En 1887, c'est-à-dire 17 ans avant le début de la Première Guerre mondiale et avant la constitution du système des alliances, Engels prévoyait qu'un futur conflit entre les grandes puissances ne saurait être autre chose qu'une « guerre mondiale d'une ampleur et d'une intensité insoupçonnées jusqu'ici ». La Première Guerre mondiale débute à la suite de l'assassinat de l'héritier du trône des Habsbourg, l'archiduc Francois-Ferdinand et de sa femme, à Sarajevo le 28 juin 1914. Mais les causes de la Grande Guerre ne peuvent pas être réduites à cet évènement : le premier conflit mondial du XXème siècle fut l'aboutissement d'un contexte de crise, tant internationale qu'interne aux pays belligérants et non la simple réaction à l'assassinat de Francois-Ferdinand d'Autriche. Pour beaucoup d'historiens la Première Guerre mondiale fut le résultat de l'ascension de la bourgeoisie en Europe, de la volonté des industriels et des financiers d'étendre leur pouvoir grâce à un conflit. Arno Mayer soutient au contraire que c'est l'Ancien Régime qui fut responsable de la Grande guerre, c'est-à-dire que la Première Guerre mondiale fut le résultat de la permanence contestée mais réelle des structures politiques, sociales et culturelles de l'Ancien Régime.
L'analyse d'Arno Mayer se construit autour de trois hypothèses initiales : la première hypothèse voit la Première Guerre mondiale reliée comme par un cordon ombilical à la Seconde Guerre mondiale, ces deux conflits constituant la guerre de Trente ans de la crise générale du XXème siècle. La deuxième hypothèse développée par Arno Mayer considère la Grande Guerre, phase initiale et embryonnaire de cette crise générale, comme la conséquence de la remobilisation des Anciens Régimes d'Europe. Elle serait de plus l'expression de la décadence et de la chute de l'ordre ancien plutôt que la manifestation du capitalisme industriel. Enfin la troisième hypothèse d'A. Mayer décrit l'ordre ancien en Europe comme étant essentiellement préindustriel et pré bourgeois. Le but de Mayer poursuivi tout au long de son ouvrage est de démontrer par des chiffres et par l'étude des pays qui s'opposeront lors de la Première Guerre mondiale, que jusqu'en 1914 les forces d'inertie et traditionnelles de l'ordre ancien ont contenu cette nouvelle société en expansion dans les limites des Anciens Régimes qui dominaient le paysage historique de l'Europe.
[...] La noblesse ne résiste pas si bien à la modernisation que A. Mayer l'affirme. Il apparaît même que la montée en puissance de forces contestatrices pousse l'aristocratie à devoir réagir pour assurer sa survie : elle est alors contrainte d'agir et de se plier à la modernisation politique de l'Europe. Mais, en se modernisant, elle ne fait que diminuer sa puissance et son influence. Elle le fait d'elle-même comme en Russie où, sous la pression des évènements de janvier 1905 et des mutineries dans la flotte, Nicolas II et son ministre Stolypine accordent quelques libertés fondamentales : une assemblée législative ( la Douma ) et un droit de suffrage restreint. [...]
[...] Critique de l'œuvre La critique de l'ouvrage d'Arno Mayer peut s'organiser autour de plusieurs points. Tout d'abord, l'auteur exagère la persistance de la prédominance de la noblesse et sous-estime l'influence de plus en plus importante de la bourgeoisie et de l'industrie à la fin du XIXème siècle et jusqu'en 1914. De plus, Arno Mayer, dans son analyse, s'appuie sur une comparaison tant entre pays qu'entre classes politiques et éclipse les diversités au sein de ces dernières ainsi que certaines différences notables entre les pays qui auraient rendu le tableau comparatif plus ardu à dresser, notamment sur les plans politique et économique. [...]
[...] Il reprend et utilise les thèses de penseurs tels Marx et Engels pour qui la société est devenue de plus en plus bourgeoise tandis que l´ordre politique est resté féodal. Citant Schumpeter également, les noblesses terrienne et de fonction préserveraient leur suprématie politique c'est-à-dire leur rôle dirigeant alors que la classe dominante serait une symbiose active entre noblesse terrienne et bourgeoisie. Ainsi, il y aurait une disparition juridique de la féodalité mais une survivance des forces sociales, des coutumes et de l'influence politique de la noblesse et de l'Ordre ancien. [...]
[...] Ainsi, le déclin relatif de la noblesse et de la société terrienne serait compensé par le soutien de la société politique à travers la prédominance de la noblesse au sein de l'administration centrale et grâce au Roi et à la Cour qui, excepté en France qui devient une République en 1871, constituent un point de ralliement entre les noblesses terrienne et de fonction et le pouvoir politique. En étudiant dans un quatrième temps les cultures officielles et avant-garde, A. Mayer veut démontrer que les produits de la culture officielle demeurent enracinés dans des conventions qui reprennent en les célébrant les traditions fondamentales de l´ordre ancien. [...]
[...] Quant aux arts dramatiques, l´avant-garde musicale ne parvient ni à supplanter ni encore à mettre en péril le grand opéra ainsi que le ballet à travers lequel l'art aristocratique prend même une nouvelle vigueur au 19e siècle. Mais la situation religieuse en Europe témoigne également de la permanence de l'Ancien Régime en Europe avant 1914. En effet, la déchristianisation n'apparaît, selon Mayer, que très relative et l'autel resterait un pilier de l'Ancien Régime, grâce à la complicité entre l'Eglise et l'Etat. [...]
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