D. Kalifa entend changer la vision traditionnelle de perversion que l'on a des récits de crime en insistant sur les évolutions de cette perception et l'essor du divertissement dans le crime. Dominique Kalifa s'intéresse alors aux aspects sociaux de la fascination du crime avant de problématiser cette vision en y incorporant ses instrumentalisations politiques sécuritaires. Dès son introduction, Kalifa énonce les différentes approches à adopter lorsque l'on étudie le fait divers et ses retranscriptions.
Cette étude se divise alors entre esthétisme pur et politique sociétale. Cependant, malgré la forte production et consommation du genre, D. Kalifa annonce dès l'introduction qu'il va axer son étude non sur une confortation des pensées conservatrices de l'époque, c'est-à-dire de prendre les récits de faits divers comme fléau social, mais plutôt d'ancrer cet essor de la presse et littérature criminelles dans un phénomène nouveau d'alphabétisation, de révolution culturelle, d'urbanisation, d'industrialisation, d'amélioration de l'information et de ses techniques…
[...] Kalifa y décrit le passage du choc (le crime) à la raison (l'enquête) dans ces récits comme une forme nouvelle de modernité par un esprit et un style nouveaux. On peut alors en conclure que le roman de police s'imprègne de naturalisme dans ses descriptions où horreurs, précisions, biographies se mêlent. Le procès et la peine capitale sont alors exacerbés. Iconographies criminelles (gravures, illustrations ) et crimes fictifs viennent étayer ce constat de Fabrique du crime Dans cette déviation du récit du crime à celui de l'enquête, une nouvelle figure émerge ; celle du reporter. [...]
[...] Cette héroïsation du délinquant valorise alors son talent, son courage et sa liberté. Ces appels sont cependant peu nombreux et souvent qualifiés de populistes et d'hymnes à l'oisiveté, souvent simplement opposés à l'appareil policier (comme l'Assiette au Beurre). Troisième partie : Lectures du crime Il est alors important de s'intéresser à présent aux formes de perception des récits du crime, accusés d'être criminogènes On reproche aux reporters d'entraver les enquêtes (pas des dénonciations hâtives, des tentatives de devancement, des corruptions de policiers parfois qui ont mené à une circulaire de Clemenceau en 1906 relative au secret professionnel ) soutenues par la presse anarchiste et socialiste, généralement opposée au rôle du policier. [...]
[...] Dominique Kalifa, né en 1957, est un historien et écrivain français, spécialiste, en effet, du crime et de ses représentations au dix neuvième siècle et au début du vingtième. Il est professeur à l'université de Paris I et enseignant à Sciences Po. Normalien et agrégé d'histoire, il étudie avec Michelle Perrot et Alain Corbin avant d'écrire en 1995 L'Encre et le Sang, puis de s'intéresser au métier de détective privé et à l'avènement de la culture dans Naissance de la Police Privée et La Culture de Masse en France en 2000 et récemment, Histoire des Détectives Privés en 2007. [...]
[...] Le crime n'est il pas une culture en soi ? D. Kalifa a déjà démontré l'aspect didactique de la lecture de romans policiers comme l'une des premières véritables littératures populaires, il a également mentionné l'aspect normatif de ces lectures sans omettre l'inquiétude qu'elles peuvent générer. Malgré cela, l'ancrage des récits de crimes semble indéniable dans la société, forgeant une identité sociale, un engagement collectif, également parent de la fièvre de l'enquête, forme d'adaptation du regard à la modernité. C'est sans insister sur le divertissement que suscite le crime et que l'historien étaye par de multiples exemples (Zola et son Assommoir où il explique qu'il faut lire les assassinats, c'est plus rigolo de journaux énonçant également les motivations ludiques des auteurs de romans policiers. [...]
[...] Kalifa nous a-t-il permis la compréhension d'un phénomène nouveau, parfaitement ancré à la veille de la Guerre. A partir d'un constat de l'expansion et de la diffusion des récits du crime, aspect relativement connu de l'historiographie, l'auteur analyse la fascination esthétique et politique que ces représentations constituent dans l'imaginaire de la société de la Belle Epoque, retranscrivant ses critiques de perversion, mais aussi son aspect didactique et moderne, indissociable d'un phénomène d'alphabétisation, d'urbanisation et d'industrialisation d'un public jeune en quête de catharsis dans la presse ou les romans. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture