L’enfant de l’ennemi, 1914-1918 - Stéphane Audoin-Rouzeau

Résumé du document

L'intérêt de cet essai est de voir comment à travers la description de certaines atrocités de guerre, des représentations qu'en ont les contemporains et des répercussions qu'elles ont, on peut cerner une culture de guerre spécifique fortement influencée par la haine contre les Allemands en France. S. Audoin-Rouzeau insiste beaucoup sur la difficulté à cerner le problème du viol même si le thème est récurrent dans les rapports de guerre, dans la presse de l'époque, à cause du manque d'objectivité dans un contexte de culture de guerre où la propagande anti-allemande est omniprésente par exemple. De ce fait, ce sont moins les réalités que les représentations (parfois divergentes) et les points de vue des différents acteurs de la période de la grande Guerre qui sont mis en avant et qui permettent de voir l'évolution des mentalités au cours de ce conflit, la violence de guerre en général.

Extraits

[...] L'enfant de l'ennemi, 1914-1918 Stéphane Audoin-Rouzeau L'intérêt de cet essai est de voir comment à travers la description de certaines atrocités de guerre, des représentations qu'en ont les contemporains et des répercussions qu'elles ont, on peut cerner une culture de guerre spécifique fortement influencée par la haine contre les Allemands en France. S. Audoin-Rouzeau insiste beaucoup sur la difficulté à cerner le problème du viol même si le thème est récurrent dans les rapports de guerre, dans la presse de l'époque, à cause du manque d'objectivité dans un contexte de culture de guerre où la propagande antiallemande est omniprésente par exemple. [...]

[...] Bien que dans l'ensemble confortée par ses lectrices, elle doit se rendre compte des oppositions rencontrées: "par le nombre et la violence des opinions favorables à l'avortement, quelle déformation menace la conscience publique actuelle au sujet de la maternité?" Certains révolutionnaires. Marcelle Capy, éditorialiste à la bataille syndicaliste, remarque que neuf fois sur dix, les victimes sont des femmes pauvres, des paysannes, des ouvrières. Se poserait donc avant tout le problème de "l'implacable nécessité du pain". Les médecins. Directement concernés par le sujet, ils ont divisé. [...]

[...] On est là au croisement de la violence des corps des hommes en guerre sur celui des femmes et de l'extraordinaire tension du débat idéologique suscité par ce type de violence, car il s'agit bien d'une guerre de la nation posé en terme de sang : c'est le sang allemand par nature corrompu et corrupteur qui, aux yeux d'un certain nombre, rend inassimilable les enfants du viol, et justifie, voire légitime, non seulement l'avortement, mais aussi parfois l'infanticide. Implicitement, le débat virilise les enfants du viol, ce sont les fils de l'ennemi, et non ses filles, qui constituent le danger. Cette conception ethnique et biologique de la guerre annonce déjà les plus grands affrontements du reste de notre siècle. [...]

[...] C'est un peu le viol contre la vie. Souvent, les agressions font face à un certain nombre de freins: o L'impunité n'est pas totale puisque des soldats sont punis par leur supérieur. o Même s'il y a des viols spontanés, d'autres mettent du temps à se réaliser. Ils arrivent après une phase de communication entre la victime et son futur agresseur dans un temps normal. un soldat s'installe chez une fermière pendant plusieurs jours pour manger et se loger, puis la violence se déclenche.) o Quelques fois, les supplications de la victime parviennent à stopper l'agresseur. [...]

[...] Il s'agit d'abord de conserver le secret absolu aux intéressées. Elles peuvent accoucher à Paris, dans les maternités de l'Assistance Publique, leur admission doit s'effectuer sans les formalités administratives habituelles (l'Assistance Publique devant se borner à vérifier si la commune d'origine de la victime figure sur la liste de celles envahies et si la date probable de la conception coïncide bien avec celle de l'invasion.) Dans le cas où la mère garderait l'enfant, elle doit pouvoir bénéficier des secours temporaires "dans un très large esprit". [...]