Mona Ozouf est directeur de recherche au CNRS et s'intéresse à toutes les formes de pédagogie, notamment dans ses rapports avec l'idéologie et la politique. Elle est à la fois historienne de la sensibilité républicaine, laïque et scolaire de la IIIe République et anthropologue des phénomènes révolutionnaires.
Dans cet ouvrage, elle commence par distinguer les différentes conceptions qu'on se fait de la fête au XVIIIe siècle. D'une part, au nom de l'efficacité économique, une majorité condamne la prolifération des fêtes traditionnelles, synonymes de gaspillage et d'oisiveté improductive : il y en aurait eu trente deux à Paris en plus des cinquante-deux dimanche de l'année. Mais il existe une autre fête : celle qu'imaginent les utopiens et les hommes éclairés. Inspirée de l'antiquité, ces fêtes doivent mettre au même niveau tous les hommes et rétablir le lien social. Par leur régularité, elles devront s'insérer dans la vie quotidienne et soutenir toute l'existence. La Révolutions fournit à ces utopiens l'occasion de réaliser leur rêve puisqu'elle fait « table rase » des fêtes établies jusque là : plus de fêtes monarchiques ni de fêtes religieuses, plus d'usages contraignants. La Révolution ouvre la porte à tous les possibles en matière de fête pour une société théoriquement homogénéisée. Les hommes de la Révolution vont alors s'atteler à faire de la fête un indispensable complément du système de législation. Celle-ci doit rendre manifeste le nouveau lien social établi. Rien ne doit être laissé au hasard : ni les objets que la fête propose, ni sa mise en image, ni la répartition de la foule … La fête révolutionnaire focalise donc tous les enjeux de cette nouvelle société qui tente de s'établir. Les hommes de la Révolution vont devoir se heurter à la réalité : Mona Ozouf se propose d'analyser cette rencontre et d'en comprendre toute la portée. Mais sous-estimant les bouleversements engendrés par les évènements révolutionnaires, ces fêtes sont globalement un échec, dont Mona Ozouf va analyser les causes et les conséquences.
[...] Les utopiens croient en la valeur éducatrice de l'espace, d'où les débaptisassions et rebaptisassions des places, le numérotage des maisons La fête est un élément essentiel de cette entreprise. Les organisateurs de la fête cherchent tout d'abord un lieu où celle- ci pourra s'étendre régulièrement et sans obstacle. L'espace de la fête devient l'équivalent de l'espace révolutionnaire lui-même, la fête devant montrer que l'espace reconquis pas la Révolution lui était dû. Les fêtes fédératives prennent place en plein air, le cloisonnement étant un signe de division. Le grand air permet une mise en scène de l'unité nationale. [...]
[...] Pourtant, on observe des points communs entre ces deux fêtes. La foule est présente dans les deux cas, en ordre et l'opposition entre l'esthétique de David qui pense la fête de Chateauvieu avec des ornements simples et dépouillés et celle de Quatremère de Quincy qui s'occupe de la fête de Simmoneau en mettant l'accent sur les armes, le luxe et les allégories n'est qu'apparente : les deux artistes ont déjà collaboré, les deux camps ont les mêmes souvenirs, les mêmes références et on fait appel au même symbolisme neo-classique. [...]
[...] Pour être la plus claire possible, la fête révolutionnaire est bavarde, multiplie les discours, les lectures souvent ennuyeuses, les chants, les hymnes, les pancartes, les banderoles pour expliciter les symboles. On ne sépare pas la parole et l'action et on voit là une marque du romantisme Révolutionnaire qui croit au pouvoir du verbe. Mais ces fêtes servent à instruire des hommes qui ont déjà des habitudes et des usages tenaces qu'il faut analyser Vie populaire et fête révolutionnaire. L'échec de la fête révolutionnaire vient du fait que celle-ci est sans racine, greffée de façon absurde sur des usages anciens. [...]
[...] Le 1er vendémiaire doit être fêté comme il se doit. La mise en place d'un nouveau calendrier signifie aussi une nouvelle répartition des fêtes. L'ancien calendrier est un véritable chaos sur ce point et il convient de mieux les redistribuer : les fêtes doivent être plus régulières et avoir une véritable motivation. Le choix de la décade au détriment de la semaine reflète ce désir de régularité. Les cinq ou six jours qui restent à la fin de l'année seront consacrés aux fêtes ou aux jeux nationaux. [...]
[...] Les hommes isolés sont les ennemis de la Révolution. Ce rassemblement permet l'échange des sentiments et des regards et la fête est le lieu de rencontre entre l'espace privé et l'espace public. La fête est ensuite utile par son contenu. Influencé par les empiristes, les hommes de la Révolution pensent que l'homme peut être modelé par les images. Ces images doivent agir sur tous les sens, ne pas être trop simples ou de mauvais goût et doivent se substituer aux images religieuses. [...]
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