Georges Duby est né en 1919. Passionné de géographie dans un premier temps, il s'oriente rapidement vers l'histoire économique et sociale du Moyen Age. Elu au Collège de France en 1970 puis à l'Académie française en 1987, il est aujourd'hui reconnu comme un des plus grands médiévistes français.
Il publie le Dimanche de Bouvines en 1973, c'est à dire à une époque où le mouvement dit de l'école des Annales, dont il était lui-même très proche, dominait la recherche historique. Or cette école s'intéressait à la longue durée ; aux structures sociales et économiques pour aboutir à une histoire plus « complète » (alliée avec les autres sciences humaines). Cela passe par le rejet du singulier, de l' « histoire-batailles » évènementielle qui caractérisait l'école positiviste, avec des historiens comme Seignobos et Lavisse. La naissance de l'école des Annales s'inscrit en effet dans le contexte de l'entre-deux-guerres, où on peut considérer que l'Occident est en proie à une crise d'historicité, dans la mesure où les sentiments de progrès et de continuité ont perdu de leur évidence. Le rôle de l'historien ne peut dès lors plus se réduire à l'accumulation de petites histoires désincarnées ; il doit plonger dans son présent pour écrire une histoire vivante ; une histoire problème qui questionne le passé et remet constamment en cause ses propres méthodes.
Ce petit retour sur le contexte permet déjà d'envisager la surprise qu'a du engendrer cette publication de Duby. Voilà en effet que, répondant à une proposition d'écrire un livre sur la bataille de Bouvines dans le cadre de la collection « Trente journées qui ont fait la France » (présidée par Ernest Lavisse), Georges Duby se propose apparemment de traiter d'une journée, d'une bataille, d'un fait politique marquant ! Romprait-il avec les Annales pour faire de l'histoire évènementielle ? Inutile de vous cacher que ce livre est bien plus que cela… Ce que l'on peut alors se demander, c'est dans quelle mesure Georges Duby parvient à réconcilier en quelque sorte l'événement avec l' « histoire nouvelle » qui l'avait banni, ce tout en exposant en plus un nouveau projet.
Bien qu'il ne s'agisse pas ici de faire un résumé du livre, on peut reprendre l'organisation générale de l'ouvrage comme fil directeur, car les trois parties qui le composent sont assez représentatives de la dialectique qui nous intéresse ici (et comme je ne sais pas si vous avez lu le livre, cela permet de ne pas trop vous « perdre »).
[...] se demande l'auteur. Ce que l'on comprend donc bien c'est que pour George Duby l'événement n'est pas un atome, qui combiné à d'autres va constituer le tissu de l'histoire. C'est plutôt ce qui révèle et parfois fait basculer la structure ; ce qui actualise une croyance, un rapport de force ou à l'inverse forme une légende en précipitant les mouvements de l'imaginaire. Ainsi, en cherchant à savoir dans quelle mesure le dimanche de Bouvines est devenu un événement important, Duby propose en quelque sorte (même s'il ne le présente que comme une esquisse) de s'intéresser à l'oubli et à l'imaginaire. [...]
[...] Voilà en effet que, répondant à une proposition d'écrire un livre sur la bataille de Bouvines dans le cadre de la collection Trente journées qui ont fait la France (présidée par Ernest Lavisse), Georges Duby se propose apparemment de traiter d'une journée, d'une bataille, d'un fait politique marquant ! Romprait-il avec les Annales pour faire de l'histoire évènementielle ? Inutile de vous cacher que ce livre est bien plus que cela Ce que l'on peut alors se demander, c'est dans quelle mesure Georges Duby parvient à réconcilier en quelque sorte l'événement avec l' histoire nouvelle qui l'avait banni, ce tout en exposant en plus un nouveau projet. [...]
[...] On le lui doit tout entier. Finalement, les comtes ennemis sont faits prisonniers et Otton IV doit s'enfuir ; la victoire de Philippe Auguste est totale. Elle assure l'hégémonie capétienne en France et en Occident. Il semble donc à la lecture de cette partie (même si on remarque en arrivant au bout qu'elle ne représente qu'une petite partie du livre) que Duby se laisse prendre au jeu de l'histoire évènementielle. Il y a de fait un côté tour de force (on peut presque dire provocation) à voir un des historiens en chef des annales et de l' histoire nouvelle (qui se sont construites sur un rejet de l'événement et ses illusions) décrire l'événement historique par excellence, présenté par des générations d'historiens comme l'acte fondateur de la monarchie française. [...]
[...] Ne peut-il pas en effet y avoir possibilité de surinterprétation d'un événement ? L'histoire est un récit, donc il y a une part de subjectivité de l'historien, y compris dans l'histoire longue/des structures/des mentalités pratiquées par l'école des Annales. Avec des auteurs comme Duby l'événement devient un prétexte de surface pour une étude, ce qui a pour avantage d'éclairer le présent comme résultat de structures profondes, mais peut poser la question de la surinterprétation. Pensons par exemple à l'affaire des sœurs Papin, qui donnera lieu à tant d'interprétations possiblement excessives (révélatrice d'un malaise de la condition sociale, de la lutte des classes, etc.). [...]
[...] III/Aller plus loin dans la recherche sur l' événement Cette démarche d'inscription de l'événement dans l'histoire longue est généralement ce que l'on retient du dimanche de Bouvines. Pourtant Georges Duby va plus loin dans son travail, se démarquant de quelque école que ce soit pour mener en quelque sorte une recherche plus personnelle sur la manière dont cet événement a survécu à travers les siècles (c'est-à- dire dans quelle mesure il est resté un événement important pour l'histoire), et donc plus généralement sur comment sont rapportés les faits au fil des siècles. [...]
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