Raphaëlle Branche est actuellement maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l'université Paris I- Panthéon Sorbonne. Elle a soutenu sa thèse d'histoire sous la direction de Jean-François Sirinelli en 2000 à l'IEP de Paris, à propos de « L'armée et la torture pendant la guerre d'Algérie. Les soldats, leurs chefs et les violences illégales ». C'est donc une spécialiste de cette période qui nous en fait découvrir les arcanes historiographiques.
A travers ce numéro de la série « Histoire en débats », R. Branche cherche à nous rendre attentifs aux difficultés que l'objet historique « Guerre d'Algérie » a connues jusqu'à aujourd'hui. Son étude s'établit à la fois dans la société française, mais aussi du côté algérien. Elle part du constat criant d'un lien fort entre ce sujet d'histoire et l'actualité. On peut penser récemment à la loi mémorielle de 2005 au sujet du rôle positif de la colonisation et des harkis et supplétifs de l'armée française qui a soulevé de nombreux questionnements en France. Ces liens entre histoire et actualité ont pourtant façonné les deux pays depuis 1962, entraînant la construction d'une histoire « en débats ». Et, point essentiel, les historiens n'ont été dans ce débat qu'une voix parmi d'autres : les acteurs de l'époque, les membres de la société civile, les politiques ont tous voulu orienter ces questionnements à propos de cet épisode récent qui a marqué leur histoire. Face aux nombreux clichés encore tenaces sur la période (des « tabous » cachés par le régime, des kabbales secrètes, des entraves à la recherche…), l'historien se doit d'avoir le regard le plus impartial possible afin de démêler le vrai du faux, la réalité du fantasme, l'histoire de la mémoire… Car il lui faut étudier les relations de la société française vis-à-vis de ce passé afin de comprendre sa situation et ses émotions actuelles. Il lui faut prendre conscience des risques de pression exercée et par la société et par l'Etat, de part et d'autre de la Méditerranée, même si ces pressions sont implicites et peuvent parfois paraître légitimes.
A travers ce sujet, nous entrons de plain pied dans les méandres de l'histoire du Temps présent, soumise à la lecture critique des contemporains, souvent eux-mêmes acteurs, et aux nombreux débats qui en découlent. En ce qui concerne la « Guerre d'Algérie », l'année 1992 marque une étape importante dans ce flux de recherche et de réflexion, avec l'ouverture plus large des archives ; cela a encore augmenté le nombre de regards différents sur cet objet que l'on voudrait historique. La place des sources et leur ouverture constituent de ce fait un point important à étudier dans le rapport de l'histoire à la définition de cet objet. C'est pourquoi il faudra aussi nous pencher avec R. Branche sur l'historiographie et l'accouchement lent et douloureux d'une histoire libérée des pressions sociales et mémorielles exercées sur elle depuis la guerre.
Nous pouvons alors suivre le déroulement de la pensée de R. Branche : elle s'attaque en premier lieu au poids de la demande sociale et des groupes mémoriels sur l'histoire, pour ensuite se demander si une histoire digne de ce nom est possible, malgré les différents obstacles que nous avons évoqués. L'étude des sources potentielles pour la construction historique en est un des éléments clés, mais ce n'est pas le seul : nous verrons en dernier lieu comment les sociétés française et algérienne ont donné naissance à des études d'historiens et d'autres chercheurs qui tentent, tant bien que mal, de faire convenablement leur métier. Ils sont aidés en cela par les apports d'historiographies étrangères, peut-être moins partisanes au premier abord, mais elles aussi soumises à certains problèmes inhérents à la construction historique, en particulier en ce qui concerne les catégories utilisées. Tous ces éléments devront être abordés pour dresser un portrait pertinent de la recherche historique face à l'histoire du Temps présent.
[...] Chapitre 3 : Le compagnonnage de l'histoire avec la mémoire R. Branche termine cette partie sur les sources pour une histoire de la Guerre d'Algérie en s'intéressant de plus près au rôle que les mémoires des différents acteurs peuvent jouer dans le travail historique. Face à l'augmentation des récits autobiographiques depuis 1962, que ce soit des partisans de l'Algérie française, d'anciens officiers, des hommes politiques, l'historien doit être conscient de la grande place de l'autojustification dans de tels écrits mais ne doit pas les évacuer pour autant, car ils recèlent fréquemment des documents inédits et des visions novatrices à prendre en compte par l'histoire. [...]
[...] R. Branche souligne alors que l'étude de cette dimension personnelle dans la recherche permettrait d'éclairer les angles d'approche de la Guerre d'Algérie et l'image que les historiens se sont faits de leur métier. C'est à ce moment que l'on peut alors s'intéresser à la dimension générationnelle de ces chercheurs. On le voit pour Antoine Prost ou R. Bonnaud, ou encore A. Rey-Goldzeiguer et C-R Ageron, F. Colonna, A. Nouschi et B. [...]
[...] "La guerre d'Algérie, une histoire apaisée Raphaëlle Branche Introduction Raphaëlle Branche est actuellement maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l'université Paris Panthéon Sorbonne. Elle a soutenu sa thèse d'histoire sous la direction de Jean-François Sirinelli en 2000 à l'IEP de Paris, à propos de L'armée et la torture pendant la guerre d'Algérie. Les soldats, leurs chefs et les violences illégales C'est donc une spécialiste de cette période qui nous en fait découvrir les arcanes historiographiques. A travers ce numéro de la série Histoire en débats R. [...]
[...] En parallèle, on assiste à un rapprochement entre l'Etat français et l'Etat algérien, concrétisé symboliquement par la visite du président algérien à Paris en 1983 et l'exécution de l'hymne officiel algérien, ex-hymne du FLN, de manière officielle. La question de l'amnistie est de tout première importance dans ce cadre de réconciliation nationale : en plusieurs étapes, elle aboutit à une amnistie totale en 1982. Le gouvernement socialiste met aussi au même moment ce sujet dans les programmes scolaires, autre moyen d'apaiser les tensions mémorielles. [...]
[...] Deuxième partie : Quelles sources pour quelle histoire ? Après avoir souligné ces nombreux points de friction entre l'histoire, les groupes mémoriels, la demande sociale en connaissance et en reconnaissance, et la position de l'Etat et de la justice, R. Branche s'intéresse légitimement aux moyens de construire une véritable histoire de la Guerre d'Algérie aux outils possibles, et à la réalisation objective de ce travail. Chapitre 1 : Les archives, entre ouverture et dévoilement R. Branche se penche tout d'abord sur le statut de la source historique par excellence : les archives. [...]
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