groupe partageant le souvenir « d'avoir vécu des choses en commun », la mémoire fonde le sentiment d'appartenance à un groupe national. Il existe donc un lien très étroit entre l'histoire et la mémoire. Pour définir les termes, la mémoire est la propriété de conserver des informations et de les restituer par le biais de différents stimulus. Il s'agit d'une faculté communes aux être humains, est a de fait été étudiée par des psychologues et neurophysiologistes. Mais la mémoire a aussi été étudiée par les anthropologues, et plus particulièrement sur son usage dans les cadres sociaux. Elle diffuse un ensemble de référents qui sont partagés par les membres d'un groupe et qui ont une influence sur l'histoire de chacun ainsi que sur l'histoire collective. Au sein d'une société, la mémoire collective est constituée par les souvenirs et les oublis, individuels ou collectifs. Elle est entretenue et développée par des une politique mémorielle délibérée qui répond à des enjeux économiques et politiques que nous examinerons plus tard. L'histoire si l'on s'en tient à une définition simpliste, est quant à elle une discipline étudiant les faits et les événements, elle recompose le passé. L'histoire tout comme la mémoire, sont donc un regard sur le passé.
Le thème développé ici, est celui de la Mémoire et de l'histoire, le titre d'un dossier de 2002 de la revue Vingtième Siècle. Il s'agit d'une revue d'histoire politique et culturelle de la France et de l'Europe au XXème siècle qui été créée en 1984. Lors de la parution du premier numéro, elle affichait ses objectifs de vouloir faire « prendre en charge l'identité du présent » et « rendre les lecteurs plus contemporains de leur siècle ». Deux de ses cofondateurs Jean-Pierre Rioux et François Bédarida ont participé à l'élaboration du dossier au travers de deux articles, respectivement « sur le devoir de mémoire et devoir d'intelligence » et pour le second sur « L'histoire et la mémoire chez Péguy ». Tous deux sont historiens, comme Etienne Fouilloux qui a rédigé quant à lui, un article sur l'Eglise catholique pendant la seconde guerre mondiale. Ce dossier est composé de cinq articles, en plus des trois auteurs déjà cité, il a aussi un article de Jean-Jacques Fouché qui est lui philosophe et directeur d'institutions culturelles, notamment du centre de la Mémoire D'Oradour qui est le sujet de son article. Le dernier article a été rédigé par Olivier Masseret un diplômé de Sciences Po Paris par la suite assistant parlementaire et qui a réalisé une thèse sur « diplomatie parlementaire.» Son article porte sur la reconnaissance par le parlement français du génocide arménien de 1915.
Ces auteurs abordent tous sous des angles différents, la relation entre mémoire et histoire. L'affiliation entre les deux est ancienne, comme le rappelait Charles Péguy, dans la mythologie grecque, Mnémosyne (La mémoire) est l'épouse de Zeus et mère de Clio (L'histoire), l'ainée des muses. Au travers des différents article, les références à la pensée de Charles Péguy sont multiples, est en particulier à cette citation « l'histoire est essentiellement longitudinale, la mémoire est essentiellement verticale[…] la mémoire et l'histoire forment un angle droit. L'histoire est parallèle à l'événement, la mémoire lui est centrale et axiale. » La question sera donc de savoir dans quelle mesure, la mémoire et l'histoire se complètent. Il s'agit de démontrer que la prépondérance de l'une sur l'autre implique des dérives en tout genre. La réflexion sera donc menée en trois temps, c'est-à-dire mettre en lumière la nécessaire réconciliation entre Clio et Mnémosyne, et ensuite montrer les dangers liés à la consécration du devoir de mémoire, et enfin s'interroger sur la manière dont histoire et mémoire doivent être enseignés.
[...] Ainsi on voit bien que le devoir de mémoire est vraiment très fort et a même tendance dans certains cas à prendre le dessus sur l'histoire, allant même jusqu'à donner une forme juridique au devoir de mémoire. B. L'inquiétude des historiens : la loi ne peut pas faire le procès de l'histoire Le fait que le devoir de mémoire puisse également prendre une forme de loi, relever d'un acte politique inquiète beaucoup les historiens. C'est l'objet de l'article d'Olivier Masseret, qui prend l'exemple de la reconnaissance par le parlement français du génocide arménien. [...]
[...] Devoir d'intelligence La seconde partie du développement de Jean-Pierre Rioux été inspecteur de l'éducation nationale), concerne la nécessité de ne pas sacraliser le devoir de mémoire et particulièrement pas en classe, car selon lui dire la mémoire en classe devrait aider, au contraire, à produire un sens, à privilégier l'intelligence sur le souvenir Il évoque le fait que la secrétaire d'Etat aux anciens combattants, sans concertation avec l'Education nationale, a décrété que le devoir de mémoire contribuait à fonder la citoyenneté et par voie de conséquence devait être enseigné aux élèves. Mais Rioux se pose la question de ce qui doit être enseigné à l'Ecole. Dans l'idée de devoir de mémoire à l'école on évoque surtout l'enseignement de la Shoah. C'est en ce sens qu'il évoque le devoir d'intelligence, car il faut selon lui enseigner les faits. [...]
[...] Ce type d'historiographie a vu le jour dans les années 1980. Mais comme il le souligne, c'est que les historiens n'avaient pas encore conscience qu'ils vivaient en réalité à une époque consacrant le moment-mémoire . Ils n'avaient pas conscience qu'en cette fin de XXe siècle marqué par les atrocités et les guerres, devait marquer un tournant, une réflexion sur le passé. Pour éviter les erreurs du passé il fallait les comprendre et les incorporer à la mémoire pour éviter que cela ne se reproduise pour le nouveau siècle. [...]
[...] Le devoir de Mémoire : un rempart contre l'oubli qui ne doit pas être pour autant sacralisé A. Les dérives du devoir de mémoire Associer mémoire et histoire pas toujours évident, en particulier lorsqu'on évoque le devoir de mémoire. Chaque société a une faculté variable de mémoire, qui évolue au cours du temps. Pour Paul Ricoeur, qui a mené d'importants travaux sur l'histoire et la mémoire, l'obligation de se souvenir change de nature selon le passé auquel on se réfère. Il faut distinguer la mémoire heureuse et la mémoire malheureuse. [...]
[...] Les défenseurs de la loi affirmaient eux, entre autres, qu'elle ne qualifiait pas l'histoire mais des faits criminels. Mais en fait comme le montre cet article, les positions sur les lois mémorielles en générales ne sont ni unifiées ni claires. Les défenseurs de la loi pour la reconnaissance du génocide arménien rappelaient qu'en 2000 avait été instaurée une journée de commémoration pour les justes de France, qu'il y a eu en 2001 la loi dite Taubira qui reconnaît la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité. [...]
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