"Louis-Philippe était la transition régnante" a dit Victor Hugo. Il semble pourtant que cette transition n'ait jamais été consciente, l'homme étant persuadé, au contraire, d'avoir achevé l'œuvre de la Révolution, d'avoir arrêté l'histoire, d'avoir établi le régime irréprochable pour lequel la France pourrait lui être éternellement reconnaissante: la monarchie constitutionnelle. Lorsqu'il monte sur le trône, auquel il n'aurait légitimement jamais dû toucher, cela fait déjà trente ans qu'il pense être le seul à pouvoir réconcilier l'Ancien Régime et la Révolution. Le roi était tellement épris de l'œuvre qu'il avait construite pour la France qu'il fallut attendre le jour de son abdication, le 24 février 1848, pour qu'il se rende compte qu'elle s'écroule de toute part. Mais il ne perdra jamais ses illusions, rabâchant jusqu'à la mort qu'il s'était "dévoué" pour la France, et maudissant son ingratitude.
Comment Louis-Philippe, qui s'est toujours vanté de vivre avec son temps et de connaître la France mieux que ses aînés a-t-il pu reproduire le même schéma qui a fait tombé avant lui Louis XVI, puis Charles X ?
En quoi ce qui a convenu à son accession sur le trône, ce juste milieu qui lui a permis d'adopter la figure rassurante de l'autorité et de la lignée royale tout en se déclarant hostile à toute forme de restauration, a pu aussi précipiter sa chute ?
Finalement qui est réellement Louis-Philippe si ni la figure du jacobin révolutionnaire, ni l'image du prince de l'Ancien Régime ne permettent d'expliquer son comportement, sa vie et la dernière des monarchies en France ?
Dans une première partie, je vais tenter de montrer la formation du personnage de Louis-Philippe en Prince Libéral, c'est-à-dire comme un compromis entre la noblesse de l'Ancien Régime et le républicanisme, et finalement comment ce « juste milieu » lui a permis d'accéder au pouvoir en 1830.
Dans une seconde partie, je tenterais de montrer comment le décalage entre sa vision du gouvernement, le « juste-milieu » qu'il a tant vanté, et la France du milieu du XIXème siècle l'a irrémédiablement conduit à sa perte.
[...] De cette rancune naquit deux traits essentiels de Louis-Philippe, qui se retrouvent fortement dans la manière avec laquelle il a été éduqué, mais aussi dans l'exemple qu'a été son père à cet égard : 1. le souci de réhabiliter la lignée, d'être considéré et d'agir comme un prince de sang royal. Louis-Philippe sera élevé par sa gouvernante Mme de Genlis. Le projet de cette dernière est de l'endurcir par sa sévérité ainsi que par une hygiène de vie et une éducation physique austère et dure, mais de l'élever comme un prince et même comme un futur roi. [...]
[...] Quand vint 1830, Louis-Philippe avait donc bien navigué dans l'ombre pour être parfaitement positionné. Cette habilité politique porte ses fruits, puisqu'en 1830, tel que Louis-Philippe l'avait prévu lui-même, il apparaît comme la seule alternative acceptable pour des députés qui redoutent la république, tout en sachant pertinemment que le peuple n'acceptera pas le retour des Bourbons. Il accepte la lieutenance générale du pays le 31 juillet au matin : le pouvoir lui tombe dans les mains. Il répètera ainsi "je me suis dévoué pour la France". [...]
[...] Dans un premier temps, le roi tenta de se concilier la gauche en donnant l'image du "roi citoyen", ce qui permit d'obtenir momentanément l'adhésion des républicains et notamment de Lafayette, en multipliant les gestes démagogiques envers les combattants des trois glorieuses, en se montrant proche du peuple et en entamant une période de "laisser-aller" dans les mois qui suivent la révolution. Toutefois le masque tomba vite et Louis-Philippe optera bientôt pour la répression face à l'instabilité politique à laquelle il a à faire face. [...]
[...] En juin, il sera des nobles qui se joindront au Tiers pour former l'Assemblée nationale. Louis-Philippe s'engagera lui aussi dans la révolution, assistant fréquemment aux séances de l'Assemblée nationale, et s'engageant dans le club des jacobins en 1790. Il prônera le suffrage universel, se proclamera "citoyen de Paris", prêtera serment "à la Patrie, à l'Assemblée nationale et à la Constitution" avec conviction, et qualifiera même la constitution de 1791 de "monument remarquable de législation". Étant promu général à l'âge de 18 ans, il va se battre à la bataille de Valmy en septembre 92 et à la bataille de Jemmampes, s'associant ainsi à la lutte contre l'Europe absolutiste au nom des principes révolutionnaires. [...]
[...] La majorité du pays ne veut plus de roi et Paris a fait les trois glorieuses non pour rétablir la Charte, bien que la violation de la charte ait été un prétexte, mais pour abolir définitivement la monarchie. Casimir Perrier, affilié au régime, dira lui-même qu'il s'agit plus d'un changement dans la personne du chef de l'Etat et d'un changement dans son personnel, que d'un réel virage politique, alors que la France est en demande de changement. De même Louis-Philippe ne comprit pas qu'il ne pourrait jamais être accepté comme roi du fait de son illégitimité politique. Aux yeux des républicains, il était un usurpateur qui a profité du sursaut républicain de 1830 pour asseoir son pouvoir. [...]
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