Georges BENSOUSSAN, professeur d'Histoire et rédacteur en chef de la Revue d'Histoire de la Shoah (CDJC) est l'auteur de l'ouvrage intitulé Auschwitz en héritage ? D'un bon usage de la mémoire. Pour mener une réflexion sur la démarche historienne, en particulier sur la manière dont est traitée la Shoah, il divise son ouvrage en 10 chapitres et une conclusion.
[...] Même les massacres colonialistes n'étaient pas de cette nature (volonté de domination d'un peuple sur un autre). Même les massacres de Tziganes par les nazis ne revêtaient pas non plus ce caractère systématique. - L'enseignement de la Shoah doit également mettre en évidence le caractère industriel des assassinats, le caractère administratif, bureaucratique, organisé, le fait que des citoyens ordinaires aient participé à l'entreprise sans états d'âme. Cette dernière caractéristique met en évidence le comportement humain dans une situation où les hommes font partie d'un système qui les déresponsabilise, ils agissent alors par conformisme (rôle du conformisme dans un monde d'obéissance massifiée, rôle de la logique grégaire qui abolit la conscience morale individuelle). [...]
[...] Il faut analyser cette banalisation du mal, le fait que dans un crime collectif, l'individu ne se sent pas coupable. Il faut apprendre aux hommes à garder leur conscience critique (penser sur soi, juger ses actes) : c'est cette conscience critique, cette capacité de juger qui les civilisent (et non pas la culture). Ces évènements ont illustré la distinction entre culture et civilisation, les faits ayant montré que la culture ne s'oppose pas à la barbarie, alors que la civilisation fait de l'homme un être policé et un citoyen. [...]
[...] L'antisémitisme récurrent au fil des siècles a toujours été comme un révélateur du malaise identitaire de la société (les peurs identitaires provoquant le rejet de l'autre différent) et est toujours prêt à ressurgir. Il est le signe reconnaissable d'un malaise (que l'on voit d'ailleurs réapparaître à l'heure actuelle et qui doit alerter). Au XXème siècle, les sociétés sont devenues rationalistes, centrées sur la science et l'économie, plaçant au plus haut la production et l'efficacité, et ravalant l'individu au rang de moyen. De plus l'Etat est devenu incontournable, il veut tout contrôler et normaliser, et exerce une emprise sur la liberté du simple citoyen. [...]
[...] Le nazisme n'a pas été le fait de comportements fanatiques, il n'a pas marqué le retour à un obscurantisme ou à une barbarie archaïque, mais s'est révélé une forme moderne de barbarie, bâtie sur un terrain formé de 3 facteurs : bureaucratisation, technique et individualisme négatif, amoral, né de la soif d'identité générale engendrée par la société moderne. Ce terreau-là est toujours le nôtre aujourd'hui, ce qui inspire de la crainte pour l'avenir. Il faut qu'en France on entretienne cette culture républicaine née de 1789 qui a placé le citoyen et le débat au centre de la chose politique. [...]
[...] Ils doivent composer avec leur histoire (vivre avec les blessures qu'elle a laissé), mais aussi la dépasser car elle met en péril leur identité. Leur histoire a montré qu'il n'y a jamais vraiment eu d'esprit de vengeance chez les juifs, mais une sorte de passivité, de résignation, d'inertie (toujours vraie aujourd'hui), alors que seul un esprit de révolte permettrait cette reconquête intérieure à ceux qui ont perdu confiance dans le monde. Les juifs devraient plutôt s'interroger sur eux-mêmes, admettre que leur mentalité traditionnelle (faite d'illusions humanitaires, d'optimisme, de fatalisme) a favorisé cette passivité (aggravée bien sûr pendant la période nazie par le fait qu'ils aient été brisés physiquement et psychologiquement par les traitements qui leurs étaient infligés). [...]
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