L'ouvrage "Gustave Hervé, itinéraire d'un provocateur" est l'adaptation de la thèse de Gilles Heuré, "Gustave Hervé, un propagandiste sous la IIIe République". Dès l'introduction présentant à la fois le personnage iconoclaste mais aussi les objectifs de ce travail, on retrouve les traits des thématiques qui portent les différents écrits de l'historien. L'auteur est à la fois chargé de cours, journaliste, et surtout un spécialiste des sciences de l'information, ce qui se retrouve particulièrement bien ici. Gilles Heuré semble s'être particulièrement intéressé aux hommes «dérangeants» et singuliers de la période, en témoigne ses recherches sur Gustave Hervé, mais aussi sur Léon Werth L'insoumis, qui constitue une figure de l'anticolonialisme et de l'antimilitarisme. Le personnage de Léon Werth est à mettre en lien avec Gustave Hervé, car l'ouvrage "L'insoumis Léon Werth 1878-1955" cherche à mettre en exergue à la fois les doctrines de ce propagandiste (tout comme Hervé), mais aussi son caractère particulier, aux convictions inébranlables et aux positions assurées (à la différence de la personne changeante qu'est Gustave Hervé, tout au moins dans son imaginaire politique. L'ouvrage montre de même le caractère polémiste de Werth, encore une fois très proche de Gustave Hervé, concentrant sur lui à la fois toutes les passions mais aussi toutes les haines. Un autre parallèle possible à établir entre les deux biographies réside dans la volonté de ces deux personnalités actives dans la vie politique de ne pas s'en tenir à des seules réflexions et commentaires intellectuels, dénués de tout lien à la réalité, et de militer de toutes les manières (et pour les deux par une utilisation importante de l'art oratoire et de la presse) pour mettre en mouvement les sociétés.
[...] Un rapport à la religion permanent et déterminant Le jeune Hervé baigne en effet dans un milieu plus ou moins empreint de religion. Comptant des prédicateurs dans sa famille, il est dès son enfance sensibilisé au message religieux, dans une région pourvoyeuse de prêtres Il obtient son premier poste en tant que surveillant dans un collège religieux. A posteriori, il qualifie ses séjours en prison de séjours monastiques Hervé meurt en 1944 en psalmodiant saint Paul un crucifix sur la poitrine entouré de moines maristes. [...]
[...] En témoignent ses correspondances avec Clémenceau, Lénine, Mussolini, Hitler, mais aussi son entrevue avec Poincaré, et les liens puissants tissés avec Jaurès et Briand. On peut enfin mentionner son incessant duel avec l'écrivain Charles Péguy, au cours duquel il répond au nationaliste et à l'ouvrage Notre Patrie (1905) par un article intitulé Leur Patrie (1910). Irrévérencieux et instable à souhait, Hervé cristallise donc toutes les passions politiques, attirant à la fois la haine des autres mouvances politiques, et la fascination de ses adversaires directs. [...]
[...] L'ouvrage progresse de manière chronologique, mais avec un certain retour vers le passé à chaque nouveau chapitre (par exemple à Hervé l'emmuré emprisonné jusqu'en 1912, se superpose l'insurrectionnel à partir de 1908). Chaque chapitre est porté par un titre représentant Hervé, symbolique de son parcours : Le conférencier, l'avocat, l'insurrectionnel par exemple. Ce chapitrage est très proche de titres ou manchettes de presse. Ces différentes qualifications de Gustave Hervé permettent de suivre son parcours dans son évolution doctrinale, de l'extrême gauche à l'extrême droite. L'ensemble des sources utilisées par Gilles Heuré est aussi très significatif du personnage décrit ici. [...]
[...] Dès lors se développe chez Hervé une sorte de mystique autour de la notion de patrie, mystique caractérisée par l'attachement à divers symboles de l'histoire française. Ainsi Hervé se place-t-il au départ en antipatriote déterminé, en tant que révolutionnaire convaincu : administration et Etat sont pour lui des entités que le peuple (le prolétariat, mais aussi les professions libérales, qu'il rassemble parfois lors de ses meetings) se doit de renverser. L'expression phare du drapeau dans le fumier caractérise clairement son rejet de l'histoire patriotique française : iconoclaste à ses débuts, Hervé tourne sa veste rouge pour en montrer la doublure tricolore (Fraval) dès le début de la 1re Guerre Mondiale. [...]
[...] La deuxième partie de ce compte-rendu est consacrée à la carrière mouvementée d'Hervé, entre avocat, professeur, et journaliste. Enfin, la troisième partie portera sur le rapport entre Hervé et les contingences concrètes, à savoir localisation, époque et chocs. Influence des origines de Gustave Hervé A. Un rapport fondateur à la patrie Né dans un milieu traditionaliste et modeste breton (travailleurs, prédicateurs, cultivateurs), avec un frère militaire, Hervé baigne dès son enfance dans un milieu marqué par les racines, la terre et donc la patrie. [...]
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