Dʼune ville on parle souvent comme dʼune personne. On en épie les humeurs, on en décrit un tempérament, on lui attribue un caractère. On en scrute le corps énigmatique comme celui dʼune femme. On la regarde vivre en espérant surprendre son secret.
Au XVIIIème, notamment à Paris, le commentaire de la ville change de statut et de contenu. Il veut se constituer en savoir, se faire utile. Mais Paris résiste à leurs certitudes, leurs entreprises, échappe à leurs catégories trop nettes, trop générales. Des mystères perdurent : la ville, le peuple, la foule.
La capitale à plutôt bonne réputation, Sébastien Mercier dans Tableau de Paris (1782) dit quʼelle est généralement « tranquille ». Cʼest un lieu commun au Siècle des Lumières : mémorialistes et journalistes sont dʼaccord pour reconnaitre que « le peuple y est naturellement bon, paisible, éloigné de tout ce qui est tumulte ».
Le but de ce livre est de raconter lʼun de ces moments : une révolte, bavarde, secrète comme le sont tous les faits divers. En 1750, Paris sʼinsurge contre ses gouvernants et sa police que lʼon accuse de voler des enfants et de les faire disparaitre.
La révolte sʼinscrit dans le registre ordinaire des rapports ambigus que le peuple entretient avec lʼautorité publique.
[...] Le commissaire nʼassumant pas son rôle du fait de la peur de la violence, on découle naturellement sur un massacre public. La crise de lʼautorité instituée se soldant par le meurtre public de Labbé. La foule rend sa propre justice. X. Le fait et le bruit ! Il est en réalité difficile de dresser un bilan factuel des événements de 1750. On a plus cherché à évaluer les responsabilités, en particuliers des émeutiers, quʼà en expliquer les raisons. De plus, lʼaffaire des enlèvements dʼenfant fut tellement gonflé par les rumeurs quʼelle en fut remise en cause par certains contemporains. ! [...]
[...] Une fois encore, la ville est malade de ses pauvres. Deux ans plus tôt, en 1747-1748, la disette a jeté sur les routes le cortège accoutumé des affamés et des mendiants dont beaucoup ont finit dans la capitale. Ces vagabonds suscitent lʼinquiétude. Comme depuis déjà le MA, on publie des ordonnances pour inciter la police à sévir : entre décembre 1749 et avril 1750, répression énergique et réponse des Parisiens qui lʼest tout autant. Le bruit court que la police ne se contente pas dʼarrêter les mendiants mais fait disparaitre également des enfants. [...]
[...] La foule existe, mais sans projet et seulement pour se donner. ! Dʼautres historiens en proposent une lecture diamétralement opposée. Dans lʼaventure collective dʼune révolte, ils cherchent à prouver la lucidité des acteurs en en donnant une explication par lʼidentité sociale. ! Lʼauteur cherche lui à nuancer ces deux positions en tentant de comprendre la révolte comme la recherche obstinée, tâtonnante, dʼun sens qui nʼest pas donné au départ mais qui peu à peu se découvre. ! Lʼémeute attire de nombreux participants, de nombreuses classes sociales et pas seulement parce que quelques professionnels du désordre ont réussis à les attirer mais parce quʼun objectif, un langage commun, des raisons de lʼactions sʼinventent au fil de la révolte et donnent à chacun des justifications de leur action. [...]
[...] Prend lʼévénement pour lui et lui seul et non pas dans sa postérité historique. Il ne cherche pas à prévoir le futur, reste dans des cadres précis. [...]
[...] Les ordres dans la ville ! Lʼordre et la tranquillité publique ; voilà deux termes constamment invoqués par la police et le gouvernement, par la foule et par les individus. Ces valeurs sont par tous proclamés indispensables au bon fonctionnement dʼune société. Pourtant, lʼordre ne va pas de soi et le désenchantement menace à tout moment. En effet, si lʼaccord sur cette configuration est collective, les représentations nʼen sont pas unanimement partagées: ce sont bien deux versions incompatibles de lʼordre public qui sʼaffirment et se heurtent pendant ces journées de mai 1750. [...]
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