L'Etrange Défaite, témoignage sur les événements qui ont conduit la France à la catastrophe quelques mois à peine après le début du second conflit mondial, en 1940, peut se voir comme la véritable déposition d'un témoin face au tribunal de l'Histoire.
L'officier et historien Marc Bloch, ayant lui-même participé à cette guerre ainsi qu'à la précédente, se penche en effet, et le plus objectivement possible, sur les raisons profondes de la défaite française, tant sur le plan militaire que politique ou social.
Dans une première partie, Marc Bloch présente son action au cours de la campagne de 1940, pour analyser ensuite, dans une déposition qui constitue l'essentiel de l'ouvrage, les carences et les travers de l'armée française durant la guerre. Il conclut enfin par un examen de la société française, qui a elle aussi sa part de responsabilité dans les événements de juin 1940.
Rédigé sur le moment, de juillet à septembre 1940, et malgré le désavantage d'une étude « à chaud », L'Etrange Défaite offre une analyse pertinente et précise des causes de la défaite française encore jamais remise en cause à ce jour.
[...] Les Allemands se l'étaient donné. La France non, ou, du moins, pas en suffisance. On l'a dit et redit : nous n'avons pas eu assez de chars, pas assez d'avions, pas assez de camions, de motos ou de tracteurs p.97 Le nombre même de nos autos était insuffisant - Absence d'une alliance réelle avec les Anglais ; anglophobie ; pas de collaboration (p.99 Les Anglais, d'ailleurs, n'avons-nous su jamais organiser notre coopération avec eux ? [...]
[...] De fait, pénurie de matériel de guerre, induisant un retard de l'armée française sur l'armée allemande, particulièrement bien équipée. Les syndicats = Attitude de petits-bourgeois aveuglés par leurs propres soucis, leurs propres requêtes (p.171, p.173 On ne leur avait pas appris à voir plus loin, plus haut et plus large que les soucis du pain quotidien La bourgeoisie = n'ont pas voulu éclairer les classes les plus basses sur les enseignements de base et sur les enjeux de la guerre (p.178, p.186, p.188) ; elle n'a par ailleurs pas su mettre à profit sa culture et son savoir pour interpréter la guerre et agir efficacement (p.184 Mais nous ne pensons pas assez qu'on peut, et doit, quand on agit, s'aider de sa culture - Une lutte des classes hors de propos : Bloch renvoie dos à dos deux groupes aux intérêts antagonistes : les ouvriers et les bourgeois. [...]
[...] Des mentalités en décalage : Défaitisme, fatalisme et manque d'implication Une résignation immédiate - Français n'ont jamais cru à la victoire, d'où un manque de motivation et un renoncement dès le départ (p.162 au fond des cœurs n'y croyait- on pas si fort On en avait assez dit pour nous faire peur ; pas assez et pas dans les termes qu'il eût fallu pour que le sentiment commun acceptât l'inévitable et sur les conditions nouvelles ou renouvelées de la guerre, consentît à remodeler la morale du civil - Désir affirmé de protéger la jeunesse des combats, décisions dénoncées comme une sorte de suicide français par Marc Bloch (p.166 Il m'est arrivé d'entendre parfois des personnes bien intentionnées exprimer le souhait qu'à notre jeunesse intellectuelle, du mois, les fatales hécatombes de la dernière guerre fussent-ils épargnées p.167 souci d'économiser le sang des jeunes Fatalisme et désir d'éviter les morts conduisent à une incontestable absence d'effort de la part des Français, qui s'avouent vaincus avant même d'avoir commencé à se battre. Une lâcheté collective - Peur généralisée, attitude poltronne : Les Français paraissent terrorisés par ce qu'ils savent de cette guerre, de fait : ils fuient (p.165 Des fonctionnaires ont fui sans ordre. Des ordres de départ ont été prématurément donnés. [...]
[...] Il conclut enfin par un examen de la société française, qui a elle aussi sa part de responsabilité dans les événements de juin 1940. Rédigé sur le moment, de juillet à septembre 1940, et malgré le désavantage d'une étude à chaud L'Etrange Défaite offre une analyse pertinente et précise des causes de la défaite française encore jamais remise en cause à ce jour. I. [...]
[...] Les bourgeois sont frustrés, car se sentent menacées par les nouvelles couches sociales (p.195 La poussée des nouvelles couches sociales menaçait la puissance, économique et politique, d'un groupe habitué à commander À la vue de la diminution de ses rentes, et ne s'étant jamais remise de Front Populaire, la bourgeoisie accuse (légitimement) les ouvriers de moins travailler (p.196 le bourgeois crut s'apercevoir que les masses populaires, dont le labeur était la source profonde de ses gains, travaillaient au contraire moins que par le passé p.197 La bourgeoisie était ainsi anxieuse, mécontente, elle était aussi aigrie D'où clivage entre les deux groupes, qui prennent conscience de leurs divergences (p.194 Il est, dans l'Etat présent de nos sociétés, inévitable que les diverses classes aient des intérêts opposés et prennent conscience de leurs antagonismes p.197 Une longue fente, séparant en deux blocs les groupes sociaux, se trouva, du jour au lendemain, tracée dans l'épaisseur de la société française Guerre s'annonce comme révélatrice d'une société française défectueuse, fragmentée, égoïste, où chacun méprise les intérêts nationaux au profit de ses intérêts personnels. Dans L'Etrange Défaite, Marc Bloch interprète donc la débâcle de 1940 comme un véritable suicide français, fruit d'une responsabilité partagée entre les élites militaires, économiques et sociales, et révélatrice d'un profond malaise dans l'ensemble de la société française qui, malgré la guerre, fut incapable d'agir de façon réfléchie, efficace, et solidaire. [...]
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