En reconstituant au prix d'un travail de plus de dix ans la balance des paiements entre la France et l'outre mer sur près d'un siècle, Jacques Marseille montre que les colonies ont été un boulet pour l'économie de la métropole, qu'elles n'ont pas contribuées à l'enrichir, qu'elles ont freinées sa croissance sur toute la période, et qu'en permettant à des portions archaïques de l'économie française de se maintenir artificiellement, elles ont retardées sa modernisation. C'est pourquoi la décolonisation n'a pas été le cauchemar qu'on attendait pour l'économie française ; elle fut au contraire la condition de son envolée.
Cela signifie enfin que contrairement aux lectures marxistes encore en vogue, la colonisation n'est pas l'origine de la supériorité économique des pays riches sur les ex-pays ; pour les anciennes colonies, la décolonisation est une mauvaise affaire, économiquement s'entend. C'est comme dans un divorce, dit Marseille, il y a le divorcé heureux et le divorcé malheureux : économiquement, le divorcé heureux, c'est la France, le divorcé malheureux, ce sont les colonies.
[...] On constate partout la constitution de blocs économiques, en particulier le Royaume Uni. Pourquoi ne pas imiter cet exemple et créer une solidarité franco-coloniale effective [elle était donc restée virtuelle Sarraut propose donc l'établissement d'un régime privilégié permettant à la métropole d'écouler ses produits fabriqués et d'absorber les matières premières coloniales. Il s'agissait d'« organiser une sorte d'autarcie D'emblée cette conférence repousse l'hypothèse d'une industrialisation des colonies, sous prétexte qu'elle viendrait concurrencer les produits métropolitains et causerait un engorgements du marché Il faut soutenir les marchandises coloniales, le prix des matières premières coloniales, et c'est dur vu que les cours mondiaux se sont effondrés ; assumer la différence de prix, accepter de payer plus cher les produits coloniaux pour que ces marchés absorbent les produits de la métropole. [...]
[...] Le marché colonial a favorisé le maintient d'une structure industrielle peu concentrée. D'autre part, ce que révèle l'examen de la balance des paiements, c'est qu'au delà même des investissements directs, les crédits offerts par la France à ses colonies pour financer leur déficit structurel a atteint des chiffres pharamineux : de 1900 à 1970, cela représente plus de 3 fois le total des aides américaines à la France de 1945 à 1955, et 4 fois celui des emprunts russes ! [...]
[...] En 1928, les colonies deviennent le premier débouché des entreprises françaises de la métropole, devant la Grande Bretagne. C'est surtout durant la crise des années 30 que se manifeste le rôle compensateur de l'Empire : le commerce avec l'Empire régresse moins que les échanges avec les autres pays, qui s'effondre La valeur des exportations chute de 1930 à 1936 de 1,7 à 1,3 milliards de francs (francs 1914). On retrouve l'idée que les échanges avec les colonies se développent surtout quand les choses vont mal. [...]
[...] Sans compter qu'1/3 des exportations de machines-outils et 1/3 des exportations automobiles sont faites avec l'Empire Il faut cependant distinguer les secteurs industriels pour lesquels le repli colonial est devenu une nécessité structurelle, où il permet de compenser une perte de compétitivité sur les marchés les plus concurrentiels, de ceux pour lesquels le repli n'est que conjoncturel ; dans les secteurs dynamiques, cela permet uniquement de compenser momentanément une baisse du commerce international : bref, Marseille estime que le débouché a été plutôt préféré par les branches déclinantes de l'industrie française, et négligé par les branches ascendantes. Premier exemple : l'industrie de la soie. Cette industrie tient le 1er rang des exportations française jusqu'en 31 des exportations françaises) après quoi elle est dépassée par le fer et l'acier. Or pendant cette période, jusqu'en 30, les exportations de tissus de soie vers les colonies ont été négligeables. [...]
[...] Là encore, France n'a pas tranché entre politique d'assimilation (qui impliquait intégration politique des indigènes à la République) ou d'association (qui à terme devait déboucher sur indépendance dans cadre plus ou moins fédéral d'association avec la France). III. Les années 50 et la décolonisation : l'heure du bilan 13. Les années 50 voient la décolonisation accompagner une phase de mutation rapide qui fit craquer la vieille France rurale et boutiquière. C'est sur cette toile de fond qu'il faut apprécier la place du marché colonial. En 1952, les colonies représentent 42% des exportations de la France, 1/3 de son commerce extérieur et la presque totalité de ses investissements extérieurs. [...]
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