Hitler, France de Vichy, Bernard Bruneteau, européisme français de l'entre-deux-guerres, projet nazi d'« Europe nouvelle », philofascisme, briandisme
L'auteur part du constat qu'on a coutume de poser le principe démocratique comme source et destination de l'idée européenne. Les figures tutélaires généralement retenues consistent en des démocrates chrétiens ou des antitotalitaires confortant ce postulat. Pourtant, observe-t-il, la plupart des tendances politiques de l'européisme français de l'entre-deux-guerres adhèrent ou s'investissent à des degrés variables dans le projet nazi d'« Europe nouvelle ». Nombre d'entre eux y poursuivent même une réflexion antérieure, et mûrissent des idées qui, pour certaines, trouvent leur point d'aboutissement pendant cette période.
[...] Cela semble essentiellement dû à la faible diffusion de son ouvrage : en matière d'Europe, les politologues dominent la (petite) communauté des historiens, et leurs analyses remontent rarement avant 1992. Les livres d'Histoire sur l'Europe sont difficilement vendables en librairie, et donc peu lut. Cela étant, le caractère novateur et remarquable du travail de Bruneteau n'est pas contesté : la restitution du lien entre européisme et fascisme, la distinction entre idéalistes et opportunistes au sein de l'« Europe nouvelle ont été appréciées. [...]
[...] La perspective néo-kantienne de son militantisme (recherche de la paix perpétuelle) lui attire des disciples comme Beuve-Méry. Mais là où un Georges Scelle va évoluer vers le fédéralisme, il persiste à voir dans la SDN un simple moyen pour l'État. De même que dans l'État l'individu est la fin et l'État le moyen, de même dans la Société des États les États restent la fin et la SDE le moyen qui leur permet de la réaliser. Il se montre critique à l'égard de l'importance de l'individu dans la démocratie. [...]
[...] Et, l'union économique européenne tendant sur le long terme à unifier les niveaux de vie, les nations verront un jour l'intérêt à mettre leur monnaie intérieure au niveau de leur monnaie européenne. Se réaliserait alors, en fait avant de l'être en droit, la monnaie unique. Réfléchissant sur la compétitivité de l'agriculture française par rapport à celle des pays d'Europe centrale, Marcel Braibant ancien membre du Front Populaire suggère de compenser les prix de vente des productions européennes, qui pourraient être rémunérés suivant une péréquation tenant compte des différences de prix de revient. Ce serait l'œuvre d'un Office professionnel européen. [...]
[...] Il souligne ensuite la perduration du mécanisme de l'illusion au lendemain de la guerre chez certains intellectuels qui s'étant compromis dans l'« Europe nouvelle soumettent à nouveau la réalité à leur désir et reprennent leur discours des années quarante. Ainsi de Fabre-Luce, qui voyant dans les Américains le nouveau fédérateur de l'Europe à travers l'élaboration du plan Marshall, enjoint aux écrivains de donner à l'Europe en cours sa conscience, exactement comme il le fit pendant l'Occupation. En dépit de l'hypothèque que leur compromission faisait peser sur le projet européen d'après-guerre, les intellectuels investis dans l'« Europe nouvelle ont mûri des idées (datant de l'entre-deux-guerres) qui informent la construction européenne contemporaine : il n'est que de penser à l'« organe de gestion supra continental à l'« Office agricole européen ou encore à la monnaie fédérale unique À l'inverse, il est erroné de situer les racines de la construction européenne dans la pensée de la Résistance. [...]
[...] Mais le créateur de ce cadre n'est jamais ou bien rarement le créateur de la civilisation qu'y s'y inscrira C'est ainsi que la chrétienté s'est déployée au sein de l'Empire romain, la civilisation russe dans le cadre de la conquête tatare. Pareillement, on peut transformer la domination nazie de l'intérieur, humaniser à terme l'Europe du conquérant. Un devoir de présence à l'Europe en gestation s'impose donc afin de la rendre plus perméable aux idéaux passés sans en altérer la radicale nouveauté. Emmanuel Mounier a une vue similaire : C'est le césarisme constantinien qui a frayé les voies au christianisme, Napoléon à la Révolution. [...]
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