[...]
Dans son ouvrage A quoi sert "l'identité nationale" ?. Gérard Noiriel revient sur les raisons de sa démission, et explique comment le thème de "l'identité nationale" est, contrairement aux idées reçues, un thème récurrent depuis les années soixante-dix et la naissance du Front National et comment il a été utilisé par Nicolas Sarkozy à des fins électorales.
L'ouvrage n'est pas seulement critique mais propose également une analyse profonde de la façon dont l'expression d' "identité nationale" est utilisée en politique et comment elle est perçue dans la population française. Il est aussi un moyen pour Gérard Noiriel de revenir sur sa profession d'historien et de montrer comment celle-ci est détournée par certains à des fins politiques.
[...]
L'expression "identité nationale" est apparue dans les années soixante-dix avec Mai 68. Elle peut se définir à partir de deux critères qui, selon Paul Ricoeur, caractérisent l'identité d'une personne : la "mêmeté" - les membres d'une nation présentent des caractéristiques communes qui les distinguent des représentants des autres nations - et la vipséité - les membres d'une nation revendiquent une même origine, permanente dans l'histoire et dont ils ont conscience. Toutefois, "l'identité nationale" n'a pas eu le même contenu selon les époques :
Au moment de sa naissance au dix-huitième siècle, "l'identité nationale" se rattache au concept de nation. Le processus identitaire résulte de "deux concurrences" : d'une part la concurrence entre les républicains - qui défendent la nation - et les monarchistes - qui refusent ce vocabulaire et d'autre part la concurrence qui se joue en Europe avec l'occupation napoléonienne et les mouvements de résistance qui s'opposent à elle.
Au début du dix-neuvième siècle, "l'identité nationale" prend une dimension culturelle : "ce ne sont pas les étrangers qui posent problème mais les classes laborieuses, qui sont perçues par les nantis comme des classes dangereuses". Ce contexte permet l'élaboration des premières définitions de l'identité nationale, notamment par Jules Michelet (...)
[...] Opportunément reçu au Journal de 20 heures de T.F.1 le 14 mars 2007, le candidat de la droite a pu imposer définitivement l'identité nationale comme thème de campagne. L'essentiel était ainsi réalisé car, dans un univers où les contraintes de neutralité apparentes sont devenues impérieuses, le principal objectif d'un candidat qui lutte pour la victoire finale, c'est de mettre au centre du débat public les thèmes qui sont les plus porteurs pour lui Les médias, et notamment deux grands quotidiens, Le Figaro et Libération, ont abondamment traité la question de l'identité nationale, chacun en fonction de leur positionnement connu sur l'échiquier politique. [...]
[...] La droite se réapproprie à nouveau la question de l'identité nationale. Dès 1983, le Front national s'impose comme un acteur politique majeur, reprenant l'idée que l'identité française est menacée par les étrangers. Deux facteurs expliquent la montée en puissance de l'extrême droite. D'une part, la représentation de la société connaît une mutation profonde : on passe d'un critère social la lutte ouvrière à un critère d'origine le travailleur immigré. D'autre part, les médias deviennent le relais d'une information spectacle que va exploiter le F.N. [...]
[...] Sous la troisième République, l'identité nationale est [ . ] devenue une dimension de l'identité de tous les citoyens qui baignent dans le nous français La conséquence de ce processus est la prise de conscience des ouvriers qu'ils forment une catégorie électorale importante : une identité de classe se forge. La droite et la gauche s'emparent de la question de l'identité nationale Maurice Barrés élabore la version conservatrice de l'identité nationale : face à la menace de l'Allemagne, il faut trouver un moyen de rassembler les français. [...]
[...] Gérard Noiriel revient sur les discours de campagne de Nicolas Sarkozy. Il démontre comment, à travers l'utilisation d'une rhétorique spécifique proche du sermon des prêcheurs américains accompagnée de nombreuses litanies, le candidat de la droite a réussi à présenter l'identité nationale comme un tabou enfin levé et un problème absolument capital pour l'avenir de la France. Nicolas Sarkozy propose une définition de l'identité nationale qui repose tant sur une conception barrésienne appel au sentiment national, enracinement dans le terroir, amour et fierté pour son pays que finkielkrautienne apologie des valeurs républicaines Pour Gérard Noiriel, le miracle du discours sarkozyen, c 'est donc de proposer une définition de l'identité nationale qui réconcilie la droite et la gauche Afin de rapprocher ces deux conceptions à l'origine opposées, Nicolas Sarkozy fait du principe républicain d'intégration le critère fondamental de la continuité, c'est-à-dire de l'ipséité de la France Ses discours comptent d'ailleurs de nombreuses références historiques à ces Français venus d'ailleurs qui ont fait l'effort de s 'intégrer comme Emile Zola, Léon Gambetta, Félix Éboué ou encore lui-même. [...]
[...] En effet, la définition royalienne de l'identité nationale trouve son fondement dans le patriotisme, dans le prolongement de la perspective jaurésienne. Le discours sarkozyen est, quant à lui, appréhendé sous l'angle d'un nationalisme soft : le nous national est conforté, en dénonçant la menace que eux - les étrangers peser sur nous. Toutefois ce rejet s'exprime dans un langage adapté à la démocratie du public. Selon l'auteur, la vérité du discours sarkozyen sur l'identité nationale ne réside pas dans ses formulations explicites mais dans sa réception au sein du public qu'il vise Le rôle des médias ou comment faire du neuf avec du vieux Gérard Noiriel analyse d'une part la stratégie de communication utilisée par Nicolas Sarkozy pour imposer l'identité nationale comme thème de campagne et d'autre part, la manière dont les médias se sont emparés de la question et ont choisi de la traiter. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture