Paul Veyne énonce d'emblée sa volonté de briser certaines idées reçues et de récapituler certains des débats principaux qui agitent la communauté des historiens.
Il définit d'abord l'Histoire comme un « récit véridique » d'évènements humains. Sa première charge est contre le préjugé que l'Histoire cherche à déduire des lois de ces évènements : ils sont singuliers, non-classifiables et leur connaissance est une fin en soi. Cette singularité de tout évènement n'empêche pas le recours aux concepts (despote éclairé ; révolution…) mais l'évènement à un intérêt propre, qui est anecdotique : l'historien est un « lecteur de faits divers ; ceux-ci sont toujours les mêmes et toujours intéressants parce que le chien qui a été écrasé aujourd'hui n'est pas le même que celui qui a été écrasé la veille, et plus généralement parce qu'aujourd'hui n'est pas la veille ».
Il met ensuite en valeur la limite de la scientificité de l'Histoire (à laquelle il affecte tout d'abord de croire) qu'est la divergence des points de vue sur un même évènement. L'historien ne dispose que de traces, d'indices et non de faits absolus : « L'Histoire est fille de mémoire ».
Il cite notamment G. Genette pour définir l'Histoire comme diegesis, non comme mimesis, la vérité historique absolue étant inconnaissable –pour autant qu'elle existe, mais c'est une autre question. Toutefois, le caractère narratif de sa discipline ne doit pas inciter l'historien à faire prévaloir le style, le ressenti et l'esthétique : « L'Histoire admet l'ethos et l'hypotypose mais non le pathos ». Contre le roman historique : « Une histoire qui se veut captivante sent par trop le faux et ne peut dépasser le pastiche ».
[...] En un mot, il s'agit toujours d'histoire. Dans cette optique, la subjectivité de l'Histoire est une évidence car elle est non seulement la projection de nos valeurs et la réponse aux questions que nous voulons bien lui poser mais également univoquement partiale, le choix d'une période et d'un angle de vue étant laissé au choix de l'auteur d'abord, et du lecteur ensuite. La toile historique Si notre champ historique est un gâteau, l'historien le coupe dans le sens qu'il veut et examine cette coupe. [...]
[...] Le régime d'historicité changeant ; cette fable Cette partie s'ouvre sur plusieurs idées : l'Histoire est un domaine où il ne peut y avoir d'intuition, seulement de la reconstruction [ ] Au-delà de la frange de mémoire collective, la conscience se contente de supposer que la durée présente peut être prolongée par récurrence [ ] Quand il arrive à la conscience spontanée de penser au passé, c'est pour l'envisager comme l'Histoire de l'édification du monde humain actuel, qui est tenu pour achevé, terminé». Dans Hippias majeur de Platon, Socrate annonce au sophiste Hippias qui raconte aux Spartiates leur Histoire : Tu leur racontes des histoires qui les amusent Et Paul Veyne de souligner les idiosyncrasies du goût pour l'Histoire : la curiosité, le nationalisme (auquel s'ajoutent toutes les fiertés : familiales, patriotiques ) et l'ennui. [...]
[...] L'historien ne dispose que de traces, d'indices et non de faits absolus : L'Histoire est fille de mémoire Il cite notamment G. Genette pour définir l'Histoire comme diegesis, non comme mimesis, la vérité historique absolue étant inconnaissable –pour autant qu'elle existe, mais c'est une autre question. Toutefois, le caractère narratif de sa discipline ne doit pas inciter l'historien à faire prévaloir le style, le ressenti et l'esthétique : L'Histoire admet l'éthos et l'hypotypose mais non le pathos Contre le roman historique : Une histoire qui se veut captivante sent par trop le faux et ne peut dépasser le pastiche Remarque importante, Veyne explique que l'historien n'apporte jamais de révélation tonitruante qui bouleverse notre vision du monde promouvant l'intérêt pour les détails que les chroniqueurs du passé omettaient tant ils coulaient de source, et qui n'en sont pas moins souvent révélateurs : la caractéristique du métier d'historien et ce qui lui vaut sa saveur : s'étonner de ce qui va de soi Une Histoire en manque de valeurs Veyne définit le champ historique comme plage spatiotemporelle dans laquelle l'historien puise le matériau de son ouvrage, qu'il peut soit choisir restreint et expliquer longuement, soit préférer important, préférant l'érudition à l'analyse. [...]
[...] Idéologies mises à part, les faits n'existent pas isolément, mais ont des liaisons objectives et la majorité des évènements sont des faits sociaux totaux comme l'énonce Mauss, et nos catégories traditionnelles mutilent la réalité Dans ce champ historique, l'historien part de sa tranche et se crée un itinéraire dans une dimension où tout agit sur tout (Michelet). Les évènements ne sont pas des monades au sens de Leibniz. Veyne rappelle que la guerre de 1914-1918 est un capharnaüm un tout extrêmement complexe, et que ce mot est donc une création totalement artificielle. [...]
[...] Revivre les sentiments d'un Carthaginois qui sacrifie aux dieux son premier-né ? Ce sacrifice s'explique par les exemples que notre Carthaginois en voyait autour de lui et par une piété générale qui était assez intense pour ne pas reculer devant ces atrocités ; les Puniques étaient conditionnés par le milieu à sacrifier leur premier-né comme nous le sommes à envoyer des bombes atomiques sur les gens.» Le tout est de ne pas mêler les deux points de vue, comme on fait quand on affirme qu'il faut juger les hommes d'autrefois d'après les valeurs de leur temps, ce qui est contradictoire [ ] Ainsi, l'Historien porte trois espèces d'apparents jugements de valeur : il rapporte quelles étaient les valeurs du temps, il explique les conduites à partir de ces mêmes valeurs, il ajoute que ces valeurs sont différentes des nôtres. [...]
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