De la démocratie en Amérique, tome II, partie IV, chapitre V - Tocqueville

Thèmes abordés

de la démocratie en Amérique, Tocqueville, pouvoir central, plan économique, industrie, finances, plan juridique, droits civils, administration publique, état

Résumé du document

Tocqueville met en lumière la perversion qu'a subie le principe d'égalité que la révolution a consacré comme l'une des visées principales de la démocratie. Si la révolution, en Europe, a été vécue comme un mouvement vers un nouvel ordre social où le traitement égal de tous les hommes répond à un droit naturel qui identifie tous les individus comme des êtres semblables ayant comme attribut suprême leur humanité et leur liberté, on ne tarde pas à y voir un danger qui risque de faire de la liberté le lieu de tous les excès. En vue de protéger l'ordre social de toute menace de chaos, l'État a restreint les libertés susceptibles d'y conduire en s'appuyant sur le consentement du peuple qui voit dans les mesures de l'État des garanties contre tout retour au système des privilèges. Le souci de se garantir l'égalité devient donc impérieux chez les peuples démocratiques : ils regardaient d'air suspicieux l'existence des pouvoirs intermédiaires (associations, collectivités territoriales), leur privilégiant un pouvoir unique et central.

Extraits

[...] Un état inquisitif « L'administration publique [est devenue] plus centralisée, mais plus inquisitive et plus détaillée ( . ) et elle s'établit davantage tous les jours à côté, autour, au-dessus de chaque individu, pour l'assister, le conseiller et le contraindre » « Les citoyens tombent à chaque instant sous le contrôle de l'administration publique ; ils sont entraînés insensiblement et comme à leur insu à lui sacrifier tous les jours quelques nouvelles parties de leur indépendance individuelle et ces mêmes hommes qui de temps à autre renversent un trône et foulent aux pieds des rois, se plient de plus en plus sans résistance aux moindres volontés d'un commis. [...]

[...] L'association leur permettait alors de se protéger contre les abus du pouvoir, étant désormais forts de leur droit de défendre leur liberté d'action dans les limites que leur autorise la loi. Conscient du danger que représente la force associative sur l'étendue de ses attributions, l'État s'est arrogé le droit de forger des lois qui encadrent les activités et les initiatives des associations. Il lui revient de droit en cas d'infraction au règlement de leur constitution, sinon de les dissoudre, du moins d'en limiter la liberté et de les placer sous contrôle. II. Les figures de l'autoritarisme ou l'interventionnisme étatique A. [...]

[...] Sur le plan économique 1. L'industrie « Il n'est pas seulement le premier des industriels, il tend de plus en plus à se rendre le chef ou plutôt le maître de tous les autres. » La croissance de la classe industrielle et son inorganisation a favorisé l'élargissement du pouvoir central. L'État a investi le secteur de l'industrie pour en faire la source de sa puissance et sa richesse à travers des projets d'infrastructure que lui seul était en possession des moyens de réaliser. [...]

[...] » L'État, pour asseoir sa puissance, a usurpé le pouvoir judiciaire en mettant en place une nouvelle organisation juridictionnelle. Il a limité le domaine d'intervention de la justice en multipliant les tribunaux spécialisés et en créant des instituts et des écoles destinés à la formation des magistrats. La justice alors devient une institution étatique ne relevant pas d'un pouvoir juridique indépendant. La politique juridictionnelle de l'État visait surtout la création des tribunaux administratifs pour se soustraire à l'obligation de répandre de ses actes en cas de violation des droits individuels. C. [...]

[...] L'individu ne peut rien entreprendre sans passer par l'autorisation des autorités compétentes. Les moindres entreprises comme creuser un puits nécessite l'autorisation du ministère de l'Agriculture. L'identité même de la personne repose sur un acte de reconnaissance établi une administration. L'administration est donc la main de l'État par laquelle celui-ci intervient dans la sphère privée pour encadrer les actions des citoyens et les appeler à l'ordre s'ils viennent à manquer aux règles établies par la loi. [...]