Souhaitant écrire une étude « d'histoire sociale » qui serait une « investigation dans la Préhistoire de l'Holocauste » , David H. Weinberg, actuellement directeur du Centre d'études juives de la Wayne State University de Détroit, nous présente ici une version remaniée de sa thèse de doctorat soutenue à l'Université du Wisconsin en 1971 : c'est précisément parce qu'il déplorait alors le manque d'intérêt pour la période de l'entre-deux-guerres de la part de nombreux historiens du judaïsme français que son attention s'est concentrée sur les attitudes des Juifs parisiens face aux événements tragiques que connut l'Europe, de l'accession d'Hitler au pouvoir en 1933 jusqu'au déclenchement de la guerre à l'été 1939. D. H. Weinberg considère en effet dans cet ouvrage que la communauté juive parisienne, située au troisième rang mondial derrière New York et Varsovie en terme d'importance numérique, représentait à l'époque un microcosme des attitudes juive européennes, puisqu'elle présentait l'originalité d'être composée d'Israélites installés en France depuis plusieurs décennies et de Juifs ayant immigré plus ou moins récemment, la plupart en provenance d'Europe centrale et orientale. L'auteur paraît également avoir fait le choix de se situer quelque peu en marge du débat sur la réponse juive au nazisme, organisé autour des notions de passivité et de résistance physique, en mettant en lumière avant tout les réactions psychologiques et la conscience du danger des membres d'une communauté qui disposait de peu de moyens d'action pour contrer les forces hitlériennes destructrices.
Concernant la méthode historique elle-même, D. H. Weinberg a utilisé les journaux juifs de l'époque comme sources principales : on peut citer du côté des Juifs français, l'Univers israélite, les Archives israélites de France, ou encore la Revue juive de Genève. Le Journal Juif, Samedi et Affirmation représentent quant à eux de précieux vecteurs d'informations pour l'immigration de langue française, tandis que le Pariser Haint, prosioniste, la Naïe Presse, communiste, et le journal Unzer Stime, bundiste, incarnent la diversité des options idéologiques de la communauté juive immigrante. Ce choix de l'auteur concernant les sources nous permet de signaler la difficulté d'une telle étude étant donné l'importance des destructions d'archives d'immigrés notamment, ainsi que leur éparpillement. Songeons aussi que la méthode de l'entretien oral n'a pu apporter pleine et entière satisfaction à l'historien qui a dû faire face à la disparition de nombreux dirigeants de la communauté juive de l'époque, ainsi qu'aux souvenirs souvent lacunaires des survivants, peinant parfois à se projeter près de quarante ans en arrière.
[...] C'est ainsi que le Consistoire se rapprocha de la droite après le 6 février 1934, par crainte de la xénophobie des émeutiers et par désir de prouver que le judaïsme n'était pas assimilable aux forces révolutionnaires. Après 1936 en revanche, c'est cette même xénophobie qui le poussa à prendre ses distances avec des mouvements patriotes comme les Croix de feu ou l'Union patriotique des Français Israélites. La tension qui existait entre le souhait des Israélites de répondre aux problèmes posés par l'antisémitisme et leur volonté de ne pas jeter de lumière trop vive sur la communauté se reflétait également dans leur façon de traiter la question des victimes et réfugiés juifs du nazisme : c'est ainsi que le comité d'aide créé à partir de 1933 avait aussi pour objectif de centraliser les demandes auprès du gouvernement français, de façon à ne pas se l'aliéner en cette période d'antisémitisme. [...]
[...] Weinberg s'appuie en effet sur la réaction des Juifs parisiens à l'explosion d'antisémitisme du début de l'année 1938. Aucun tollé : signe s'il en est de la peur des réactions xénophobes françaises et de la conscience de la futilité d'une quelconque action. En mars, l'annonce de l'Anschluss, en plus d'inquiéter fortement la communauté au sujet de l'avenir des Juifs en Europe, relança le débat sur la nature de l'identité juive, dont la définition sécularisée qu'avaient mise en avant jusqu'ici les Juifs assimilés était remise en cause par l'idéologie nazie et sa conception raciale. [...]
[...] Les Juifs à Paris de 1933 à 1939, de David H. Weinberg Une tentative d'éclairage d'un tournant de l'histoire juive moderne Souhaitant écrire une étude d'histoire sociale qui serait une investigation dans la Préhistoire de l'Holocauste David H. Weinberg, actuellement directeur du Centre d'études juives de la Wayne State University de Détroit, nous présente ici une version remaniée de sa thèse de doctorat soutenue à l'Université du Wisconsin en 1971 : c'est précisément parce qu'il déplorait alors le manque d'intérêt pour la période de l'entre-deux-guerres de la part de nombreux historiens du judaïsme français que son attention s'est concentrée sur les attitudes des Juifs parisiens face aux événements tragiques que connut l'Europe, de l'accession d'Hitler au pouvoir en 1933 jusqu'au déclenchement de la guerre à l'été 1939. [...]
[...] Or, des travaux universitaires ultérieurs, à commencer par l'ouvrage de Paula Hyman[6], ont dressé un tableau moins pessimiste du judaïsme français, mettant davantage en valeur la complexité des comportements : mais là encore, c'est la division communautaire qui est pointée du doigt pour expliquer l'échec à s'opposer à l'antisémitisme et à mener une action efficace concernant les différents enjeux liés à la question juive Pensons enfin aux recherches plus récentes de Simon Epstein dont la thèse sur les institutions israélites durant les années trente battit en brèche cette tradition historiographique incriminant la passivité des Juifs français avant la guerre[7], sans doute parce que ces travaux n'appartenaient plus à la génération d'historiens quelque peu prisonniers d'un parti pris téléologique. L'ouvrage de D. H. [...]
[...] Le déclin du Front populaire juif fut finalement précipité par l'abolition de la sous-section juive du Parti Communiste Français en 1937. Le conflit des communistes juifs partagés entre leur responsabilité en tant que membres de la sous-section juive du PCF et leur leadership au sein de la communauté immigrante venait d'éclater au grand jour, et l'éventualité d'une unification de la communauté juive immigrante semblait sombrer par la même occasion. Selon D. H. Weinberg, la dissolution du Front populaire juif marqua la fin d'une protestation juive active dans la communauté parisienne : les réactions aux évènements de 1938 et 1939 ne semblent pour lui que des appels désespérés au gouvernement français, du fait de la nécessité de se préparer psychologiquement au pire. [...]
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