Le monument aux morts, au centre de Washington, porte 58 000 noms sur son mur de marbre noir. Des centaines d'Américains viennent chaque jour se recueillir, soit pour se rappeler un proche, soit pour essayer de prendre la mesure d'une guerre qui a profondément marqué le peuple américain : la plus longue menée par les USA (officiellement de 1964 à 1972). C'est aussi la première défaite des USA, une humiliation lorsque les soldats doivent fuir devant la victoire du Nord ; ils ne pourront amener avec eux que quelques milliers des Vietnamiens qui leur avaient fait confiance. L'image du dernier hélicoptère s'élevant du toit d'un bâtiment, des hommes accrochés à ses patins, est
restée dans bien des mémoires.
La société américaine a été profondément marquée, tant sur le moment, qu'ensuite par les traces que la guerre a laissées. La guerre a provoqué de nombreuses divisions, comme la guerre de Sécession, dans les familles, les partis, les générations. Le pays a été
durement ébranlé par la fin des certitudes et les nombreuses manifestations de jeunes. Les USA vont aussi souffrir de leur image de monstre : déversant plus de bombes que sur l'Allemagne en 1939-1945, ils seront contestés, y compris de l'intérieur, et mis en
accusation plus que jamais auparavant.
Ces grands mouvements ont cessé, mais ils expliquent que l'impact sur la société ait été profond et durable. D'autant plus que les années soixante ont aussi connu les émeutes urbaines dans le Nord, la fin de la ségrégation dans le Sud, les revendications ethniques ou féministes, la conquête de l'espace ou l'émergence de la musique rock. Ensuite, les
difficultés économiques et la guerre froide ont détourné les regards ; mais le traumatisme
est resté. Pourtant, les conscrits, loin d'être envoyés en masse, n'ont connu que relativement peu de pertes. Puis, une étrange forme d'auto-justification est arrivée : les boat-people prouvaient le péril communiste. Ainsi, les controverses n'ont pas cessé.
Le conflit s'est donc peu à peu imbriqué dans une société d'abord peu concernée.
L'impact du désastre vietnamien sera alors profond et durable, bien au-delà de la guerre elle-même.
[...] Toutefois, le contraste est saisissant pour la population vietnamienne. Malgré ces limites, la guerre du Vietnam est devenue le souci premier des Américains jusqu'à la fin de 1973. Les USA ont été profondément secoués par ces années faites d'espoir et d'angoisse, le pays reste traumatisé et divisé par la première réelle humiliation de son histoire, par une guerre qui signifie une remise en cause de certaines des valeurs et des certitudes auxquelles il est attaché. Cela explique que la signature attendue de la paix n'ait pas marqué la fin de la pénétration de la guerre du Vietnam dans la société américaine. [...]
[...] Par contre, des forces spéciales (bérets verts) vont former l'armée vietnamienne à la contre-guerilla. Kennedy augmente aussi le nombre de conseillers américains. De même, les livraisons de matériel sophistiqué s'accélèrent, en particulier des hélicoptères. La situation se complique avec les infiltrations d'unités de l'armée du Nord-Vietnam dans les campagnes du Sud. Et même, des défaites surviennent lorsque les Vietcongs trouvent des moyens de contrer la puissance technique américaine l'émergence du Vietnam dans l'opinion américaine. La situation au Vietnam est évoquée dans la presse américaine, mais un flou considérable l'entoure. [...]
[...] La presse n'insiste plus sur les victoires, comme avant 1968, mais sur la dureté de la guerre. Life publie les photos de 242 GI's morts la semaine précédente. Mais le mouvement contestataire s'étiole. Woodstock, en août 1969, contraste avec la maigreur des effectifs des manifestations contre la guerre les mois précédents. Mais l'idée d'une grève générale est lancée (Moratoire) et rassemble le 15 octobre des milliers de personnes dans les grandes villes et les établissements scolaires des petites. Le succès est considérable. [...]
[...] Nixon accuse les contestataires de jouer le jeu du Nord, pour mieux les marginaliser. Plus de la moitié des Américains ont condamné le Moratoire et la marche sur Washington pensent que les manifestations ont retardé les chances de paix et apporté une aide à Hanoï. Ainsi Nixon l'a emporté sur le plan intérieur en s'associant à une majorité silencieuse qui ne veut plus de manifestations ni d'affrontements. En revanche, sa détermination devant Hanoï trouve ses limites dans le pacifisme dominant. [...]
[...] Jacques Portes, Les Américains et la guerre du Vietnam INTRODUCTION Le monument aux morts, au centre de Washington, porte noms sur son mur de marbre noir. Des centaines d'Américains viennent chaque jour se recueillir, soit pour se rappeler un proche, soit pour essayer de prendre la mesure d'une guerre qui a profondément marqué le peuple américain : la plus longue menée par les USA (officiellement de 1964 à 1972). C'est aussi la première défaite des USA, une humiliation lorsque les soldats doivent fuir devant la victoire du Nord ; ils ne pourront amener avec eux que quelques milliers des Vietnamiens qui leur avaient fait confiance. [...]
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