Histoire de la lecture dans le monde occidental, Guglielmo Cavallo et Roger Chartier (dir.)

Résumé du document

A l'enseignement de Platon, dispensé oralement, a succédé au fil des siècles la nécessité d'avoir recours au livre. La lecture intensive est de mise au Moyen-âge, caractérisée par un corpus de textes disponibles restreint, transmis de génération en génération, accessible uniquement aux classes supérieures de la société. Les lecteurs intensifs apprenaient ce panel par cœur, lisaient et relisaient les ouvrages. Puis la lecture extensive se développe avec l'apparition d'une sphère et d'une opinion publique au siècle des Lumières, la multiplication des écrits permet aux lecteurs d'élargir leurs horizons. Issu de cette tradition des Lumières, et marqué par les événements et revendications révolutionnaires (liberté d'opinion, d'expression, entre autres), le XIXe siècle marque un véritable tournant dans les habitudes de lecture. Apparaissent alors de nouveaux types de liseurs (femmes, enfants, ouvriers), ayant un accès plus aisé à la chose écrite, du fait du développement de la presse ou des bibliothèques de prêt. On parle d'ailleurs du XIXe comme siècle de la presse. Les habitudes changent et la lecture, le savoir, apparaissent comme les facteurs nécessaires à l'émancipation et à la modernisation sociale.
Quels sont les enjeux liés au développement de la lecture au cours du XIXe siècle ?
Ce développement de la lecture au XIXe siècle est lié à certains facteurs objectifs, et s'accompagne de plus d'enjeux économiques et sociaux.

Extraits

[...] Les revendications qui en découleront (ouvrières ou féministes) aboutiront à d'importants progrès tout au long du XXe siècle. [...]

[...] L'expansion du public des lecteurs s'est accompagnée d'un développement de l'enseignement primaire, en parallèle, et non a priori. La loi Guizot (1833), les Lois Ferry (années 1880) vont largement contribuer à l'essor de l'enseignement primaire en France. Les lois sur la scolarisation gratuite et obligatoire entraîneront une scolarisation massive des enfants. En Angleterre, les Education Acts auront un impact similaire. Rappelons que les enfants d'ouvriers avaient partiellement, voire pas du tout accès à l'enseignement, jusqu'à ces lois. De plus, avant leur application, les conditions d'enseignements n'étaient pas propices aux progrès. [...]

[...] A la suite de ces changements, entre autres, le statut d'enseignant est amélioré, des écoles normales d'instituteurs sont créées. Parallèlement au développement de l'enseignement primaire va se développer le lectorat des enfants. Bien qu'un certain retard féminin dans le domaine de l'éducation persiste jusqu'au milieu du XIXe siècle ; l'écart entre taux d'alphabétisation des hommes et des femmes tend nettement à diminuer et disparaît totalement à la fin du siècle. En millions de petites Françaises vont en classe. Cette évolution se fait également en même temps que la féminisation croissante du public des lecteurs. [...]

[...] Un développement du nombre de lecteurs dû à des facteurs objectifs On observe généralement en France un important développement de l'instruction, et une baisse de l'analphabétisme depuis le début du XIXe siècle. Ces progrès de l'alphabétisation sont dus à deux facteurs principaux. D'une part aux progrès de l'enseignement, et d'autre part au progrès technique. Les progrès enregistrés à l'époque vont faire apparaître trois nouveaux types de lecteurs : les femmes, les enfants et les ouvriers. Les progrès techniques sont l'imprimerie, mais également les moyens de transport. Les marchés s'étendent. Les modes de lecture se diversifient : on pouvait louer le journal dans les kiosques, cafés, bibliothèques. [...]

[...] On observe une forte demande d'éducation des adultes dans la classe ouvrière. Lorsque l'on observe les chiffres, on remarque que les usagers des bibliothèques populaires de Paris sont d'abord des employés, commis mais les ouvriers avec 13,5% fréquentent plus que les commerçants, artisans, ou même que les professions libérales et enseignants. II. Des politiques éditoriales nouvelles, la lecture comme enjeu économique Ces nouveaux types de lecteurs deviennent des enjeux importants pour les éditeurs (devenus professionnels) qui font paraître de nouveaux types d'écrits bon marché, accessibles aux classes populaires et aux femmes. [...]