Le caractère trop eurocentré de l'expression « Guerre Froide », inventée par le journaliste Walter Lippmann en 1947, ne satisfait pas G.-H. Soutou qui préfère parler du conflit Est-ouest : s'il en date la fin en 1990, son point de départ reste moins évident, bien qu'on voit clairement dès 1943 qu'à la guerre contre l'Allemagne nazie va succéder une opposition entre l'URSS et les Anglo-Saxons. L'expression de « Guerre de Cinquante Ans » convient mieux : comme les guerres de Cent et de Trente Ans, elle constitue un ensemble historique complexe en différentes phases. Conflit global, idéologique, politique, géopolitique, militaire, avec des répercussions dans les domaines de la culture, l'économie ou les sciences, elle a clos le cycle des conflits idéologiques issus des Lumières et du XIXème siècle et abouti à la victoire de la démocratie libérale sur le totalitarisme communiste. Elle a mêlé l'évolution des relations internationales et l'évolution intérieure des pays concernés, l'URSS et les Etats-Unis, mais également « les deux Europe » et la plupart des régions de la planète.
Pourquoi la Guerre Froide n'est-elle pas devenue chaude? Relativisons la dissuasion nucléaire : il s'agissait d'abord d'un conflit idéologique et politique dans lequel il ne s'agissait pas de détruire l'adversaire mais de l'amener à se transformer de l'intérieur.
[...] La bombe atomique américaine, loin de l'intimider, l'amenait à la conclusion qu'il devait se montrer encore plus inébranlable face aux Occidentaux. De leur côté, les Etats-Unis s'interrogèrent en 1946 sur la conduite à tenir face à Moscou ; leurs dirigeants étaient divisés, la tendance la plus ferme finit par l'emporter. Ce n'était pas encore la rupture avec l'URSS : en février, on réussit à conclure les traités de paix avec les alliés de l'Allemagne. Mais l'impasse sur le problème allemand était déjà évidente. [...]
[...] Entre Yalta et Potsdam, les illusions des occidentaux commencèrent à se dissiper, à voir les soviétiques poser leurs pions en Roumanie et en Pologne, s'efforcer d'arriver les premiers dans les trois capitales historiques de l'Europe centrale (Berlin, Vienne et Prague) et imprimer dès la capitulation du Reich un caractère dynamique à leur politique allemande par l'établissement de partis politiques et la mise en place d'une administration d'occupation de personnes, la SMAD. Churchill, de plus en plus inquiet, utilisa pour la première fois le 12 mai, dans un télégramme au successeur de feu Franklin D. Roosevelt, Harry Truman, l'expression rideau de fer pour désigner le fossé grandissant entre les deux Europe. La conférence de Potsdam (17 juillet–2 août 1945) eut des conclusions valables jusqu'à la réunification allemande en 1990. [...]
[...] Mécontent, Staline demanda la création d'un organisme tripartite et proposa une conférence des ministres des Affaires étrangères qui eut lieu à Moscou en novembre 1943. Le secrétaire d'Etat américain Cordell Hull, le Foreign Secretary britannique Eden et Molotov prirent deux décisions : l'Allemagne serait occupée par les Trois, traitée sévèrement et on créa une Commission consultative européenne chargée de préparer des projets pour l'occupation de l'Allemagne. Staline savait désormais que son rival géopolitique sur le continent européen serait éliminé. Quant aux armistices, le dernier mot irait au commandant en chef allié sur place. [...]
[...] Si on était d'accord sur les principes, on ne devait pas l'être sur leur application, en particulier sur la notion de démocratie : on ne parvint pas à définir de mesures communes au niveau de Conseil de contrôle de Berlin, et chaque commandant en chef se trouva libre d'agir isolément dans sa zone. Le système de contrôle quadripartite commença d'emblée à engendrer la division de l'Allemagne. Quant aux réparations, un compromis fut proposé par James F. Byrnes : chaque occupant se servirait dans sa zone et il n'y aurait pas de système centralisé quadripartite, et les régions de l'Oder-Neisse seraient placées sous administration polonaise provisoire. [...]
[...] Reagan ne passa pas de la fermeté à la négociation à partir de 1985 par légèreté ou inconséquence psychologique ou pour des raisons électorales : cette évolution était réfléchie et il n'y eut pas deux stratégies successives, mais complémentaires, toutes les deux visant la fin du communisme et le dépassement de la Guerre froide 1989 : la nouvelle pensée et la maison commune européenne La succession en mars 1985 de Gorbatchev à Tchernenko au poste de secrétaire général du PCUS illustrait l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle génération. Cette relève avait été prévue et organisée : tout le monde avait conscience qu'une réforme du système était nécessaire. Gorbatchev allait la tenter : ce serait la perestroïka à l'intérieur, la nouvelle pensée à l'extérieur. L'intérêt national passait désormais avant le devoir internationaliste idéologique. [...]
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