Le projet de l'auteur est de montrer que l'expérimentation bolchevique en Russie est devenue totalitaire parce qu'elle était socialiste et non en dépit de son caractère socialiste. Au programme de ce livre, il y a donc d'abord la volonté de réaffirmer la primauté de l'idéologique et du politique sur le social et l'économique pour comprendre le phénomène soviétique
[...] Mais le marché ne pourra jamais engendrer une société juste : pour être approchée, celle-ci doit donc être le produit de la volonté morale et politique de la communauté agissant sur les forces amorales du marché, et l'intervention de l'Etat dans le fonctionnement du marché, pour des raisons morales et politiques, fait aussi partie de l'ordre social naturel. C'est cette voie moyenne qui est devenue la normalité du capitalisme depuis la Grande Dépression, et qui est arrivée à maturité après 1945. [...]
[...] Dans sa volonté de réformer le Parti, Khrouchtchev échoue, et sans le vouloir, il initie un processus de subversion du communisme : pour la 1re fois depuis les années 1920, cette période voit l'éclosion d'un embryon de société civile. C'est la naissance de la culture dissidente. La chute de Khrouchtchev est analysée comme résultant essentiellement des changements intervenus dans le Parti-Etat, tant dans sa composition que dans ses relations avec son chef. Ce sont les représentants de la nomenklatura, caste de cadres née durant sa période, qui, par l'intermédiaire du Praesidium, obligent Khrouchtchev à se retirer. [...]
[...] Mais la victoire renforçait le système. L'après-guerre est consacré à restaurer tous les acquis politiques, économiques, culturels, de l'avant-guerre et marque l'entrée du système dans une nouvelle phase, celle de Empire Les territoires conquis à l'Est de l'Europe sont tous transformés selon le modèle soviétique. L'empire devient un bloc Les quarante années qui suivent la mort de Staline seront dominées par le problème de son enterrement. Après Staline, Malia note la reprise de l'alternance entre le léninisme dur et le léninisme mou des 12 premières années : reprise en sourdine de la NEP dans la décennie Khrouchtchev, néostalinisme de routine pendant les 18 années Brejnev, et pour finir une NEP courte mais emballée avec les six années Gorbatchev. [...]
[...] Elle est une analyse totalitaire dans le sens où elle proclame que le système était irréformable, et elle se fonde sur une primauté affichée accordée au facteur politique. Le livre se veut donc critique par rapport aux historiens héritiers des Annales, comme Marc Ferro, Nicolas Werth ou, surtout Moshe Lewin, mais il prend peu en compte les apports de ces historiens à l'histoire de l'URSS. Le livre n'apporte d'ailleurs aucune originalité analytique par rapport à Comprendre la Révolution russe, paru en 1979, et ne fait qu'élargir et approfondir les conclusions de cet ouvrage. [...]
[...] Ajoutons la révolte des minorités nationales et l'effondrement des régimes communistes à l'Est. Mais toutes ces causes s'inscrivent dans une structure qui vient de la nature du système lui-même. Toute l'expérimentation s'est déroulée selon des modalités perverses depuis le début : du péché originel de 1917, c'est-à-dire la volonté de mettre une utopie au pouvoir en bâtissant le socialisme, résulte le flot des autres violences, la collectivisation imposée d'en haut, les purges et la remise sur pied du système stalinien après la guerre. [...]
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