Dans cette Introduction, Christophe Studeny rappelle que l'espace et le temps ne sont pas des données fixes, autrement dit : que la vitesse a une Histoire. Aux bouleversements politiques, sociaux et économiques des trois derniers siècles, on oublie fréquemment d'ajouter la dimension cinétique. Or l'Histoire des trois derniers siècles peut se lire comme celle de l'invention de la vitesse, de la diffusion et de la généralisation de la vitesse. Durant cette période, très brève au regard de l'Histoire de l'humanité, l'Homme s'est arraché à une lenteur millénaire pour plonger dans le tourbillon d'une vie effrénée – évolution qui se poursuit aujourd'hui, non pas tant dans le monde des transports que dans celui des communications.
Face à ce manque, l'auteur se propose de revenir sur l'Histoire de la vitesse, qu'il analyse comme une construction sociale. Selon lui, « [l]a vitesse ne se présente ni comme un besoin inscrit dans la longue durée ni comme une conséquence récente du machinisme. Elle fut d'abord rêvée, revendiquée, puis conquise. Il faut débusquer la prise d'élan en sa tanière, le repaire enfoui d'un monde que nous avons perdu où le besoin de rapidité puise ses racines. » (p.10)
[...] L'invention de la vitesse, de Christophe Studeny L'auteur Docteur en Histoire et agrégé d'éducation physique, Christophe Studeny enseigne à l'École des hautes études en sciences sociales depuis 1991. Il s'est spécialisé dans l'Histoire des modes de transport. Autres ouvrages Thèse soutenue en 1990 à l'EHESS : Le Vertige de la Vitesse ; l'accélération de la France. 1830-1940 (sous la direction d'Emmanuel Le Roy Ladurie). Remarques Cet ouvrage revient sur l'émergence et le développer de la culture de la vitesse en France entre la fin du dix-huitième siècle et le milieu du vingtième siècle. [...]
[...] Ces craintes ne résistent pas cependant à l'immense intérêt économique représenté par le chemin de fer et à la politique planificatrice autoritaire du Second Empire, qui achève en quelques années la carte ferroviaire, décidée en 1842 par la Monarchie. Les résultats sont rapides. La hausse de la mobilité générale de la population est sans précédent (p. 155). Le chemin de fer modifie également la physionomie des villes, qui s'ouvrent ; à Paris, l'arrivée du train marque le développement des banlieues, facilitent un tourisme de proximité. [...]
[...] Élargir l'horizon Comme toutes les révolutions, la révolution cinétique suppose pour réussir la réunion d'un certain nombre de conditions sociales. C'est en effet à la faveur du lent effacement de l'aristocratie au profit de la bourgeoisie que la vitesse devient une exigence. En effet, La noblesse [du XVIIIe siècle] délaisse la selle pour les fondements du luxe et de la marche posée du prestige. L'élégance est, plus que la vitesse, le ressort de l'attelage. (p. 53) Difficile à atteindre, dangereuse, la grande rapidité sur les routes semble inconvenante. (p. 54). [...]
[...] La marche palpe la carcasse des lieux. Dès lors, dépit des apparences, l'enjambée ne mesure pas des écarts, comme un compas de proportion, elle noue des liens musculaires avec les lieux, et lie, foulée après foulée, l'unité du local. (p. 18.) Le local contre le national La France du dix-huitième siècle, longue et large de six semaines en carrosse, est presque une abstraction pour la grande masse de ses habitants, paysans ancrés dans un terroir se limitant le plus souvent à leur paroisse et à la ville où ils écoulent leurs excédents agricoles sur les marchés. [...]
[...] La politique de grands travaux achève la modernisation de la capitale, dont les nostalgiques déplorent la perte du charme médiéval. Il est vrai que [l]'isolement, le recueillement, la pause deviennent plus difficiles avec la tyrannie du tourbillon, l'effervescence oppressive des masses. (p. 200). Les objectifs des travaux haussmanniens sont d'ordre à la fois sécuritaire et hygiéniste : la largeur des boulevards permet de laisser circuler l'air, la lumière et les véhicules, mais également les troupes. Aux travaux de surface, fait écho la mise en place d'un système d'égouts (p. [...]
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