En reconstituant au prix d'un travail de plus de dix ans les rapports commerciaux, économiques, financiers et politiques entre la France et l'outre mer sur près d'un siècle, Jacques Marseille montre que les colonies ont été une entrave au développement économique de la métropole, que, loin d'avoir contribué à l'enrichir, elles ont freiné sa croissance sur toute la période en permettant à des portions archaïques de l'économie française de se maintenir artificiellement, que les colonies ont retardées sa modernisation. C'est pourquoi la décolonisation n'a pas été le cauchemar qu'on attendait pour l'économie française ; elle fut au contraire la condition de sa reprise.
Débutée en 1970 avec L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme de Lénine en poche par un Jacques Marseille encore « armé de ses certitudes », cette thèse parue en 1984 relègue pourtant définitivement aux oubliettes les explications marxistes de la colonisation, gouvernées par le livre de Lénine, qui constitua pendant longtemps la seule théorie économique efficiente de la colonisation. Marseille n'a pas été démenti, et il n'y a guère que le Monde Diplomatique et Attac pour ignorer ses conclusions ; les historiens récents sont unanimes.
Si une théorie telle celle que nous présente J.M a mis si longtemps à apparaître, c'est que les recherches se sont longtemps égarées sur la mauvaise voie: l'entreprise dont le but final est toujours d'absoudre ou de condamner la colonisation en cherchant à établir le bilan global de ce que la colonisation peut avoir coûté ou rapporté à la métropole est vaine, car impossible, particulièrement en raison de l'hétérogénéité des facteurs entrant en ligne de compte. Marseille cherche donc à invalider les mythes entretenus sur l'impact de la colonisation sur le capitalisme français en les confrontant à la réalité des faits des nombreuses séries de chiffres et de statistiques analysées.
Mais la seule étude statistique ne permet pas de comprendre tout les mécanismes qui sous-tendent la stratégie coloniale de la France. Il convient donc de s'intéresser aux acteurs chargés de conduire cette vaste entreprise qu'est la colonisation, notamment après 1929 et les bouleversements intervenus, et de se demander si s'est mise en place une politique de redéploiement ou de protectionnisme.
Enfin, étant donnée l'impuissance du patronnât é présenter une stratégie de « mise en valeur » de l'empire, il paraissait nécessaire de s'interroger sur la place, le rôle et la nature de l'Etat, sur ces rapports avec les milieux d'affaires. Qu'en est-il donc de l'Etat, ce grand absent de la problématique marxiste de l'impérialisme?
[...] Cette volonté d'enfermer les pays dominés dans la production de matières premières et dans l'achat de produits fabriqués ne confirmait-elle pas la théorie léniniste selon laquelle plus le capitalisme est développé, plus le manque de matières premières se fait sentir, plus la concurrence et la recherche des sources de matières premières sont acharnées, et plus est brutale la lutte pour la possession des colonies ? Mais le refus d'industrialiser les pays colonisés pour les maintenir dans la dépendance de la métropole n'est pas une nécessité. [...]
[...] Mais la faiblesse du pouvoir de consommation de larges couches de la population ne pouvait déboucher que sur un blocage durable de l'activité économique. Ceci est dû à la modeste croissance démographique qui gangrène l'ensemble des pays européens après la guerre, accompagnée d'un vieillissement de la population peu favorable à la consommation, d'un lent accroissement de la population urbaine et de l'importance d'une population rurale peu dispendieuse. La crise de 1929 donnait donc la mesure de l'enjeu que représentait à l'époque le seul débouché commode pour le capitalisme français, le débouché colonial. [...]
[...] Le problème est qu'au moment même où les Français, dans leur majorité, pensaient que la France avait intérêt à garder ses colonies, la béquille coloniale tendait à devenir pour certaines branches du capitalisme un boulet C'est ce divorce entre »économique et le politique qui semble expliquer selon Jacques Marseille le drame de la décolonisation. C'est une certaine gauche contaminée par l'idéologie coloniale qui se laisse engluer dans la guerre. C'est une certaine droite précocement gagnée aux impératifs d'efficacité qui finit par souhaiter divorcer d'avec un empire dont elle ne veut plus supporter la charge. [...]
[...] Marseille cherche donc à invalider les mythes entretenus sur l'impact de la colonisation sur le capitalisme français en les confrontant à la réalité des faits des nombreuses séries de chiffres et de statistiques analysées. Mais la seule étude statistique ne permet pas de comprendre tous les mécanismes qui sous-tendent la stratégie coloniale de la France. Il convient donc de s'intéresser aux acteurs chargés de conduire cette vaste entreprise qu'est la colonisation, notamment après 1929 et les bouleversements intervenus, et de se demander si s'est mise en place une politique de redéploiement ou de protectionnisme. [...]
[...] Mais la stratégie libérale de Giscard d'Estaing n'était pas en rupture avec le passé: loin de préconiser une véritable stratégie de développement, la stratégie libérale se proposait seulement de rendre plus efficace et plus rentable le pillage des ressources naturelles de l'empire et de développer sur des bases plus saines la traite commerciale en éliminant les entreprises parasitaires Cette stratégie n'envisageait donc pour l'avenir aucune perspective de développement économique. Or la clientèle solvable dans l'entre-deux-guerres c'est la clientèle des pays développés. On comprend l'appui empressé des branches industrielles qui exportaient des produits de luxe à destination des pays développés. La stratégie autarcique menaçait ainsi les industries de la soie et de la laine qui étaient avant 1914 les deux premières branches exportatrices (plus de 50% d'exportation) du capitalisme français et en même temps les plus dépendantes du marché mondial. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture