Prononcé à Bonn lors d'une séance extraordinaire du parlement fédéral de la RFA, ce discours de Konrad Adenauer constitue une des premières réaction officielle allemande à l'édification, dans la nuit du 12 au13 août 1961, d'un mur empêchant toute circulation entre Berlin-est et Berlin-ouest.
L'auteur, Adenauer, est alors âgé de 85 ans et a derrière lui une longue carrière politique en Allemagne. Maire de Cologne, sa ville natale, de 1917 à 1933, il est démis de ses fonctions lors de l'accession au pouvoir du national-socialisme. Après guerre, il s'impose au sein du parti démocrate chrétien et en devient le chef en 1946. Il est élu à la haute fonction de chancelier de la RFA le 15 septembre 1949, réélu à plusieurs reprises, il quittera de lui-même cette fonction en 1963. Atlantiste convaincu et pro-européen, Adenauer est le principal artisan d'une politique de rétablissement de la souveraineté allemande et d'ancrage de la RFA aux institutions du bloc occidental, que ce soit à la CECA en 1952 ou à l'OTAN en 1955. Homme de pouvoir mais aussi intellectuel, le chancelier soutient l'idée d'une continuité idéologique entre la Russie tsariste et la Russie soviétique. Ainsi, lors de l'édification du mur de Berlin, encore à l'état de simples barbelés, en août 1961, Adenauer réagit durement et condamne avec fermeté ce qu'il juge être la preuve de l'arbitraire russe.
La construction de cette barrière physique entre les zones d'occupation occidentale et orientale de Berlin, marque à la fois le paroxysme mais aussi l'achèvement d'une seconde crise de Berlin qui débute sur l'initiative de Khrouchtchev en 1958. Ce dernier adresse, le 27 novembre 1958, aux trois puissances d'occupation ainsi qu'à la RFA une note réclamant la normalisation du statut de Berlin-ouest par démilitarisation de la zone et constitution d'une entité politique autonome. La réponse occidentale, un mois plus tard, précisa une volonté commune de ne pas quitter Berlin-ouest et proposa des négociations sur le règlement de la question allemande. Les conférences de Genève en mai 1959, celle de Paris en mai 1960 et même la rencontre de Kennedy et Khrouchtchev à Vienne en juin 1961, n'y firent rien. Handicapées par les divergences occidentales et l'entêtement soviétique, toutes les négociations pour régler la question berlinoise échouèrent. En 1961, la tension est à son comble, les fuites de citoyens de RDA vers la RFA via Berlin sont croissantes et Ulbricht, dirigeant de la RDA, obtient de Khrouchtchev, le 5 août lors d'une réunion des Etats membres du Pacte de Varsovie, le droit de fermer les frontières entre Berlin-ouest et Berlin-est. Dans la nuit du 13 août, la police populaire de RDA se déploie sur la ligne de démarcation et défend toute circulation.
[...] En les mettant en oeuvre, le régime d'Ulbricht a déclaré devant le monde entier, d'une façon claire et sans équivoque, la banqueroute politique de seize années d'une domination par la force. Par ces mesures, le régime d'Ulbricht a dû reconnaître qu'il n'est ni soutenu ni appuyé par la libre volonté des Allemands qui vivent dans la zone. Par ces mesures, le régime d'Ulbricht a confirmé que l'exercice par le peuple allemand du droit d'autodétermination ne peut plus être ajourné si l'on veut maintenir la paix dans le monde. [...]
[...] Il revendique l'appartenance de la RFA au monde libre et parle des alliés occidentaux, ligne 23. Et, il démontre à nouveau sa volonté de réunir les Allemagnes nous ne cesserons jamais d'œuvrer passionnément pour la réalisation de ce grand objectif ligne 32. Pour autant, ces 3 objectifs sont, à l'évidence, contradictoires dans la mesure où la construction d'une RFA forte et ancrée à l'ouest ne cesse de renforcer la division institutionnelle et politique avec une RDA ancrée à l'est. Ainsi, Adenauer entend dépasser cette contradiction avec ce qui constitue le point nodal de sa politique : la théorie de l'aimant En effet, le chancelier est intimement convaincu que la réunification se fera par absorption de la RDA par la RFA. [...]
[...] Pour Adenauer l'URSS se place en dehors du droit et surtout met un terme arbitraire aux négociations que Khrouchtchev avait lui-même réclamé dans sa note du 27 novembre 1958. Aux yeux du chancelier c'est tout l'impérialisme russe qui est en œuvre ici, ainsi il déclare : les hommes au pouvoir dans la zone ont répondu à cette volonté de paix et de négociation de l'Occident par des mesures militaires ligne 19. Une fois de plus le régime communiste est présenté comme belliqueux et militaire. En clair, Adenauer impute la responsabilité de la crise à l'URSS par son refus de négocier. [...]
[...] Votre souffrance et vos soucis sont notre souffrance et nos soucis. Dans votre situation si pénible, vous trouviez au moins une consolation dans l'idée que, si votre sort devenait insupportable, vous pourriez y échapper par la fuite. Il semble à présent que cette consolation vous ait aussi été enlevée. Je vous le demande instamment, ne perdez pas l'espoir en un avenir meilleur pour vous et vos enfants. Nous sommes convaincus que les efforts du monde libre et, en particulier, nos propres efforts finiront un jour par réussir à vous rendre la liberté. [...]
[...] Ainsi, la réponse de Khrouchtchev à la question allemande fut simple : signer des traités de paix avec la RDA et la RFA dans le but de faire officiellement reconnaître la RDA par le camp occidental. La stratégie soviétique est donc claire, il s'agit d'appliquer les préceptes de la coexistence pacifique au cas allemand avec deux Etats opposés (RFA et RDA), reconnus de tous et entretenant des relations diplomatiques minimales en vue d'éviter toute crise majeure. Adenauer perçoit très bien cette volonté de consacrer la division allemande, ce qui explique l'insistance accordée au thème de la réunification dans son discours, d'autant plus qu'il comprend jours après la construction du Mur, que cette volonté de statu quo n'est pas uniquement partagée par les soviétiques ) Le mur ou l'incarnation du statu quo En fin de compte, l'espoir de réunification porté par Adenauer n'a eu que peu d'influence dans cette seconde crise de Berlin. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture