Les débats sur l'enseignement rendent compte de la fracture culturelle qui divise la France en deux.
L'école est au cœur du débat politique français : s'ils s'opposent, républicains et catholiques s'accordent à valoriser l'école comme instrument de moralisation des mœurs civiques et à y voir un des éléments essentiels de la formation de l'identité nationale française. En faisant de l'institution scolaire laïque un véritable enjeu de la fondation de la citoyenneté, les républicains en font le lieu où s'inscrivent prioritairement les discours et les pratiques qui l'expriment et qui la contestent.
La loi du 28 mars 1882 consacre l'instruction gratuite, laïque et obligatoire, le remplacement de l'instruction morale et religieuse par l'instruction morale et civique. Elle marque une rupture majeure dans une France imprégnée par le catholicisme, qui préfigure la rupture entre l'Eglise et Etat et à terme entre la France et le catholicisme. Il s'agit d'affirmer par la loi l'autorité de l'Etat sur l'enseignement primaire, et d'assurer l'autonomie de l'enseignement primaire par rapport au pouvoir spirituel. Pour Jules Ferry, la séparation de l'Eglise et de l'école apparaît comme le terme d'une évolution historique (« nous ne faisons qu'obéir à la logique de ce grand mouvement »). Cette loi se heurte à de vives contestations, de la part des familles comme des autorités religieuses.
Y. Déloye cherche à comprendre, à travers l'étude des manuels scolaires, l'élaboration normative de la citoyenneté dans les écoles primaires en France à partir de 1882.
[...] L'individu est valorisé comme un être moral, indépendant et autonome. Alfred Mézières résume les principales qualités que doit avoir l'électeur : il doit être libre, consciencieux, éclairé et désintéressé B. La formation d'un citoyen autonome permet de dépasser l'opposition entre intérêt général et intérêt particulier. La citoyenneté républicaine n'est possible que si elle s'appuie sur une éducation morale qui fasse accepter au citoyen les droits et les devoirs liés à son appartenance à un groupe social. L'élément essentiel de l'identité nationale républicaine est l'affirmation par l'individu de sa volonté d'adhérer à la nation. [...]
[...] L'école doit se limiter à enseigner les valeurs issues de l'Evangile. III. La divine surprise de vichy A. L'école sens Dieu a vécu (quotidien La Croix, 1941) Quinze manuels de morale et d'instruction civique sont entrepris entre 1941 et 1944, rompant absolument avec les valeurs républicaines. Dans le cadre de la politique de redressement national, Pétain veut réformer l'institution scolaire et en faire la base d'un ordre nouveau Les nouveaux programmes entrés en vigueur janvier 1941 visent à regrouper les notions de morale autour de la devise de l'Etat français Travail, Famille, Patrie L'étude des devoirs envers Dieu réapparaît, parallèlement à la réhabilitation de la fidélité envers l'Etat et son chef. [...]
[...] L'espace privé, lui, s'enrichit de toutes les valeurs particularistes (appartenances de sang, de métier, de statut, de religion) qui sont dépolitisées, dans le sens où elles perdent tout pouvoir de discrimination, de clôture sociale En résumé, dans l'enseignement républicain, l'identité française est associée à l'Etat. L'école est au cœur du processus de formation de l'identité civique et nationale et a vocation à l'intégration. L'objectif de l'instruction morale et civique est d'encourager un sentiment de loyauté et d'engagements civiques. Les moralistes républicains attendent de l'école primaire qu'elle civilise les mœurs et façonne un esprit national, ils espèrent aussi qu'elle forme les électeurs instruits dont dépend la légitimité de la République. [...]
[...] Le but premier de l'école est la formation de citoyens, dont la première étape est la moralisation des enfants, et par suite de leurs parents . et deux visions de la nature de la citoyenneté et de l'Etat Pour les républicains, l'Etat est constitutif de la citoyenneté et du lien social. L'Etat est fondé sur l'idée que lui seul peut élever le niveau de vie de la population, l'éduquer, l'unifier, lui donner un sentiment de fierté et de bien-être (Anthony Smith, Theories of nationalisms). [...]
[...] Quand le vote devient un devoir : l'obligation morale de la citoyenneté, l'« éducation de la démocratie Les manuels de morale construisent un ensemble de représentations collectives contraignantes visant à susciter l'obéissance et le respect des règles restées hors de la codification juridique : le vote, la solidarité, la politesse . Le vote n'est pas obligatoire mais l'abstention est présentée comme moralement répréhensible l'indifférence politique est une faute, une faute du point de vue moral, une faute du point de vue de l'intérêt ; c'est l'abandon, par le citoyen, de sa part de souveraineté ; c'est l'abandon par lui de tous les intérêts de la patrie . [...]
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