Le projet de rédaction de l'ouvrage Fascism and Theatre : comparative studies on the aesthetics and politics of performance in Europe, 1925-1945 est né des recherches menées par Günter Berghaus sur les formes théâtrales sous l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste. Frappé par les similitudes entre ces deux cas, ce spécialiste des études théâtrales, docteur de l'Université Libre de Berlin en 1977 puis professeur à l'Université de Londres jusqu'en 1983 et lecteur à Bristol depuis lors, a décidé d'étendre son champ d'investigations à l'étude du théâtre espagnol franquiste. S'apercevant très vite de la pertinence qu'il pouvait y avoir à procéder à des essais comparés sur les spectacles vivants en régimes fascistes ou para fascistes, l'éditeur du présent ouvrage a voulu réunir un groupe d'experts internationaux en vue d'explorer via la perspective des études théâtrales, un objet d'étude assez récent : les stratégies de persuasion du fascisme. En effet, comme le signale G. Berghaus , l'historiographie traditionnelle a davantage porté son attention sur les formes de coercition et de terreur dans ces régimes, alors que l'étude du théâtre fasciste permet d'aborder la manipulation émotionnelle des masses.
L'interdisciplinarité du projet est une des spécificités visibles dans cet ouvrage collectif qui réunit des auteurs de formations diverses. Une présentation de chacun d'entre eux nous ayant paru malaisée, il a semblé préférable de distinguer les catégories auxquelles ils peuvent appartenir, tout en ayant bien conscience de l'interpénétration très fréquente des domaines de recherche. Nombre d'entre eux sont chercheurs ou professeurs spécialisés dans les études théâtrales, littéraires ou cinématographiques : en plus de G. Berghaus, Francisco Linares, John London, Barbara Panse, Bettina Schültke, Mario Verdone, Sultana Wahnón et Doug Thompson sont dans ce cas. Ce dernier appartient également à la catégorie des historiens du fascisme, représentée par Serge Added, Pietro Cavallo, Roger Griffin, Hans-Ulrich Thamer et Emilio Gentile, qui peut apporter une approche complémentaire de politiste, tout comme Reinhard Kühnl. Mentionnons enfin la collaboration d'un praticien comme Erik Levi, musicien et critique, et l'expérience dans la profession théâtrale de Serge Added et de Bettina Schültke. La richesse de cette pluralité d'approche disciplinaire se double de l'intérêt que présente le recours à une équipe internationale d'experts, en provenance principalement d'universités anglaises, allemandes, italiennes et espagnoles, et étudiant aussi bien les cas de l'Italie fasciste, de l'Allemagne nazie, que de la Phalange franquiste et de la France de Vichy.
[...] Cet adjectif met en effet pleinement l'accent sur la dimension centrale du mythe de la renaissance et régénérescence dans l'idéologie fasciste, et amène R. Griffin à préciser que c'est précisément ce thème qui est absent du théâtre para fasciste de la Phalange franquiste et de la France de Vichy. Les trois chapitres suivants proposent des axes de réflexion générale sur les liens entre fascisme et spectacles vivants : si R. Kühnl s'est surtout attaché à décrire la variété des formes artistiques de la production culturelle de ces états[4], G. [...]
[...] Le facteur culturel avait donc lui aussi une influence sur le facteur politique et les formes de la propagande. Soulignons également que le thème même de l'ouvrage implique un découpage chronologique différent de celui auquel a recours traditionnellement l'histoire des spectacles vivants. L'historiographie classique a en effet une nette tendance à établir une périodisation corrélative à l'histoire des mouvements esthétiques, sans tenir compte de facteurs extérieurs au monde artistique. Ce livre présente au contraire l'intérêt de traiter des questions de pratiques scéniques des spectacles dans leur rapport aux questions politiques et étatiques, impliquant elles- mêmes, comme nous l'avons vu, les relations avec la société encadrée et avec l'économie. [...]
[...] URFALINO Philippe, L'histoire culturelle : programme de recherche ou grand chantier ? dans Xxe siècle, revue d'histoire CAVALLO Pietro, art. cit., notamment à partir de la page 119. WAHNON Sultana, art. cit., passim. BERGHAUS Günter, art. cit. THAMER Hans-Ulrich, art. cit., p. 186-188. [...]
[...] BERGHAUS Günter (éd.), Fascism and Theatre : comparative studies on the aesthetics and politics of performance in Europe, 1925-1945, Oxford, Berghahn Books p. BERGHAUS Günter (éd.), op. cit., p GRIFFIN Roger, Staging the Nation's Rebirth : the Politics and Aesthetics of Performance in the Context of Fascist Studies in BERGHAUS Günter (éd.), op. cit., p. 11-29. KÜHNL Reinhard, The Cultural Politics of Facist Governments in BERGHAUS Günter (éd.), op. cit., p. 30-38. BERGHAUS Günter, The Ritual Core of Fascist Theatre : An Anthropological perspective in BERGHAUS Günter (éd.), op. [...]
[...] La lecture de l'essai de Serge Added[15] nous permet de percevoir également la prégnance du mythe de la décadence appelant régénérescence et unité, au sein du théâtre des états fascistes ou para fascistes. Notons toutefois que dans le cas du théâtre de Copeau, il s'agit bien davantage d'un moyen d'expression des aspirations pétainistes réactionnaires que d'une adhésion à des valeurs fascisantes. Enfin, il faut signaler la place laissée aux écrits de Hans-Ulrich Thamer[16] et de John London[17], concernant des formes un peu moins souvent envisagées des spectacles vivants, à savoir les rallyes de Nuremberg et les manifestations sportives sous le régime de Franco, qui mettent l'accent sur la puissance d'une mise en scène destinée à susciter un enthousiasme de masse, et à faire la démonstration visuelle de l'unité et du patriotisme des peuples en période de dictature autoritaire, fasciste ou non. [...]
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