Georges Bidault - IVe République - politique étrangère de la France
Georges Bidault fait partie de ces noms sur lesquels la mémoire glisse, faute de mieux. Jean-Rémy Bezias, dans cet ouvrage qui est sa thèse à l'origine, nous aide à mieux comprendre l'histoire d'un homme politique peu connu, même s'il a joué un rôle incontestable dans notre passé. La préface de Ralph Schor et l'introduction de Jean-Rémy Bezias insistent sur le point qui rend l'étude à la fois originale et neuve : comment un homme qui a été chef du CNR dans la foulée de Jean Moulin, et qui par la suite a été ministre des Affaires étrangères sans discontinuer (ou presque) pendant quatre ans sous un régime aussi instable que la IVe République, a pu laisser une trace aussi faible dans les mémoires ? Un début de réponse vient assez vite : l'ombre du général, pourtant absent du devant de la scène politique une partie du temps où Bidault exerçait ses fonctions, a incontestablement contribué à cet étouffement. Il faut ajouter, au détriment de la place de Bidault dans l'histoire, qu'il a officié à une époque où la France n'est plus que l'ombre d'elle-même, alors que la guerre froide commence à geler toute initiative politique qui ne vienne pas des deux Grands. L'auteur a ainsi raison d'insister sur cette dimension, d'autant plus que son travail porte sur cette politique étrangère, dont le titulaire à cette époque a pu passer pour le syndic de faillite de la grandeur nationale. Vérité ou légende ? Jean-Marie Bezias nous propose de vérifier cela à travers trois grands dossiers, qui ont représenté les principaux que Bidault eut à traiter entre 1944 et 1948 : Proche-Orient, Etats-Unis et Europe. Il exclut de ses recherches le problème des colonies, rappelant à juste titre le statut très particulier de celui-ci, à la frontière entre politique étrangère et politique intérieure.
[...] L'ouvrage est dense, argumenté, pédagogique (conclusions provisoires), constamment soucieux de nous montrer les liens entre politique étrangère et contexte de politique intérieure. Ce travail riche entraîne un seul reproche, relatif à la forme : l'absence des sous-parties dans la table des matières, qui ne facilite pas les recherches du lecteur. Au final, le livre de Jean-Rémy Bezias est une réflexion sur le statut des grands hommes et les choix capricieux de la postérité. Son livre invite à ne pas se contenter d'une relecture trop superficielle du passé en l'occurrence, marquée par un gaullisme instinctif et ainsi à se pencher sur d'autres acteurs qui ont aussi leur part dans certains choix décisifs qui engagèrent la France contemporaine. [...]
[...] Son parti est en tête, ce qui n'empêche pas Bidault de cultiver des rapports cordiaux avec les communistes, qu'on lui reprochera par la suite (à commencer par lui-même). Il est vrai que la formule du tripartisme est de plus en plus décalée par rapport aux réalités politiques internationales, et risque de faire de Bidault un otage de Moscou. La politique menée au cours de cette année est de plus relativement décevante : repli (fin de l'évacuation du Levant), demi-mesures (fermeture de la frontière franco-espagnole) ou gains symboliques (Brigue et Tende). [...]
[...] Il exclut de ses recherches le problème des colonies, rappelant à juste titre le statut très particulier de celui-ci, à la frontière entre politique étrangère et politique intérieure. Une première partie évoque les origines du personnage, issu d'une famille de la petite bourgeoisie moulinoise. Parti faire ses études en Italie, suite au vœu de sa mère, morte prématurément, que son fils suivrait l'enseignement des Jésuites (ceux-ci sont alors indésirables en France), Bidault revient à Paris pour s'inscrire en histoire à la Sorbonne. Appelé sous les drapeaux à la fin de 1917, il fut épargné par la guerre, qu'il fit en dehors des zones de combat. [...]
[...] Bidault réussit cependant, avec autorité, à être un garant de l'unité crédible et respecté par tous. Enfin visible, il défila aux côtés de de Gaulle le 26 août 1944, sans que la mémoire collective, pourtant au fait de l'instantané qui immortalisa ce moment, ne se rappelle précisément quels autres personnages entouraient le général à la tête du prestigieux cortège. Le 9 septembre suivant, Bidault devient ministre des Affaires étrangères. La première mission consiste à réorganiser un ministère, certes prestigieux, mais qui a symboliquement failli à sa mission au cours des années qui aboutirent à la Seconde Guerre mondiale. [...]
[...] Pour toutes ces raisons, la France renonce à partir de là à son rôle de pont entre l'Est et l'Ouest, sans pour autant encore parler de tournant : l'idée d'une construction européenne en est cependant la conséquence. Pourtant, les exigences sur l'Allemagne mettent du temps à être modifiées, même si la France n'a plus les moyens de celles-ci. Peut- être cela explique-t-il l'attentisme croissant de la politique de Bidault ? Dans ces conditions, la charte de Francfort de janvier 1948, qui prépare une fusion politique des zones américaine et britannique, résume la politique du fait accompli avec laquelle le ministre doit faire. [...]
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