En fait, Robespierre est-il un homme des Lumières ? Par ses origines sociales, il ressemble plus à un Rousseau ou à un Diderot, issus de milieux modestes, qu'à un Voltaire, un Montesquieu ou un Condorcet, beaucoup plus aisés. L'Incorruptible a certes lu et relu Rousseau, qu'il vénère littéralement. Chez Rousseau comme chez Robespierre, et c'est absolument fondamental, le mal n'est jamais intériorisé : « l'homme est bon par nature, mais la société l'a perverti ». Surtout, Robespierre est animé d'une foi, d'une religion intérieure qui sanctifie la Raison et la Vertu (« la vertu de l'exemple et l'exemple de la vertu »). Certaines de ses idées généreuses s'apparentent directement aux Lumières, comme sa volonté d'abolir la peine de mort dans un discours du 30 mai 1791 (le lecteur averti de la suite des événements ne peut s'empêcher de sourire). Il reprend à son compte la souveraineté populaire des philosophes : « les gouvernements sont établis par le peuple et pour le peuple ».
[...] Très vite, le solitaire Maximilien, en proie au deuil et à l'abandon, (abandon auquel certains ont attribué sa haine de la corruption, des manquements et trahisons), se réfugie dans l'étude (il est nourri de Rousseau). Gros travailleur, il bénéficie d'une bourse, intègre Louis le Grand en 1769 (où il rencontre Desmoulins) et devient un élève brillant, ce qui lui vaut le privilège d'adresser une louange à Louis XVI. Humilié par ses condisciples à cause de ses souliers troués, le Justicer-Médecin l'homme qui instaurera les tribunaux révolutionnaires nourrit un désir personnel de vengeance. [...]
[...] Ambitieux, susceptible, attaché à son amour-propre, austère, rigide, paranoïaque, insensible, et dénué d'autodérision, Maximilien chérit par-dessus tout la vertu : il écrira en 1783 que celle-ci produit le bonheur comme le soleil produit la lumière, tandis que le malheur sort du crime comme l'insecte impur naît du sein de la corruption La vertu, il la pratique à l'extrême et mène une vie droite et chaste ; en fait, il n'a aucune vie privée et se consacre tout entier à la chose publique. Les remords lui sont étrangers. Un exemple parmi mille : il fera guillotiner son ami d'enfance Camille Desmoulins et sa femme Lucile, alors qu'il était le parrain de leur fils . Son seul talon d'Achille : il supporte très mal le ridicule . Robespierre n'était pas du tout révolutionnaire dans sa jeunesse : dans un écrit de 1785, il refuse une révolution générale souvent dangereuse et s'en remet à l'autorité royale. [...]
[...] Pour lui, attaquer la spiritualité, c'est attaquer la morale, donc affaiblir la vertu. De ce point de vue, notre homme est bien plus proche de la philosophie stoïcienne (il rêve d'un martyre) que de celle des Lumières. Robespierre reprend par ailleurs l'universalisme dont on sait qu'il caractérise les Lumières ; il partage la vocation universelle de la Révolution : les pays d'Europe doivent laisser en paix la nation française qui défend la cause de l'humanité et à qui elles devront leur bonheur et leur liberté Cette vision messianique du modèle français à faire partager à tous n'est-elle pas dans la lignée des Lumières ? [...]
[...] La figure préférée de notre personnage, c'est celle du martyr : il s'identifie aux héros grecs et, si les Girondins, les Thermidoriens et même Michelet ont vu en lui un couard, Maximilien n'est pas un lâche : il rêve simplement d'une Belle mort Robespierre mène une politique de gauche ; s'il est loin du précurseur du communisme que certains ont voulu voir en lui, il prend néanmoins quelques mesures sociales : construction de greniers pour stocker le blé, peine de mort pour les spéculateurs, mesures contre la famine, loi fixant le maximum du prix du grain, taxation forcée des riches, etc. On évoque même la construction de écoles primaires. Mais en aucun cas il ne sera question de réforme agraire. [...]
[...] Il se lance en politique avec la convocation des Etats généraux (qui se réunissent le 5 mai 1789) et se fait élire député du Tiers d'Arras. À Versailles, le 17 juin, il participe à la constitution du Tiers Etat en Assemblée nationale et aux premières avancées (serment du jeu de paume, abolition des privilèges, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen . Pendant un certain temps, l'équilibre sera préservé entre ces deux pôles de la politique révolutionnaire : l'officieux (clubs, sections . [...]
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