C'est davantage la trajectoire et le parcours de l'idée communiste (comment s'est-elle dévoyée en totalitarisme ?) plutôt que l'histoire du communisme qui sont étudiés dans Le Passé d'une illusion; l'histoire d'une fantasmagorie virant au pathologique (ou en tout cas présentée comme telle), plutôt que la description de la réalité soviétique. Ce qui constitue le point de départ de la démarche de Furet est cet étonnement que l'auteur éprouve au regard de l'engouement qu'a pu susciter le communisme chez les intellectuels occidentaux. Et donc ce questionnement envers lui-même
[...] Toute période post-communiste, en clair, n'est en fait qu'une période qui justement amène à un retour constant vers ce passé qui ne veut se faire oublier, continue de hanter le présent. Idem pour la tutelle nazie en France : "le besoin d'oublier empêche l'oubli". Le discours de Khrouchtchev, à la relève de Staline, même s'il dose subtilement la rupture et la continuité, dénonce clairement les crimes commis, et le "renouveau" semble devoir passer par une assumation du passé. La négation du stalinisme, pourtant, cette fois, ne suffit pas, il y a comme un épuisement de cette logique. [...]
[...] D'ailleurs pour Souvarine et P. Pascal, le crime du communisme n'est pas l'oppression, mais le grand mensonge qu'il constitue. Là encore le rapprochement avec le nazisme est évident aux yeux de Furet : ce régime, de même essence, privilégie également l'abstrait, le Volksgenossen enrobant une réalité souvent moins flatteuse; et "le culte national conjure le déficit démocratique". Une synthèse des deux régimes peut ainsi être esquissée de par la fascination qu'ils exercèrent sur les esprits (ex : Drieu La Rochelle). [...]
[...] Au système fédéral pensé par son prédécesseur, il substitue une soviétisation forcée des Républiques soeurs. Mais les grandes purges et les grands procès sont loin de brouiller le mythe soviétique en occident : la crise des années 30 aidant, l'URSS de Staline y est alors plus populaire que ne l'a été celle de Lénine. Le fascisme se pose alors comme le concurrent direct du communisme : tous deux sont apparus à la même époque et pour la même raison : la destruction de la société bourgeoise et de son régime politique. [...]
[...] Pour preuve l'incrédulité générale à la sortie du livre pourtant lucide de Souvarine (communiste de la première heure déçu) : Staline. Aperçu historique du bolchevisme. C. Apogée et mort d'un communisme par défaut L'entrée en guerre de l'URSS le 22 juin 1941 éclipse aux yeux de tous le pacte germano-soviétique, Staline récupère son aura antifasciste (ses revirements ne sont pas conçus comme un tort de sa part mais comme un défaut d'interprétation des autres cadres du Parti : de toute façon, Staline a RAISON). [...]
[...] D'un autre côté, la doctrine bolchevique se fonde sur un mythe, celui de la haine de la bourgeoisie (qui perd sa profondeur philosophique pour devenir objet de propagande), de l'individualisme et de tout ce qu'elle charrie. Cette relation abstrait/concret s'installe rapidement comme le caractère principal du régime : le bolchevisme regarde les faits réels par le prisme de l'idéologie, qui prévaut toujours à la mise en relation directe avec le réel. Ainsi Furet évoque-t-il une "anesthésie du jugement" parmi les cadres du Parti incapables de dénoncer le génocide ukrainien. [...]
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