Identité européenne - citoyenneté européenne - déficit démocratique
L'auteur est directeur des recherches politiques de l'Institut d'Etudes européennes au Cevipol à l'Université libre de Bruxelles, auteurs de nombreuses contributions d'anthropologie politique appliquée à la construction européenne.
Dans cet ouvrage, il parle de « l'ambition et l'échec d'une remise en ordre » concernant en particulier le renforcement de la légitimité de l'UE avec les récents avatars constitutionnels. Il est un fait que la symbolique est à la base de cette entreprise de légitimation, à mi-chemin entre information et émotions. Or, elle a longtemps été sous-estimée dans le cadre de la construction européenne, aussi bien de la part des praticiens que des théoriciens de l'Europe. C'est pourtant un enjeu de pouvoir, un processus de socialisation, de justification et de mobilisation qui peut servir à « légitimer l'Europe » suivant l'axiome, repris par l'auteur, « gouverner, c'est paraître » (Jean-Marie Cotteret). Il faut rappeler un cas particulier concernant l'UE : les grilles d'interprétation du symbole européen restent nationales (changement « européen » d'un côté, tradition « nationale » de l'autre). De fait, les constructeurs de l'Europe ont une volonté de « nation-building » dans leur entreprise, mais en cachent l'ambition (dont l'absence est même soigneusement mise en scène). Cela dit, il faut tenir compte d'un fait lourd : tout pouvoir est vertical et « fait centre ». Cette vérité est difficile à assumer de nos jours, et même à l'échelle nationale, où les liens traditionnels se défont au profit de l'individu. L'UE n'est donc pas seule en jeu dans cette remise à plat du paysage politique et symbolique des Européens.
[...] Sans majorité, on ne peut que tenir des déclarations d'intention. De même, le rapport au temps enlève pas mal d'affectif, puisqu'on se situe en priorité dans le présent, et tourné vers l'avenir. De manière générale, la question de la légitimité ne se pose pas, l'UE se repliant sur le système organisationnel et son mode de fonctionnement (gouvernance). La question des valeurs est évacuée au profit d'absolus comme le libre-échange ; il n'y a pas plus de justification puisque tout dérive du bon sens, de l'évidence et de l'action (suivant le schéma d'un Monnet), d'où le caractère bureaucratique d'une communication axée sur le compromis. [...]
[...] Le quatrième chapitre se focalise sur l'étude du discours et de la rhétorique institutionnelle. On ne doit pas oublier que les grands discours sur l'Europe sont d'abord le fait de grands dirigeants nationaux (Churchill à Zurich, Mitterrand au Bundestag, Thatcher à Bruges, Fischer à Berlin). De fait, comment communiquent les institutions européennes ? F. Foret s'est intéressé au Livre blanc sur la gouvernance européenne et aux publications de la Commission à destination du grand public pour répondre à cette question. [...]
[...] Certes, il y a eu des morts en ex-Yougoslavie, mais est-on bien dans la logique définie par Kantorowicz pour la patrie ? Finalement, cet emblème manque d'ennemis et se révèle trop sage pour une instrumentalisation belliqueuse. Doit-on s'en alarmer ou s'en féliciter ? Le septième chapitre s'intéresse enfin à l'euro, partant du principe que la monnaie a un rôle social (Georg Simmel), et que l'autorité en charge de sa gestion et de son usage détient une fonction politique et symbolique très forte. [...]
[...] L'UE n'est donc pas seule en jeu dans cette remise à plat du paysage politique et symbolique des Européens. Le premier chapitre part du concept d'« Europe des projets lié au pragmatisme et au fonctionnement institutionnel qui ont fait l'Europe, et où les aspects économiques jouent un rôle important. Les tentations de la rationalisation, qui ont accompagné cette démarche logique et auto- entretenue dès le départ (fonctionnalistes, néo-fonctionnalistes), sont aujourd'hui peu crédibles, où les luttes politiques et les rapports de force autour de l'économie reviennent en scène de manière très vive, dans le même temps où les apports de l'UE aux citoyens semblent abstraits ou indirects. [...]
[...] Des programmes d'échanges existent, mais pas des programmes scolaires. L'auteur montre d'ailleurs combien la socialisation voulue par Erasmus n'est pas forcément celle que l'on attend, et que le recrutement reste confidentiel (pp.75-76) ; il signale également les ratés de l'audiovisuel (Eurikon, Europa TV) qui ont abouti à des coproductions et des échanges, mais qui restent marqués par les mécanismes de l'économie plus que par une logique de construction d'identité (exception d'Arte). De leur côté, le football et l'Eurovision réactivent plus les appartenances nationales que le renforcement d'une identité européenne. [...]
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